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le Lundi 16 juin 2014 10:33 Société

De quoi inquiéter le NPD fédéral

Le président Denis Vaillancourt de l’AFO. (Photo : AFO)
Le président Denis Vaillancourt de l’AFO. (Photo : AFO)

Jean-Pierre Dubé (Francopresse)

L’élection de Kathleen Wynne à Queen’s Park le 12 juin est une grande victoire pour les libéraux et pour la francophonie ontarienne. Elle pousse aussi les partis fédéraux à se repositionner en vue du scrutin de 2015.

Le politicologue Ian Roberge. (Photo : Collège Glendon)

Le politicologue Ian Roberge. (Photo : Collège Glendon)

« C’est une très belle victoire pour Mme Wynne, confirme le professeur de science politique au Collège Glendon (Toronto), Ian Roberge. Après le scandale des centrales au gaz, le départ du chef et le désarroi des libéraux, elle a complètement relevé la barre en 16 mois et ramené son parti au pouvoir avec une majorité. Un 4e mandat consécutif, c’est spectaculaire.

« Tout était en place pour une alternance au pouvoir, soutient le politicologue. Mais le programme de la cheffe libérale l’a emporté. Elle a fait campagne sur son budget, elle y croit fondamentalement. C’est un agenda assez progressiste, si on regarde le régime de retraite et l’appui aux garderies.

« Autant c’est une victoire pour Kathleen Wynne (avec 58 sièges), dit-il, autant c’est une défaite pour le conservateur Tim Hudak (avec 28 sièges). On ne gagne pas nécessairement parce qu’on est charismatique, mais parce que les gens nous respectent. On l’a vu avec Stephen Harper.

« Les gens n’aiment pas M. Hudak. Il n’a pas gagné en maturité depuis 2011, ni montré qu’il avait la prestance pour devenir premier ministre. Le parti devra trouver un chef qui fait dire aux électeurs : cette personne-là, je la crois, j’ai confiance en elle. »

La récente élection de gouvernements libéraux en Ontario et au Québec influencera-t-elle le scrutin fédéral de 2015? Le directeur exécutif de l’Institut franco-ontarien, à l’Université Laurentienne (Sudbury), Serge Dupuis, reconnait que les Ontariens ont tendance à élire une formation différente à Ottawa et à Queen’s Park.

L’historien Serge Dupuis de l’IFO. (Photo : Serge Dupuis)

L’historien Serge Dupuis de l’IFO. (Photo : Serge Dupuis)

« L’alignement n’a jamais été parfait, mais on reconnait la tendance historique des années 1940 aux années 1980. On votait libéral au fédéral et conservateur au provincial. » Plus récemment, un contrepoids semblable s’est manifesté entre Brian Mulroney et David Peterson, Jean-Chrétien et Mike Harris, ainsi que Stephen Harper et Dalton McGuinty.

Entre présage et message

« On va voir comment le vent va souffler en 2015, estime Serge Dupuis, il n’y aura pas de raz-de-marée pour aucun des partis. Mais ça ne m’étonnerait pas que les libéraux fassent quand même des gains. »

Ian Roberge ne croit pas que les succès des libéraux ontariens favorisent nécessairement Stephen Harper. « Si j’étais conservateur à Ottawa, je ne me réjouirais pas de la victoire de Kathleen Wynne. Le libéral Justin Trudeau ne va pas dire que c’est de mauvais augure. Rien n’est joué pour 2015. »

« Si j’étais à Ottawa, poursuit le professeur Roberge, ce n’est pas le présage électoral que je regarderais, mais le message. Le plan d’austérité n’a pas passé en Ontario, mais un agenda plutôt social. Les partis vont-ils en tenir compte? Chacun devra revoir son message politique. »

Quand la cheffe Andrea Horwath a provoqué en avril le déclenchement des élections, explique le politicologue, « elle pensait pouvoir former un gouvernement minoritaire. Elle a seulement réussi à sauver sa campagne (avec 21 sièges). » Ce résultat mitigé des néo-démocrates en Ontario et la remontée des libéraux au Québec mettent au défi le Nouveau Parti démocratique (NPD) à Ottawa.

« Le succès du NPD en 2011 était-il un coup de chance ou un mouvement plus profond? Il a beaucoup de misère à percer, même si la performance des députés et du chef Thomas Mulcair est très bonne. Il va perdre des sièges au Québec en 2015. »

Un champion francophone?

Le NPD fédéral a émergé récemment comme le défenseur des langues officielles au Canada. Mais la présence de la bilingue Kathleen Wynne permettrait d’ajouter une autre voix, selon le président de l’Assemblée de la francophonie de l’Ontario (AFO), Denis Vaillancourt.

Le président Denis Vaillancourt de l’AFO. (Photo : AFO)

Le président Denis Vaillancourt de l’AFO. (Photo : AFO)

« On a la plus forte population bilingue hors Québec. Jusqu’à date, on n’a pas exploité ce potentiel. Maintenant que le gouvernement est majoritaire, l’Ontario pourrait devenir un chef de file dans la promotion de la dualité linguistique. On a des députés francophones et francophiles dans les trois partis.

« Le Nouveau-Brunswick est le château fort de la francophonie, reconnait le président. L’Ontario peut faire du pouce sur ce modèle-là, en désignant des zones bilingues et en devenant une province bilingue. Ce serait au profit de toutes les communautés, ça amènerait l’idée d’une langue nationale. On n’entend pas ça actuellement sur la scène politique. »

Denis Vaillancourt se réjouit de l’élection de l’équipe de Kathleen Wynne, « la seule cheffe qui fait des interventions publiques en français », pour la continuité des dossiers francophones : l’éducation postsecondaire, les infrastructures scolaires, les médias communautaires et l’immigration.

Selon Serge Dupuis, le secteur-clé de la continuité pour la francophonie demeure l’éducation. « Maintenant qu’il est majoritaire, le gouvernement se permettra-t-il d’être plus audacieux sur la gouvernance universitaire dans le Sud-Est et sur l’avenir du Collège Alfred pour l’agriculture?

« L’Ontario n’a pas de leçon à faire aux autres, dit-il, mais il peut s’inspirer de ce qui se passe ailleurs. On peut jouer un rôle national si le gouvernement augmente le statut des Franco-Ontariens. »