Les forêts boréales, qui produisent habituellement 10 % des émissions de CO2 imputables aux feux de forêt, ont émis en 2021 23 % de ces émissions. Un record, qui pourrait aussi s’inscrire dans une tendance à long terme.
L’équipe qui publie cette estimation le 2 mars dans la revue Science s’est appuyée sur des données satellites. Il est trop tôt pour pouvoir compiler celles de 2022, mais déjà, ces données confirment que le très grand nombre de feux de forêt survenus en 2021 dans le Nord canadien, en Alaska et en Sibérie, a eu un impact notable. Or, comme depuis 20 ans, les températures augmentent plus vite dans les régions nordiques, les risques de canicules augmentent aussi, et avec elles, les risques d’incendie.
En chiffres absolus, cela représente 0,48 milliard de tonnes de carbone émis par les forêts boréales en 2021. C’est plus de deux fois et demie la moyenne annuelle des deux décennies précédentes.
Certes, une partie de ce qui est perdu est récupérée lorsque la forêt reprend ses droits : plus d’arbres signifie plus d’absorption de carbone. Mais il faut des décennies à une forêt pour se régénérer et dans l’intervalle, l’humain ne cessera pas d’émettre du CO2. Sans oublier le fait qu’une forêt boréale se régénère très lentement à cause du climat plus froid.
Lorsqu’on parle de forêts qui brûlent, on a plus souvent l’habitude de pointer du doigt l’Amazonie, admettent les chercheurs, où ces incendies sont le résultat de stratégies délibérées de déforestation. « Les forêts boréales ont reçu beaucoup moins d’attention », en dépit du réchauffement de l’Arctique « qui se produit à un rythme beaucoup plus élevé que le reste de la planète ». Un suivi de ce qui se passe là-bas est donc important. Ainsi que des projections quant à ce qui attend ces forêts si les incendies, comme on le craint, doivent continuer de se multiplier.
La tâche s’était révélée difficile au fil des années, parce que les observations par satellite sont évidemment plus difficiles à travers l’épaisse fumée. Pour contourner l’obstacle, les chercheurs de plusieurs pays, dont la Chine (trois institutions distinctes ont été impliquées), la France et les États-Unis, ont comparé les niveaux de monoxyde de carbone émis dans l’atmosphère en 2020 et 2021, pendant les incendies : le monoxyde de carbone (CO), qui est lui aussi rejeté lors d’incendies, est un gaz plus facilement détectable par satellite que le dioxyde de carbone (CO2), ce qui a permis de déduire la quantité de CO2 émise.
L’approche n’a pas pour but de remplacer les estimations faites à partir des calculs de zones brûlées, mais pourrait permettre de renforcer ces estimations, en plus de fournir des informations sur les pics d’émissions lorsque les flammes font leurs ravages.