Pierre-Luc Lafrance
Le mardi 27 mai, le doctorant et chargé de cours au département de Sciences politiques à l’Université de Montréal, Mike Medeiros, a présenté les résultats d’une étude sur l’attitude des francophones envers les anglophones de leur communauté. Nous nous sommes entretenus avec M. Medeiros à ce sujet.
Cette présentation qui a eu lieu dans le cadre du Congrès 2014 de la Fédération des sciences humaines était la première communication devant public de cette étude. « Avant, j’avais présenté les résultats à une chaire d’étude de l’Université de Montréal. »
« Je voulais voir le lien entre la perception de la santé d’un langage et l’attitude envers les autres groupes. Deux facteurs entraînent un lien causal : si les gens ont la perception que le français est menacé et s’ils perçoivent que la menace vient des anglophones. » Un des points saillants de cette étude, c’est que plus le français est perçu comme étant en santé au sein d’une communauté canadienne, plus l’attitude des francophones qui y vivent envers les anglophones est bonne. L’étude démontre aussi que plus les francophones canadiens voient d’un bon œil les anglophones, plus leur perception du Canada est positive.
M. Meideros soutient que l’idée de cette étude lui est venue de la relation entre les francophones et les anglophones au Québec. « En tant que Québécois, j’ai toujours été fasciné par les relations entre les différents groupes linguistiques. Je voulais savoir pourquoi les minorités linguistiques dans divers pays ne réagissent pas de la même façon. Car la situation au Canada n’est pas unique, on le voit avec les Catalans en Espagne ou les francophones en Suisse. Pourquoi certains groupes sont-ils revendicateurs et d’autres non? » M. Medeiros voit une différence entre la capacité d’utiliser une langue et la perception quant à la facilité avec laquelle on peut l’utiliser. « Est-ce qu’on peut étudier dans sa langue? Aller à la banque et se faire servir dans sa langue? Quels sont les services offerts en français? Autant de facteurs qui permettent de mesurer la vitalité d’un groupe linguistique. »
L’étude se base sur un sondage d’étudiants universitaires au Nouveau-Brunswick, au Québec, en Ontario et au Manitoba. Le sondage a été réalisé par M. Medeiros. « Ça a été réalisé à l’aide d’un questionnaire électronique que j’ai envoyé par courriel à des administrateurs qui eux l’envoyaient aux étudiants. L’étude a eu lieu de la fin de l’automne à la fin de cet hiver. »
M. Medeiros espère que les gens qui dirigent le pays vont prendre note de son étude, mais il se garde bien de faire des recommandations. « Comme chercheur, mon rôle est d’identifier des phénomènes et d’aider à comprendre ce qui se passe, alors c’est difficile d’arriver avec des recommandations. Par contre, je crois que les gens qui ont à mettre en place des politiques publiques devraient tenir compte de l’équilibre intercommunautaire. Ça ne règle rien si on diminue l’impression de menace chez les francophones pour augmenter celle des anglophones. Tout changement doit se faire avec équilibre. Par exemple, quand il y a eu de grands changements au Canada dans les années 1960 à 1990, au Nouveau-Brunswick et au Manitoba, il y a eu une révolte des anglophones. Ce n’est pas qu’ils détestaient le français, mais ils avaient peur que des portes se ferment pour eux, car ils ne parlaient pas cette langue. Les décideurs n’ont pas tenu compte des effets de leurs nouvelles politiques. »
S’il y a quelques études liées à ce domaine du côté sociolinguistique, M. Medeiros déplore le fait que ce soit un sujet qui a peu été abordé en sociopolitique. Il aimerait maintenant se pencher sur les communautés anglophones et sur la population de francophiles.