le Dimanche 24 septembre 2023
le Vendredi 19 septembre 2014 10:15 Société

L’identité et l’argent de l’identité

Une capture d’écran du producteur Jean-Claude Bellefeuille devant le CRTC. (Photo : CPAC)
Une capture d’écran du producteur Jean-Claude Bellefeuille devant le CRTC. (Photo : CPAC)

Jean-Pierre Dubé (Francopresse)

Les services télévisuels permettant aux communautés francophones de se voir pourraient encore diminuer, selon les propos tenus lors d’audiences du CRTC, du 8 au 19 septembre. Comment maintenir la télé publique, le contenu canadien et les nouvelles régionales ?

« Les audiences du CRTC me semblent mener à une opposition malheureuse entre le choix des consommateurs et les objectifs de la Loi sur la radiodiffusion », signale Florian Sauvageau, professeur en communications de l’Université Laval et un concepteur de la loi de 1991.

« Il est vrai, comme le disent Les Amis de la radiodiffusion canadienne, que le choix des canaux à la carte conduirait à la perte de plusieurs chaînes spécialisées et de contenu canadien. On peut aussi comprendre que les consommateurs refusent de payer pour des canaux qu’ils ne regardent pas. On retiendra sans doute cette option, d’autant que c’est le vœu du gouvernement conservateur. »

Devant des partisans, le premier ministre a déclaré le 15 septembre que son gouvernement aidera les consommateurs en « laissant les Canadiens payer pour les chaînes de télé qu’ils veulent ». Le gouvernement de Stephen Harper s’opposera à toute taxe sur les services de télédiffusion en ligne, tels que Netflix et Youtube.

Une capture d’écran du producteur Jean-Claude Bellefeuille devant le CRTC. (Photo : CPAC)

Une capture d’écran du producteur Jean-Claude Bellefeuille devant le CRTC. (Photo : CPAC)

« La vraie problématique, selon l’Alliance des producteurs de la francophonie canadienne (APFC), c’est que les services de programmation par internet se bâtissent des empires et contribuent très peu au financement de nouveaux contenus canadiens. » La position du groupe a été présentée devant le CRTC le 10 septembre par son vice-président, Jean-Claude Bellefeuille.

Il y a de l’ingérence politique en coulisse, estime-t-il, évoquant les déclarations du premier ministre. Le secteur privé, « ça doit lobbyer fort à l’approche des élections fédérales. Les enjeux financiers sont dans les 20 milliards $ par année. »

Identité oblige, la loi actuelle consacre les médias publics, privés et communautaires comme les piliers de l’offre d’un service public essentiel en langue officielle pour tous les Canadiens.

« Tout le monde s’entend sur l’importance du contenu canadien, souligne Jean-Claude Bellefeuille. Le CRTC y tient. On aura un petit service de base pour protéger les réseaux canadiens, plus la télé à la carte.

« Les producteurs canadiens, affirme-t-il, on veut continuer à développer du contenu identitaire – c’est ultra important pour les communautés francophones. Mais ça prend de l’argent. D’où ça va venir ? On voudrait que les nouvelles plateformes internet contribuent.

« C’est ça que cherche à définir le CRTC, selon le producteur de Moncton. C’est sur les principes qu’on essaie de s’entendre. C’est une espèce de grand cirque. On est juste à l’étape de redéfinir les règles. »

L’ancienne directrice générale de TFO, Claudette Paquin, sait que les télé-distributeurs ne sont pas intéressés aux langues officielles. « Il y a quelques années, nous avions fait le calcul du coût pour les hors Québec d’avoir accès aux chaînes francophones. C’était une grosse somme. Si tu voulais les chaînes pour enfants, tu devais t’abonner au forfait enfants ; pour les sports, au forfait sports, et ainsi de suite.

« Nous avions demandé au CRTC de mettre toutes les chaînes francophones dans un seul forfait, précise-t-elle. À 5,99 $, un coût raisonnable pour le consommateur, toutes ces chaînes feraient plus d’argent que dans le scénario actuel. Mais cette approche va à l’encontre de la pression pour réduire les forfaits. »

Les priorités en milieu minoritaire sont claires, d’après Jean-Claude Bellefeuille. « Les gens affectionnent les nouvelles. On veut que la télé parle de nous. La SRC joue un rôle très important. »

Devant le CRTC, le diffuseur public a demandé que ses services soient payants. Cette approche inquiète Florian Sauvageau. « Plus j’entends le discours des dirigeants de Radio-Canada, plus j’ai le sentiment qu’ils représentant une entreprise privée.

« Un des principes de base de la télé publique, c’est l’universalité. Que feront les citoyens qui n’ont pas les moyens de s’abonner au câble ou qui vivent en région éloignée ? Le service ne sera plus universel. »

Claudette Paquin renchérit. « Le besoin exprimé par la SRC découle des réductions budgétaires du fédéral. Est-ce que ses opérations à Montréal sont trop lourdes et pourraient être réduites sans pénaliser les régions ? J’ai toujours trouvé qu’ils montaient de grosses machines, là où une plus petite pourrait tout aussi bien faire. »

Les 14 membres de l’APFC proposent des mesures pour renforcer l’information et la production régionales. Ils demandent au CRTC de rétablir le Fonds d’amélioration de la production locale, aboli l’an dernier, qui permettait de renforcer la programmation et les nouvelles plateformes « à l’extérieur de Toronto et de Montréal ».