Sylvie Painchaud
Si vous écoutez un film sur tou.tv et qu’au même moment, votre ado partage des photos avec ses amis sur Facebook, votre soirée cinéma pourrait bien s’arrêter là. Voilà qui illustre combien le réseau Internet opéré par Northwestel est limité. En plus d’être très coûteux! Selon une récente étude commandée par le gouvernement du Yukon, les Canadiens ont accès à un service mensuel d’une puissance de 10 Mops (voir le tableau explicatif) pour 54 $ alors que les Yukonnais payent 40 % plus cher pour un service de 5 Mops. Et si on dépasse la limite de téléchargement incluse dans notre forfait, chaque mégaoctet excédentaire coûtera de 3 à 5 fois plus cher qu’au Sud.
Si vous conversez sur Skype avec votre mère et que la conversation est saccadée, elle vous aimera quand même. Mais imaginons un professeur de l’Alberta tentant de livrer un cours à un groupe d’étudiants du Collège Yukon! Et que dire d’un patient ayant une consultation à distance avec son médecin spécialiste qui perdrait la moitié de l’information pour cause de mauvaise transmission? Ce genre de service dont bénéficient plusieurs Canadiens habitant loin des grands centres est impossible au Yukon. Le territoire est parmi les endroits au monde avec le plus de citoyens branchés (72 %), mais paradoxalement, ils sont les moins bien servis.
Le ministre du Développement économique, Currie Dixon, veut changer les choses. Il a déclaré en février que la faible performance de notre réseau représente un frein au développement. Il a aussi fait siennes plusieurs des recommandations de la firme montréalaise Lemay & Yale qui a préparé un rapport sur le développement des télécommunications au Yukon pour le compte de son ministère.
« Pas fiable, pas vite et trop cher », tranche l’auteur de l‘étude, Robert Yale, pour résumer l‘état de notre réseau. « Le marché est trop petit pour que Northwestel espère rentabiliser d’éventuels investissements », explique-t-il, en soulignant que le gouvernement peut tout de même jouer un rôle important à titre de client majeur du réseau. « En Suède, le gouvernement a acquis tout le réseau, car il prévoit qu’éventuellement plus de 50 % de l’usage d’Internet au pays sera lié aux services offerts aux citoyens », dit le consultant qui précise que l’Australie a fait de même. En Alberta, l’accès haute vitesse est assuré dans plus de 409 communautés par le gouvernement albertain. On parle ici d’un partenariat public-privé.
Les entreprises ont besoin de vitesse
On calcule que depuis dix ans, les besoins des entreprises en transmission de données sont passés de 2 Mops (mégaoctet par seconde) à 117 Mops. Et les raisons de cette augmentation se manifestent dans notre quotidien. Les paiements directs par carte de débit ou crédit, la gestion des commandes et des livraisons, les transactions nécessitent de plus en plus l’accès à de grandes banques de données et l’utilisation de logiciels en ligne ultra sophistiqués.
« Le problème du Yukon est d’autant plus criant qu’il n’y a qu’une seule porte d’entrée et de sortie pour les données », précise M. Yale. Aussi, il est heureux de la récente annonce du ministre Dixon qui souhaite relier Whitehorse à Skagway par fibre optique. « L’Alaska possède plus de sept réseaux que pourront emprunter les données yukonnaises pour circuler sur l’autoroute de l’information », dit-il, heureux que le ministre souhaite profiter d’un possible raccordement au réseau électrique de Sagway pour y inclure un réseau de fibres optiques. « Les prochaines améliorations apportées aux réseaux routier ou ferroviaire devraient d’emblée prendre en compte le développement du réseau Internet », suggère Robert Yale. Le territoire pourra ainsi atteindre la cible de 100 Mops lors du téléchargement de données sur votre ordinateur et de 50 Mops pour en transmettre sur l’autoroute de l’information. L’objectif de téléchargement en communauté est de 30 Mops.
C’est l’exercice militaire « Opération Nanook », en 2009, qui a révélé l’importance des lacunes des systèmes de télécommunication du Grand Nord. Cette opération se voulait, entre autres, une démonstration de souveraineté sur ce territoire qui compte pour le tiers du Canada. Comme elles ont eu peine à conduire leurs manœuvres comme prévu, les Forces armées ont créé un groupe de travail pour l’amélioration des infrastructures de communication : le Northern Communications & Information Systems Working Group. En 2011, ce groupe a publié un rapport intitulé : A Matter of Survival: Arctic Communications Infrastructure in the 21st Century. Surnommé « le rapport de l’ACIA, ce document précisait plusieurs pistes d’amélioration. Le ministre Dixon pourrait bien s’appuyer aussi sur cette analyse et faire bondir les infrastructures de plusieurs mégaoctets! Ses démarches pourraient profiter non seulement aux Yukonnais, mais à l’ensemble des 100 000 habitants du Nord répartis d’un océan à l’autre, dans plus de 75 communautés. Car pour le moment, ce sont eux qui assurent la souveraineté du Canada sur cette vaste étendue.
Tableau des unités de mesure liées au Web
Les ordinateurs utilisent le système binaire pour emmagasiner l’information. Pour reproduire une lettre, ou un chiffre, l’ordinateur utilise 8 symboles (8 bits). Ces 8 bits équivalent à un octet (byte en anglais). Tous les suffixes devant le mot octet représentent un multiplicateur du nombre d’octets.
[box_style_one]
Définition abréviation française abréviation anglaise |
1 kilo-octet = 1 000 octets 1 ko 1KB |
1 méga-octet = 1 000 000 octets 1 mo 1MB |
1 giga-octet = 1 000 000 000 octets 1 go 1GB |
Vitesse de transmission |
1 méga-octet par seconde 1 Mops 1 Mbps |
[/box_style_one]