Pierre-Luc Lafrance
Lynn Brouillette, la directrice exécutive du Consortium national de la formation en santé (CNFS) était de passage au Yukon du 29 au 31 octobre dans le cadre d’une tournée des partenaires de l’organisme. Pour l’occasion, l’Aurore boréale l’a rencontrée.
Mme Brouillette a d’abord expliqué ce qu’était le CNFS. « Notre but est d’augmenter l’offre de formation pour permettre au personnel du domaine de la santé d’offrir des services en français et permettre aux gens d’avoir des services le plus près possible d’eux. Nous regroupons onze universités et collèges à travers le pays ainsi que plusieurs partenaires, dont l’AFY et le PCS au Yukon. Ces partenaires peuvent faire la promotion de l’ensemble de nos programmes. » En effet, le CNFS offre une centaine de programmes qui touchent les différents domaines de la santé : science infirmière, hygiène dentaire, ergothérapie, kinésiologie, orthophonie, etc.
Né de la crise de l’hôpital Montfort
« Nous en sommes actuellement à la troisième phase de cinq ans… en fait, même la quatrième puisque dans un premier temps, ça ne touchait que l’Université d’Ottawa. » Le CNFS est né de la crise de l’hôpital Montfort. En 1997, le gouvernement provincial de l’Ontario recommande de fermer l’hôpital à la suite d’une restructuration stratégique du domaine de la santé. « Ce faisant, il voulait fermer le seul hôpital qui pouvait former le personnel de santé en français. La communauté francophone de la province et de l’extérieur s’est mobilisée. Cela a duré plusieurs années et le cas est allé jusqu’en Cour suprême où l’hôpital a gagné son cas. »
Il s’agit d’une cause phare sur le plan constitutionnel. À la suite de ça, Patrimoine canadien a donné des fonds à l’Université d’Ottawa pour appuyer l’hôpital. « L’Université avait une belle vision et a tendu la main à d’autres universités et ensuite à des collèges. Cela a permis de former le Centre national de formation en santé qui, en 2003, est devenu le Consortium national de formation en santé. Depuis cette date, on est passé d’une quarantaine de programmes à une centaine. » Grâce à ce réseau, il y a un partage de matériel, mais aussi des programmes communs et un partage de l’expertise.
Les défis
Pour Mme Brouillette, le dossier névralgique est la question de l’offre active. « Ce n’est pas suffisant de former des professionnels en santé francophone, il faut aussi les outiller pour offrir activement leurs services, car les clients ne sont pas habitués de demander des services en français en milieu minoritaire, surtout en santé. Quand on a un bras cassé, notre priorité, c’est de recevoir les soins. » Mme Brouillette rappelle l’importance d’être servi dans sa langue maternelle dans certains domaines névralgiques, dont la santé. « Les gens ont tendance à adhérer davantage à leur plan de soins, à mieux prendre leurs médicaments et à moins passer par l’urgence quand ils sont servis dans leur langue. De plus, il faut leur faire passer moins de tests. Au final, cela coûte moins cher au système de santé et la personne a un meilleur service. »
Une autre question importante est celle des stages. « On se rend compte que quand les gens découvrent un milieu par les stages, ils ont souvent de l’intérêt à y retourner après l’obtention de leur diplôme. Et, de l’autre côté, par les stages, les employeurs peuvent identifier de futurs employés intéressants. » C’est là que le PCS joue un rôle majeur en effectuant un travail de terrain pour trouver des stages dans le milieu pour les étudiants des onze collèges et universités du réseau qui voudraient venir au Yukon. L’obtention de stage, c’est un des défis des milieux où les francophones sont minoritaires. « Souvent, il faut négocier le stage avec l’université anglophone qui a pratiquement un monopole à cause d’entente provinciale ou territoriale. Par exemple, en Nouvelle-Écosse, tous les stages passent par l’Université Dalhousie. Donc, en plus de vendre à l’employeur l’intérêt d’offrir des services bilingues, il faut s’entendre avec l’Université. Le travail est donc dédoublé. »