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le Mercredi 2 avril 2014 9:38 Société

Entrevue avec Sandy Silver

Officiellement chef du Parti libéral depuis près d’un mois, Sandy Silver est le seul député de son parti à siéger à l’Assemblée législative du Yukon. En entrevue avec l’Aurore boréale, il discute de son parti, du Peel et de la commission scolaire.

L’Aurore boréale : En l’an 2000, le Parti libéral était au pouvoir. En 2006, c’était l’opposition officielle. Aujourd’hui, vous êtes le seul député libéral. Que s’est-il passé?

Sandy Silver (SS) : Il y a beaucoup de raisons différentes : on parle d’une période de quatorze ans et cela ne fait que cinq ans que je suis actif dans le parti. J’ai ma propre opinion sur la question.

En fin de compte, on revient aux jours de Pat Duncan [première ministre libérale du Yukon de 2000 à 2002], et on se demande « que s’est-il passé à ce moment-là? » Il y a beaucoup de circonstances atténuantes. Pour moi, c’est différent de regarder ce qui s’est passé durant la dernière élection.

Quand je regarde la dernière élection, l’économie était en plein essor, et nous avions la plus grande exploration de l’histoire récente. En fait, ça a été baptisé la « plus grande expérience géochimique dans le monde », et c’était dirigé par le secteur privé.

Quand l’économie est dans un tel essor, on ne change pas de gouvernement. En même temps, sur beaucoup de questions sociales, on ne pouvait pas faire la différence entre les libéraux et le NPD, et sur le plan national, il y a eu la vague orange. Ce sont des considérations importantes à prendre en compte.

Maintenant que je suis le chef du Parti libéral, je me concentre sur le fait d’avoir trois partis distincts. Il faut des gens bien dans les trois partis et laisser la population choisir qui élire.

Est-ce qu’on veut un gouvernement modéré qui permet des discussions de la droite et de la gauche? Ou est-ce qu’on veut un gouvernement conservateur, qui est fondamentalement à droite, ou un gouvernement NPD qui est fondamentalement à gauche?

Si nous pouvons créer trois options distinctes pour la prochaine élection, je pense que les Yukonnais sont prêts pour un parti qui va les unifier sur ce qu’ils ont en commun plutôt que de faire campagne sur des questions polarisantes.

AB : Vu que vous êtes le député pour la circonscription du Klondike (ville de Dawson), comment partagez-vous votre temps entre Whitehorse et Dawson?

SS : J’ai un clone [rires]. C’est dur. C’est toujours la circonscription avec le plus gros budget de voyage, parce que c’est la circonscription la plus éloignée de la capitale, avec Watson Lake vu que le député d’Old Crow ne vit pas là-bas. Je veux garder le budget de voyage aussi bas que possible pour ne pas dépenser de l’argent de manière futile. Ce que j’ai décidé de faire, c’est que lorsque l’assemblée est en session, je vis à Whitehorse. Si ma communauté a besoin que je vienne pour quelque chose absolument, mais j’essaie de planifier de telle manière qu’une fois la session terminée, je passe le plus de temps possible à Dawson.

Cela a été difficile durant les deux dernières années : de deux députés, je suis maintenant le seul [le député pour Vuntut-Gwitchin, Darius Elias, a été élu sous la bannière libérale, mais est ensuite devenu indépendant pour finalement joindre le Parti du Yukon en juillet dernier.] Je siège à toutes les commissions, je suis le critique pour tous les ministères. Il y a beaucoup de raisons pour que je revienne (à Whitehorse). À cela s’ajoute la reconstruction du parti.

La bonne nouvelle, c’est que nous avons bâti un noyau de personnes extrêmement fortes qui forment les idées, les opinions et la direction du parti, avec moi-même. J’ai tellement confiance en notre exécutif en ce moment, ils sont tellement dévoués que ça me libère pour jouer mon rôle premier de leader qui est de représenter la communauté du Klondike. Mon second rôle est de trouver les candidats, les enjeux, et d’être plus présent.

