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le Mercredi 23 janvier 2013 21:39 Société

Raphaël Roy-Jauvin récompensé pour sa bravoure

Thibaut Rondel

Dans le cadre de la réception du commissaire qui se tenait le 1er janvier dernier au Centre culturel des Kwanlin Dün, le prix du commissaire pour un acte de bravoure a été décerné à Raphaël Roy-Jauvin. Cette décoration vient en reconnaissance du courage dont le jeune homme de 25 ans a fait preuve le 10 juillet dernier, lors de l’écrasement de l’hélicoptère dans lequel il se trouvait. « Avant cette journée-là, ça me semblait un peu bizarre de recevoir une médaille pour avoir sauvé quelqu’un d’un accident », raconte Raphaël Roy-Jauvin. « Mais le 1er janvier, quand je suis allé recevoir ma médaille, j’étais très touché. Ça m’a surpris, je ne m’attendais pas à me sentir comme ça. L’accident n’a pas été un épisode facile à vivre, et c’était réconfortant de savoir que tout le monde reconnaissait que j’avais pris les bonnes actions cette journée-là, et que je m’étais bien conduit. »

Un mort et un blessé grave

Le 10 juillet dernier, Raphaël Roy-Jauvin et son collègue John Postma, tous deux employés par le ministère de l’Environnement du Yukon, réalisaient en hélicoptère une mission d’étude sur les ours dans la région de Carcross.

Peu avant d’atterrir sur le mont Nares, le pilote a perdu le contrôle de l’appareil qui s’est effondré à flanc de montagne, dix mètres plus bas. « C’était une journée extrêmement venteuse », se souvient Raphaël Roy-Jauvin. « L’hélicoptère a commencé à perdre de l’altitude très rapidement, puis il a frappé le sol, il a fait des tonneaux et s’est brisé en morceaux. »

Le pilote du R44, Paul Rosset, 56 ans, meurt sur le coup. John Postma, 36 ans, est lui grièvement blessé. Victime de multiples fractures et d’une grave blessure au dos, il restera paralysé des jambes. Par un « hasard absolument incroyable », Raphaël Roy-Jauvin échappe au pire. « Quelque chose m’a frappé au visage et j’ai perdu connaissance pendant quelques minutes », explique-t-il. « Je me souviens juste que j’avais une ceinture et que je ne me suis pas fait éjecter de l’appareil pendant l’accident. »

Risques multipliés

Lorsque sa mémoire revient, le jeune homme est en train d’extraire le corps de son collègue hors de la carcasse du R44. Il constate le décès du pilote, mais réalise que malgré ses blessures, son collègue est encore conscient. « C’est devenu évident que John avait le dos cassé, car il ne pouvait plus bouger ses jambes », se souvient-il.

Pressé par d’inquiétantes fuites de liquides émanant des restes de l’hélicoptère, Raphaël Roy-Jauvin choisit de traîner son compagnon à une quinzaine de mètres du danger. « Chaque fois que je le bougeais d’un mètre, ça lui faisait extrêmement mal, mais à rester près de l’appareil, j’étais pris dans une situation où je risquais nos deux vies », explique-t-il. « Ce n’est pas comme les voitures, ces machines peuvent exploser très rapidement et avec très peu de fuites, et je voulais nous sauver d’une explosion potentielle. »

Ne voyant au final ni flamme ni fumée, Raphaël Roy-Jauvin décide de rester sur place, mais ne quitte pas la carcasse des yeux. « J’ai passé trois heures à m’assurer que John ne perdait pas conscience, mais aussi à surveiller que l’hélicoptère n’explose pas et qu’il n’y ait pas d’ours qui vienne », raconte-t-il. Pour les besoins de la mission – relever des échantillons de fourrure d’ours –, des gallons de liquide extrêmement odorants à base de poisson pourri et d’huile de castor avaient en effet été embarqués à bord. Après l’écrasement, le mélange tapisse le sol. « Tout s’était répandu, et il y avait du sang, des gens blessés… une situation parfaite pour attirer un ours », affirme Raphaël Roy-Jauvin.

Trois heures plus tard… les secours

Une fois John Postma en relative sécurité, le chercheur retourne à la carcasse chercher un téléphone satellite et contacte sa mère. « C’est le seul numéro que j’avais en tête à ce moment », explique-t-il. « Je lui ai expliqué la situation et lui ai dit d’appeler la police et les secours. » [NDLR : un téléphone satellite ne permet pas de contacter le 911]. Raphaël Roy-Jauvin trouve ensuite son carnet de numéros de téléphone et un GPS. Il contacte son employeur, déclenchant ainsi la procédure d’urgence. Il retourne ensuite auprès de son collègue, usant de son corps pour le stabiliser dans la pente. « Je lui ai donné de l’eau, j’ai lavé son visage et j’ai continué de lui parler, juste pour le garder conscient », raconte-t-il.

Deux secouristes interviendront trois heures plus tard à partir d’un hélicoptère de secours. Par simple mesure de sécurité, celui-ci aurait été envoyé dès la perte du signal du R44, mais en apprenant en route les détails de l’accident et la présence de victimes, il serait revenu à Whitehorse pour compléter ses équipements de secours. Une défaillance du signal aurait apparemment pu mener à considérer l’écrasement comme une fausse alerte. John Postma est transféré d’urgence à Vancouver. Par mesure de contrôle, Raphaël Roy-Jauvin passera une nuit à l’Hôpital de Whitehorse.

Bien que le gouvernement du Yukon lui ait proposé de se réhabituer progressivement à voler, Raphaël Roy-Jauvin conserve encore une certaine appréhension. « Voler, en général, ce n’est malheureusement plus aussi facile que ça l’était », raconte-t-il. Ironie du sort, le jeune homme ne comptait qu’un seul vol en hélicoptère à son actif, réalisé deux jours avant l’accident. Sa mission n’entrait même pas dans le cadre de ses fonctions habituelles, mais constituait plus une occasion de se rendre sur le terrain en hélicoptère.