Lucien Chaput (Francopresse)
Ottawa, ville ontarienne unilingue, ou capitale canadienne bilingue? Le débat est lancé et une réponse souhaitée avant 2017, année du 150e anniversaire de la Confédération. Le gouvernement conservateur refuse toutefois d’intervenir.
Relancer est le mot juste. Jacques de Courville Nicol, le visage public du Mouvement pour une capitale du Canada officiellement bilingue, le souligne : déjà en 1970, la Commission royale d’enquête sur le bilinguisme et le biculturalisme avait recommandé que « dans la capitale fédérale, le français et l’anglais aient un statut d’égalité totale, et que l’ensemble des services dispensés au public soit partout accessible dans les deux langues ».
Derrière cette relance, on retrouve trois grands noms de la francophonie ontarienne : l’homme d’affaires d’Ottawa, Jacques de Courville Nicol; la professeure de science politique de l’Université d’Ottawa, Linda Cardinal; et l’avocat Gérard Lévesque, un constitutionnaliste de Toronto.
« Le 150e était une belle occasion de relancer le débat et d’obtenir une désignation ou une proclamation officielle, indique l’homme d’affaires. Dans un pays officiellement bilingue, la capitale devrait l’être aussi. »
Le choix de la capitale remonte à 1857, au moment où cinq villes sont en lice : Québec, Montréal, Ottawa, Kinston et Toronto. Le gouverneur général Lord Elgin se fait le messager du consensus politique dans sa recommandation à Londres. Ville frontalière, selon lui, « Ottawa représente le seul compromis juste et acceptable pour la majorité du Haut-Canada et du Bas-Canada. »
Qu’en pense la ministre du Patrimoine canadien et des Langues officielles, Shelly Glover ? « Je peux vous dire au nom de la ministre, a répondu son directeur des communications Mike Storeshaw : le dossier du bilinguisme des municipalités demeure une juridiction municipale. Il serait inopportun pour le gouvernement fédéral d’intervenir. »
Réaction de Jacques de Courville Nicol : « C’est trop facile. Les conservateurs fédéraux renvoient la patate chaude au gouvernement municipal, qui la renvoie au gouvernement provincial. Il faut en finir avec ces petits jeux politiques qui nuisent à l’avenir du Canada, qui nuisent à l’avancement des francophones.
« C’est un mouvement qui existe dans presque toutes les provinces du Canada, estime le diplômé de l’Université Laurentienne. Nous, on est essentiellement un mouvement qui fait des recherches, qui informe et qui rassemble. On laisse aux individus et aux organismes d’adopter leurs propres stratégies dans le dossier. »
La tenue d’élections municipales en Ontario cet automne a peu à voir au timing du débat, selon lui. « Les élections municipales, c’est pour les services de la ville. Mais Ottawa, ce n’est pas une ville traditionnelle de l’Ontario, c’est la capitale du Canada. Dans ce sens, elle ne doit pas se limiter à représenter la position locale, mais bien la volonté de la population nationale. »
Depuis que la question a été médiatisée, divers politiciens ont dû se prononcer. Le maire d’Ottawa, Jim Watson, a répondu par un « non » catégorique. La ministre déléguée aux Affaires francophones de l’Ontario, Madeleine Meilleur, a indiqué qu’elle appuierait une désignation officielle pour Ottawa, si la ville en faisait la demande.
La première ministre Kathleen Wynne a rappelé que les municipalités ne sont pas assujetties à la Loi sur les services en français. Elle soutient aussi que la ville d’Ottawa doit en faire la demande.
Jacques de Courville Nicol affirme qu’il est en communication avec une quarantaine d’entités. « C’est un mouvement qui va faire boule de neige, qui a reçu l’appui du Parti libéral du Canada et de l’Opposition officielle, ainsi que de plusieurs sénateurs. »
La Fédération des communautés francophones et acadienne (FCFA) est partie prenante. « La FCFA est absolument en faveur d’une désignation bilingue officielle pour Ottawa, indique la vice-présidente Sylviane Lanthier. La capitale d’un pays qui a deux langues officielles devrait elle aussi avoir deux langues officielles.
« Nous ne sommes pas des citoyens de deuxième classe et si la Charte canadienne des droits et libertés reconnaît le principe de l’égalité des deux langues officielles, il nous semble tout à fait normal que la capitale de notre pays opère selon ce même principe. »