Fred Lauk
Stéphanie Joyeux est une femme découragée. Après avoir eu des déboires pendant deux ans avec les services de la petite enfance (Child Care Services Unit), elle a décidé de relever les manches en créant une pétition afin de se faire entendre.
« Tu sais, les médias, ce n’est pas moi qui vais les voir, ce sont eux qui viennent me chercher. » Il faut dire que Stéphanie a été beaucoup courtisée par le « quatrième pouvoir » ces temps-ci : après nos confrères du Yukon News et de CBC, l’éducatrice spécialisée nous explique l’objet de son courroux.
Devenir éducateur spécialisé requiert trois ans d’études. Il consiste à accompagner les personnes « qui ont des besoins spéciaux », c’est-à-dire ayant des déficiences mentales ou physiques, victimes de violences, atteintes d’autisme, etc. C’est une profession exigeante qui se pratique à l’école, en centre ou comme Stéphanie, en garderie. « C’est un métier exigeant qui ne peut se pratiquer que si on aime vraiment ça », explique la jeune femme, visiblement passionnée.
Pour expliquer synthétiquement le délicat sujet de la pétition, disons qu’on trouve trois niveaux de champ de compétences du métier d’éducateur spécialisé. Sanctionné par un diplôme d’études collégiales (DEC), passable en trois ans).
Le plus haut niveau de compétence est de niveau trois, le niveau de notre pétitionnaire. La loi stipule qu’une remise à niveau annuelle est nécessaire. Sans celle-ci, caractérisée par un stage au Collège du Yukon, le niveau est perdu. Il va sans dire que l’échelle salariale est calquée sur ce dernier.
Sur le papier, c’est bien. Maintenant, dans la réalité, le côté fastidieux décourage beaucoup de candidats à suivre ces cours. En effet, après une bonne journée de travail à veiller sur un groupe de jeunes enfants à la garderie, être passé chercher le sien à l’école et éventuellement faire un petit bisou à son mari, il faut une sacrée dose d’énergie pour ressortir de la maison pour aller aux études au collège, et ce, pendant quatre mois.
Stéphanie ne dément pas l’utilité intrinsèque d’une mise à jour des connaissances, elle dit seulement que cette pratique (mise en place il y a 17 ans) décourage les éducateurs spécialisés à passer ce niveau de qualification.
En conséquence, faire l’impasse sur le sacro-saint niveau trois revient à faire l’impasse sur environ neuf dollars de l’heure. Le résultat est que les services de la petite enfance se voient privés de personnel de qualité. C’est ainsi que pas moins de huit postes restent à pourvoir au Yukon.
Une autre bataille que veut livrer Stéphanie concerne la reconnaissance des diplômes décernés.
En effet, une convention (Agreement on Internal Trade) stipule que les diplômes émanant d’autres provinces sont reconnus partout. Lorsqu’elle a eu vent de candidats à qui l’administration a soutenu le contraire, elle s’est mise en quatre pour faire circuler cette information auprès des candidats, des recruteurs… et de l’administration. Brandissant l’article de loi en question.
Ses relations ne sont pas tendres avec les services de la petite enfance qui lui ont argué être « la seule à avoir ces problèmes ». Ni une, ni deux, elle a souhaité leur prouver le contraire par le biais de cette pétition qui demande : La révision de la procédure d’évaluation des travailleurs; le respect de la Convention de reconnaissance des diplômes entre les provinces; l’évaluation des acquis des travailleurs étrangers; l’élimination de l’expiration annuelle des certificats de niveau trois; remplacer des cours de mise à niveau par des séances de développement professionnel (comme chez les professeurs, par exemple) et la reconnaissance de l’expérience professionnelle, ce qui n’est pas le cas actuellement.
Sur les 25 garderies de Whitehorse, Stéphanie en a visité douze. Elle a recueilli plus de deux cents signatures. Des employés, bien sûr, mais également des employeurs qui subissent les dommages collatéraux de cet état de fait.
Contactés par notre journal, les services de la petite enfance n’ont pas souhaité faire de commentaires sur le sujet ou les articles de presse. Cependant, Brad Bell, le directeur des services de la petite enfance, a proposé de rencontrer Stéphanie pour mettre cartes sur table. Nul doute que le dossier sera suivi par la presse. C’est ça le quatrième pouvoir!