Lucien Chaput (Francopresse)
Quelque 500 Acadiens et francophones envahiront Halifax (NÉ), les 25, 26 et 27 septembre prochain pour le 67e congrès annuel de l’Association canadienne d’éducation de langue française (Acelf). Voici la consigne qu’on leur a donnée : apportez vos accents mais, de grâce, laissez vos insécurités linguistiques à la porte!
Organisé en partenariat avec l’Acelf par le Conseil scolaire acadien provincial (CSAP) et le ministère de l’Éducation et du Développement de la petite enfance (NÉ), le congrès se déroule sous le thème « Ensemble, mettons l’accent sur nos communautés ».
François Rouleau, directeur régional de la CSAP et président du comité de la thématique, explique : « La richesse de notre francophonie passe par la beauté de nos accents. Mais il arrive qu’ils soient menacés par l’insécurité linguistique vécue dans nos communautés. On a voulu que ce congrès soit l’occasion de découvrir des pratiques novatrices qui permettront à nos jeunes de célébrer leur identité acadienne et francophone pour cheminer vers une sécurité linguistique. »
Pour qui œuvre en éducation en français en milieu minoritaire, l’insécurité linguistique n’est pas un concept nouveau. Ingrid Lévesque, l’une des 20 conférencières et conférenciers invités du congrès, donne des précisions.
« Il y a l’insécurité formelle, c’est-à-dire le fait de croire que je ne parle pas bien ma langue. Il y a aussi l’insécurité qui est liée au statut de la langue. Je ne veux pas parler ma langue parce que, comparativement à une autre, elle n’est pas très bien vue. On trouve qu’elle ne vaut pas la peine d’être parlée. »
Plusieurs raisons expliquent pourquoi les jeunes souffrent d’insécurité linguistique, indique la conseillère pédagogique en français du CSAP. « Un des facteurs provient de l’école. On y enseigne le français standard et on le valorise. On n’est pas en train de dire aux élèves qu’ils ne parlent pas bien. Mais le fait de valoriser seulement le français standard – le message caché qui ne doit pas être là et qui est souvent entendu par les élèves –, c’est que leur français, parce qu’on ne lui donne aucune place à l’école, n’est pas un bon français. »
La conférencière Judith Patouma est professeure à l’Université Sainte-Anne (NÉ). Sa présentation est intitulée « Enseignant, qui es-tu? Enseignant, quelle langue parles-tu? » La didacticienne des langues et sociolinguiste soutient que la langue, c’est beaucoup plus complexe qu’on n’aimerait le croire.
« Quand on parle d’une langue, on parle aussi d’une culture. Pour qu’une personne puisse s’exprimer à son aise, il faut créer des situations de communication sécurisantes. Cela va de paire avec la compréhension de la culture de l’autre. La culture, pour les sociolinguistes, passe par la langue et les mots que nous allons choisir. Donc les mots ne sont pas innocents.
« Ici à l’Université, nous formons des enseignants qui sont de la Nouvelle-Écosse, mais aussi de l’extérieur. Dans le cas d’un enseignant venant de l’extérieur du Canada, il amène avec lui un vocabulaire utilisé de manière beaucoup plus spécifique dans son pays d’origine. Rendu ici, ce vocabulaire ou lexique pourrait être recontextualisé, parce que les mots ne veulent pas toujours dire la même chose.
« Aujourd’hui, on s’ouvre de tellement de manières à l’internationale qu’il faut, en tant qu’enseignant, prendre en compte cette dynamique. Nous ne sommes pas nécessairement de la même culture que nos élèves, donc il faut être conscient de ces différences. »
Tous sont d’avis. Le milieu scolaire ne peut pas tout faire, tout seul. « Le premier mot du thème est “ensemble”, rappelle François Rouleau. C’est important parce qu’on croit que l’éducation de nos jeunes, c’est l’affaire de toute une communauté. »
Évaluation de Judith Patouma : « Plus la communauté est en contact avec les diversités culturelles, mieux ce sera autant pour l’enseignant que pour l’élève dans sa salle de classe. On se dirige vers une plus grande inter-compréhension culturelle et je pense que c’est nécessaire pour l’élève, pour l’enseignant et pour la communauté d’être sensibles à cela. »
« Comme parent, ajoute Ingrid Lévesque, plus on met nos enfants en contact avec la langue française, plus l’élève développera un sens d’appartenance à cette langue. Il se sentira plus compétent parce qu’il va se développer une banque de référents francophones. Alors veux, veux pas, il va se sentir plus en confiance avec la langue. »