AB : Un des enjeux importants en ce moment est l’aménagement du bassin de la rivière Peel. Quelle est la position du Parti libéral sur la question?

SS : Nous avons toujours été 100 % pour le rapport présenté par la commission. Lorsqu’on lance un processus démocratique (comme la consultation), on doit aux personnes qui y ont pris part de le respecter.

Lorsque le gouvernement choisit les personnes qui siègent à ce comité et après tout cela rejette (le rapport), on se demande d’où viennent les ordres que reçoit le gouvernement du Parti du Yukon. S’ils n’écoutent pas les professionnels qui ont mis en place le comité, le comité lui-même, et la consultation qui a duré sept ans, qui écoutent-ils?

Ce qu’on entend dans les communautés c’est « À quoi bon collaborer à ces plans si de toute façon à la fin le gouvernement va faire ce qu’il veut ? »

Lorsque les décisions du gouvernement sont si bizarrement différentes du processus, on se demande si c’est le gouvernement qu’on veut pour prendre de telles décisions. Mon opinion est que Harper et les conservateurs à Ottawa ont un plan pour nos ressources naturelles.

AB : Vous voulez dire qu’il y a des discussions entre le bureau du premier ministre à Ottawa et celui à Whitehorse?

SS : Je pense que (le premier ministre yukonnais) passe plus de temps à écouter Harper que les Yukonnais, et nous sommes en cour en ce moment, car il n’écoute pas, parce que le processus de consultation n’a pas été respecté.

AB : Une autre affaire devant les tribunaux est celle de la Commission scolaire francophone du Yukon (CSFY). Que ferait le Parti libéral du Yukon s’il été élu aux prochaines élections, dans ce dossier ?

SS : C’est un sujet intéressant. J’ai rencontré les membres de la CSFY : ils se trouvent dans une situation précaire. Il y a eu dans les dernières années plusieurs discussions, par exemple au sujet de la construction de la nouvelle école F.H. Collins. Est-ce que c’est la solution? Leurs propres membres (du CSFY) disent « si vous faites ça, on va vous poursuivre en justice », et d’autres qui disent « si vous ne le faites pas, on va vous poursuivre. » En fin de compte, la question est la suivante : quel est le mandat de la CSFY, quelle est sa directive première? Est-ce que c’est une initiative francophone à l’échelle du Yukon ou du Canada pour protéger la langue (française)? Il y a beaucoup de défis au sein même de la commission scolaire, cela doit être dur pour eux d’aller ensuite se battre contre le gouvernement territorial.

Je pense que le gouvernement a une façon très intéressante de décider quels sont les actifs qui sont les priorités pour le Yukon. C’est basé sur ce qui les fera réélire plus que sur une évaluation d’unministère lui-même.

Par exemple, le ministère de l’Éducation : quelles sont les écoles les plus importantes à construire en ce moment? Quelle est l’initiative pour le langage qui est la plus importante à réaliser? Comment est-ce que nous, en tant que gouvernement, promouvons l’inclusion, la coopération et la diversité dans nos systèmes scolaires?

Ces questions doivent être posées de façon étendue et cela doit impliquer toute la communauté.

Finalement, il y a un besoin de mise à niveau des actifs. Il n’y a pas beaucoup de place à l’école.

C’est difficile de dire ce que nous ferions. La réponse est que nous ne serions pas dans cette situation. C’est la façon dont le gouvernement a géré ce dossier sur une période de dix ans qui nous amenés au tribunal. Nous avons besoin d’étudier sérieusement l’éducation au Yukon.[NDLR, avant d’être un député, Sandy Silver était professeur.]

On a des étudiants incroyables. Si on développait un système mieux adapté à nos étudiants, on pourrait être des leaders au Canada en éducation. En ce moment, on n’est pas si bon que ça.

Les tests standardisés (des élèves du Yukon) comparés aux autres juridictions ne sont pas très bons.

On a des professeurs incroyables, des communautés éducatives super, et beaucoup trop de politique au sommet qui prend des décisions. Pourquoi ne pas laisser les professionnels de l’éducation et ceux qui ont consacré leur vie à la pédagogie prendre des décisions?