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le Lundi 13 octobre 2014 8:00 Société

Le Québec veut s’investir

La directrice de la Chaire de recherche sur la francophonie et les politiques publiques, Linda Cardinal. (Photo U d’Ottawa)
La directrice de la Chaire de recherche sur la francophonie et les politiques publiques, Linda Cardinal. (Photo U d’Ottawa)

Jean-Pierre Dubé (Francopresse)

Avec un gouvernement fédéraliste à l’Assemblée nationale et deux chefs d’opposition populaires à Ottawa, les Québécois voudraient sortir de l’exil politique et constitutionnel. Qu’est-ce qui motive nos cousins ?

Que distille le premier ministre Philippe Couillard derrière son discours sur l’importance pour le Québec de signer la Loi constitutionnelle de 1982 ? La professeure de science politique de l’Université d’Ottawa, Linda Cardinal, reste sur son appétit.

La directrice de la Chaire de recherche sur la francophonie et les politiques publiques, Linda Cardinal. (Photo U d’Ottawa)

La directrice de la Chaire de recherche sur la francophonie et les politiques publiques, Linda Cardinal. (Photo U d’Ottawa)

« Il dit que c’est important mais qu’on peut fonctionner sans ça, que ce n’est pas prioritaire. Il n’est pas en train d’expliquer l’importance d’une plus grande reconnaissance du Québec. Ce n’est pas gagnant et ça manque de vision stratégique.

« C’est clair qu’il ne peut pas signer sans qu’il y ait quelques demandes mises de l’avant par le Québec, lance la politicologue. Mais il faudrait qu’il y ait un interlocuteur intéressé à en parler », pour rouvrir le dossier constitutionnel.

Professeur à l’Université de Calgary, Dominique Perron estime que le discours du premier ministre est de bon augure pour la francophonie. « La peur de la souveraineté est tellement forte chez les hors Québec. Ce fut un grand soulagement de voir le Québec changer de cap. »

Mais selon l’analyste des discours de l’énergie, la priorité de Philippe Couillard est l’économie. « Pour régler un énorme déficit, il doit travailler avec le Canada sur le plan de l’énergie. Il se dit : on reste, on va faire notre part, on laisse passer le pipeline. Les Québécois ont besoin d’une province et d’un Canada stables. » En août, Québec a adhéré à la Stratégie canadienne de l’énergie.

« Dans mon expérience, explique-t-elle, on peut parler en français dans le milieu du pétrole. On voit à Calgary une concentration du commerce en français. Les compagnies albertaines font des affaires avec le Québec et les compagnies québécoises investissent dans l’Ouest. Avec ces échanges, on peut valoriser le français comme langue de travail. »

Et de l’éducation. Dominique Perron salue « la résilience des groupes francophones de l’Ouest qui ont établi des structures scolaires en français ». Les établissements d’accueil conjugués au boom économique favorisent la migration de l’Est.

Le président de la Société nationale de l’Acadie, René Légère, reconnait l’impact négatif de la mobilité des travailleurs des provinces atlantiques. « L’attrait de nos jeunes pour les provinces de l’Ouest est très fort. Ils quittent par centaines. Juste à Fort McMurray, il y a 2 000 Acadiens. »

Le président de la Société nationale de l’Acadie, René Légère. (Photo SNA)

Le président de la Société nationale de l’Acadie, René Légère. (Photo SNA)

En même temps, il se passe « une chose extraordinaire », signale le militant culturel. Au niveau de la musique et littérature, « on n’a jamais reçu au Québec un accueil si chaleureux de nos artistes. Ça aide les Québécois à voir la vitalité du peuple acadien. »

René Légère se réjouit des partenariats développés lors du Congrès mondial acadien (CMA) d’août dernier, réunissant des régions du Nouveau-Brunswick, du Maine et du Québec. « Le Québec, c’est notre partenaire immédiat, notre voisin et notre parenté. Je suis très positif quant au potentiel de la mobilité des jeunes entre les deux provinces. »

La jeunesse acadienne se déplace surtout pour des raisons économiques. Dominique Perron s’interroge : « Si les gens de l’Atlantique n’ont pas peur d’aller dans l’Ouest, est-ce que ça veut dire que les besoins économiques passent avant l’identité ?

« Dans l’Ouest, la culture, c’est souvent du folklore, souligne-t-elle. Mais on prend les affaires très au sérieux et on comprend que ça peut se faire en français. Le fait français sera donc plus facile à confirmer pour les communautés dans la mesure où il y aura davantage d’échanges commerciaux dans cette langue.

« Que les Québécois choisissent de rester au Canada à chaque élection impose une plus forte reconnaissance du Québec », soutient l’analyste.

René Légère s’est entretenu avec Philippe Couillard lors du CMA. « J’ai senti une volonté de multiplier les échanges entre la nation québécoise et le peuple acadien. » Les deux bénéficient d’un accord de coopération officiel aux plans culturel, éducatif et économique. « Il y a un désir de faire avancer les choses à une deuxième vitesse. »

Linda Cardinal renchérit. « On a beaucoup parlé de liens rompus avec le Québec dans les années 60. Mais il y a aussi toute l’histoire de la solidarité entre les deux communautés. Quel est l’état de la relation aujourd’hui et comment la bonifier ? Il faudrait revoir les instruments qui existent pour raffermir les liens. »

La politicologue souhaite l’élaboration d’une vision pancanadienne. « Comment le gouvernement du Québec et les communautés francophones voient-ils leur place dans le Canada de 2017 ? Quelle sera l’orientation vers les francophones des Amériques ? Les communautés sont intéressées par ce genre de discussions. »