Lucien Chaput (Francopresse)
Le ministre de l’Éducation de la Saskatchewan a demandé le 12 juin à la vérificatrice provinciale d’effectuer une analyse de la gouvernance et des finances du Conseil des écoles fransaskoises (CÉF). Une série d’événements récents mettent à dure épreuve la confiance des parents et inquiètent à l’échelle nationale.
Entre les premières coupures de postes annoncées en octobre 2013, la démission du directeur de l’éducation du CÉF en février, le changement de présidence en mars et de nouvelles coupures de l’ordre de 4,4 millions en juin, deux collectifs de parents ont vu le jour pour exprimer leurs inquiétudes.
Le Collectif des parents mobilisés pour une meilleure gestion scolaire s’est formé en 2013. « On était plusieurs à s’interroger sur la logique des coupures annoncées », explique la porte-parole Gabrielle Lepage-Lavoie. Ces parents décident de mener leur propre enquête.
« Lorsqu’on s’est rendu compte de l’ampleur des coupures, poursuit le parent de Saskatoon, on a établi un dialogue entre des parents de plusieurs communautés, dont Saskatoon, Moose Jaw, Prince Albert et Lloydminster. Une centaine de parents ont signé une lettre afin d’envoyer un message clair au CÉF.
« Nous voulions qu’il prenne au sérieux les préoccupations soulevées par notre enquête, dit-elle. Les relations entre le gouvernement et le conseil scolaire étaient tellement tendues qu’il n’y avait plus de progrès. De nombreux projets étaient difficiles à réaliser parce qu’il n’y avait pas de financement. Et il fallait un budget équilibré qui efface le déficit. »
À l’AGA en janvier 2014, les parents se sont mobilisés, rappelle Gabrielle Lepage-Lavoie. « Le CÉF a demandé notre appui et on continue à travailler ensemble pour régler la crise. Depuis, le Collectif est satisfait, il y a eu un gros progrès. Une fois la stabilité rétablie au CÉF, il va falloir retourner à la Province. Mais avant d’aller chercher d’autre financement, il faut être responsable avec ce qu’on a. »
Début avril, un deuxième groupe de parents exige des changements. Le groupe d’une dizaine de parents, principalement du Sud de la province, a rapidement trouvé des sympathisants, explique Alpha Barry, le porte-parole du Collectif des parents anciennement silencieux.
« Nous voulons nous s’assurer que nos enfants bénéficient d’un système scolaire fort, géré de façon responsable et financé à sa juste valeur, selon nos droits constitutionnels, et que nos élus soient imputables », souligne le parent de Regina.
Les deux groupes voient l’audit d’un bon œil. « La vérification n’est pas nécessairement une mauvaise chose », évalue Gabrielle Lepage-Lavoie. « Elle nous permettra de voir ce qui fonctionne bien et moins bien.
« On a voulu tout avoir tout de suite des pré-maternelles dès l’âge de 3 ans et l’éducation virtuelle. C’est louable. Malheureusement, il n’y avait pas le financement nécessaire. Il faut revenir à la base de ce qu’est une bonne gestion scolaire, de ce qui permet la réussite de nos enfants. On n’essaye pas de demander toutes choses pour être égal, mais équitable. »
Pour Alpha Barry, l’enjeu principal, c’est le « sous-financement et le changement dans l’approche. Il faut une formule adéquate de financement des mandats culturel et communautaire. Aussi, nous devons nous assurer de la transparence chez nos élus. On ne veut plus jamais de surprises comme on vient de vivre. »
La Fédération nationale des conseils scolaires francophones (FNCSF) est préoccupée. Cette situation existe ailleurs au pays, où d’autres conseils scolaires tentent de faire respecter le droit à une instruction protégée par la Charte canadienne des droits et libertés.
« La situation en Saskatchewan n’est pas perçue par la FNCSF ni par ses membres comme une remise en question de la capacité des francophones de gérer leurs propres écoles, indique le directeur général Roger Paul. C’est plutôt vu comme un exemple de la difficulté qu’éprouve un nombre croissant de nos conseils scolaires à faire respecter leurs droits de gestion.
« Beaucoup de chemin reste à parcourir avant d’atteindre la complétude institutionnelle du système francophone, selon lui. Il est souhaitable d’étendre l’application de la Charte aux services à la petite enfance et à l’éducation postsecondaire. L’intervention en petite enfance est primordiale, non seulement pour le développement des enfants, mais aussi pour le renouvellement de la minorité francophone. »
Les programmes suivants ont été retranchés ou mis en veilleuse par le CÉF afin d’équilibrer son budget : la pré-maternelle à 3 ans, le baccalauréat international au primaire, le programme interculturel et l’éducation virtuelle pour les communautés sans école.
« Nous sommes conscients que le triple mandat du Conseil est affecté », a indiqué le président du CÉF, André Denis, lors des coupures. « Nous allons continuer à négocier avec le ministère pour définir la Politique d’encadrement linguistique et culturel. Assortie d’un financement, cette politique permettra au Conseil et à la Province de corriger les défis récurrents. »
Conclusion de Roger Paul : « De telles politiques permettent de clarifier les questions liées au financement des conseils scolaires francophones, à leur degré de gestion et à leurs politiques d’admission. On peut ainsi éviter des recours juridiques coûteux en temps et en argent tant pour ces conseils que pour les gouvernements.»