Philippe Cardinal
Né le 30 juin 1932 à Saint-Côme de Beauce, M. Bruno Poulin n’avait que deux ans et demi lorsque son père a déménagé la famille à Sainte-Germaine-de-Palmarole, en Abitibi, puis à Dalembert, près de Noranda et finalement à Lorrainville, au Témiscamingue.
Avec autant de déménagements, il n’a guère fréquenté l’école avant que son père ne l’en retire définitivement.
Travailleur autonome en exploration minière, M. Poulin père effectuait des forages au diamant. C’était la Deuxième Guerre mondiale et le manque de main-d’œuvre disponible l’avait obligé à embaucher son fils de 11 ans comme assistant.
Puis quand son père est mort dans un accident forestier, Bruno Poulin a dû travailler plus que jamais pour contribuer à la survie de la famille. C’est alors qu’il a décroché un poste d’ingénieur à bord d’un des remorqueurs de la compagnie International. Ces bateaux remorquaient de grands radeaux de billots et de pitounes sur la rivière des Outaouais.
En couple
Au début de la vingtaine, alors qu’il travaillait pour la General Motors à Oshawa, un de ses compagnons de travail, Paulin Lessard, un gars de Saint-Côme lui aussi, ne cessait de lui dire : « J’ai une maudite de belle cousine, Bruno! Je vais te la présenter. » M. Poulin, qui ne demandait pas mieux, proposa un voyage en direction de Saint-Côme et du restaurant où travaillait la belle cousine en question. Elle s’appelait Antoinette Lessard, et dès qu’il l’aperçut : « Là, ça a collé, Mister! » se rappelle-t-il encore. « On a commencé à sortir ensemble, puis ça a été fini. Quinze jours après, on était fiancés. Aux fêtes, on s’est mariés. »
La cérémonie eut lieu il y a maintenant 56 ans, le 27 décembre 1954, dans l’église de Saint-Côme. M. Poulin ne rate aucune occasion de vanter les qualités de cette femme qui partage sa vie depuis plus d’un demi-siècle : « Elle a été bien plus… mieux qu’un homme pour moi. Un homme, fallait que tu tires après ça, ça prenait un coup, ça fumait le pot… moi, je ramassais huit poteaux [pour jalonner les concessions minières] et elle [Mme Poulin] en ramassait deux. »
La plupart du temps, c’est M. Poulin qui posait les poteaux, sauf en altitude ou en terrain très pentu, quand Mme Poulin devait s’en occuper, car M. Poulin souffre de vertige. Quand ils ont construit granges et maisons ensemble, c’est Mme Poulin qui a dû poser la tôle sur les toitures, car M. Poulin avait beau essayer, la tête lui tournait et il saignait du nez.
Ensemble, ils ont eu deux merveilleux enfants, nés à Rouyn, en Abitibi : Carmen, qui habite à Beaver Creek, où elle est propriétaire du restaurant et gîte du passant « Buckshot Betty », et Mario, de Whitehorse, qui gère la maintenance de tous les véhicules motorisés du gouvernement du Yukon. Mario est aussi le père de Kendra, maintenant dans la vingtaine, dont ses grands-parents ne sont pas peu fiers.
Emploi variés
Dans les premières années de leur mariage, M. Poulin a eu des emplois très variés, dont chauffeur de camion, bûcheron, opérateur de bulldozer, mécanicien… le couple a même exploité une ferme dans le Témiscamingue ontarien avant que M. Poulin aille tenter sa chance dans l’Ouest, notamment dans la région de Hinton en Alberta, près de Ucluelet, dans l’île de Vancouver, puis dans la région de Wonowon, sur la route de l’Alaska.
C’est en 1957 qu’il est venu s’établir au Yukon. Dans ce temps-là, « à Whitehorse, tu marchais sur la Main Street, t’étais dans la bouette jusqu’aux genoux, » se souvient-il. C’est dire que bien des choses ont changé depuis. Mais une chose qui n’a pas changé, selon M. Poulin, c’est la présence de francophones : « Tu rentrais dans un hôtel, puis ça parlait anglais, mais tu disais, y a-t-il quelqu’un qui parle français, tout le monde te parlait. Je suis resté surpris, hein, mais presque tout le monde qu’il y avait ici parlait les deux langues. »
Peu de temps après leur arrivée, les Poulin ont acheté un lot à Porter Creek et y ont installé une remorque, à partir de laquelle ils ont construit une maison entière, qu’ils ont revendue à profit, ce qui a permis à M. Poulin d’acheter l’équipement nécessaire pour se lancer en exploration minière.
Le couple a longtemps exploré la région de la rivière Rancheria. Il possède maintenant plus de 300 claims auprès du ruisseau Evelyn, sur la route Canol Sud, où ils ont construit une maison en bois rond, un hangar d’entreposage pour la machinerie, un atelier de réparation et une petite usine génératrice d’électricité. Ils y ont aussi aménagé un grand potager. M. Poulin y passe encore tous ses étés à effectuer les travaux prescrits par le gouvernement pour les concessions minières. Quand il a besoin d’un outil, d’une machine, ou d’un appareil quelconque, mais que cela coûte trop cher ou que cet outil n’existe pas, M. Poulin en conçoit un de son cru et le construit lui-même, comme la sluice box qu’il a inventée, par exemple, ou encore la plateforme de forage amovible qu’il utilise encore.
Son don
M. Poulin est croyant et pratiquant. De plus, le Bon Dieu lui a accordé le pouvoir de guérir les gens.
En 1974, quand il subit une blessure au travail, la médecine conventionnelle est impuissante à le soulager. En désespoir de cause, il se rend aux Philippines voir un guérisseur nommé Tony. Non seulement Tony l’a-t-il guéri, mais c’est lui qui lui a fait comprendre qu’il a aussi le don de guérir, bien qu’en réalité, ce n’est ni lui ni Tony qui effectuent la guérison, précise-t-il, mais le Bon Dieu qui le fait à travers eux.
C’est ainsi que chaque semaine M. Poulin passe du temps à ce qu’il appelle son « head office », c’est-à-dire le restaurant Tim Horton, où les gens viennent le voir pour être guéris. On lui offre parfois de l’argent, mais M. Poulin refuse toujours, car il est convaincu que le Bon Dieu lui enlèverait ce don si jamais il s’en servait pour gagner de l’argent.
Dieu le récompense autrement, en lui accordant aussi des dons de rhabdomancien, c’est-à-dire qu’il est capable de déceler des gisements de minerai en utilisant deux tiges de métal, un peu comme un sourcier peut déceler la présence d’une nappe d’eau souterraine avec une baguette de bois. Cela fonctionne aussi lorsqu’il utilise une aiguille à coudre suspendue au bout d’un fil au-dessus d’une carte minière.
Quand il n’est pas occupé à chercher du minerai, M. Poulin travaille à amasser des preuves que les premiers arrivants au Canada n’étaient pas les Amérindiens, mais bien ses propres ancêtres, les Vikings, lesquels, affirme-t-il, sont arrivés il y a plus de 40 000 ans, alors que selon lui, les Amérindiens ne sont ici que depuis environ 7 000 ans.
Ce qui l’embête au plus haut point, c’est qu’il y ait des premières, des deuxièmes ou des troisièmes nations dans un même pays. Il tient à nous avertir : à terme, ces divisions risquent d’entraîner des conséquences néfastes. Il serait très heureux s’il n’y avait qu’une seule nation dans ce pays qu’est le Canada.