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le Jeudi 9 mars 2023 7:50 Santé

L’accès aux soins pour le cancer du sein

Emma Praprotnik avait entendu que la perte de cheveux commençait aux alentours du 13e jour après le début de la chimiothérapie. Après plusieurs essais capillaires, elle a décidé de se raser la tête le 11e jour pour ne pas vivre le choc de voir ses cheveux partir par poignées. — Photo : Fournie
Emma Praprotnik avait entendu que la perte de cheveux commençait aux alentours du 13e jour après le début de la chimiothérapie. Après plusieurs essais capillaires, elle a décidé de se raser la tête le 11e jour pour ne pas vivre le choc de voir ses cheveux partir par poignées.
Photo : Fournie
Le cancer du sein serait la forme de cancer la plus répandue chez les Canadiennes, si l’on exclut les cancers de la peau autres que le mélanome, selon la Société canadienne du cancer. Sans oncologue permanent au territoire, la patientèle doit naviguer entre la Colombie-Britannique (C.-B.) et l’hôpital de Whitehorse pour son parcours de soins.

La Société canadienne du cancer estime qu’en moyenne 78 Canadiennes par jour ont reçu un diagnostic de cancer du sein en 2022, et que 15 Canadiennes par jour sont décédées à cause de cette maladie, deuxième cause de décès par cancer au pays. Ces statistiques affolantes montrent à quel point il est important de sensibiliser la population aux moyens de dépistage.

Emma Praprotnik, Française d’origine et installée au Yukon depuis 2010, est une survivante. Avec émotion, elle se livre sur son parcours de soins.

Février 2021 : un diagnostic soudain

« Je travaillais de la maison quand une sensation de brûlure s’est manifestée dans un de mes seins. Je suis allée voir dans le miroir s’il y avait une rougeur, mais il n’y avait rien visuellement, puis je me suis palpée et j’ai senti une boule », témoigne Emma Praprotnik. Elle s’est immédiatement rendue aux urgences de Whitehorse. Dix jours plus tard, après une échographie avec biopsie et une mammographie, le verdict tombait : cancer du sein, stade 2.

Emma Praprotnik a pu compter sur le soutien de son mari Philippe, de sa chienne Laïka et de tout son entourage pour surmonter la maladie.

Photo : Fournie

Rien ne pouvait préparer Emma Praprotnik et son mari au choc ressenti. « Il m’était impossible de dire : “J’ai un cancer”, pas à 45 ans, sans antécédent familial ». Pourtant, elle s’est ouverte sur ses réseaux sociaux et dans son cercle familial pour briser le tabou entourant la maladie. « Je ne voulais pas me sentir isolée… Et ça m’a permis de réaliser que le cancer touchait presque toutes les familles que je connaissais, sans jamais m’en être doutée. J’ai reçu un soutien incroyable : livraison de fleurs d’amis du Nouveau-Brunswick, plats préparés par mes voisins… »

Aller-retour entre la C.-B. et le Yukon

Sans oncologue permanent au territoire, la Fondation des Hôpitaux du Yukon travaille en étroite collaboration avec la BC Cancer Agency pour l’orientation de la patientèle dans les traitements médicaux. « Compte tenu de la taille de notre population au Yukon, il est difficile de soutenir un programme complet d’oncologie générale. Il ne s’agit pas que d’une question de recrutement… nous n’avons tout simplement pas la masse critique pour soutenir un tel programme d’une manière qui permettrait aux spécialistes de maintenir leurs compétences », explique Isaac MacDonald, porte-parole de la Fondation.

Les personnes diagnostiquées ont alors le choix de se rendre à Vancouver ou à Victoria pour faire des examens complémentaires ou pour recevoir des traitements que l’Hôpital de Whitehorse ne dispense pas. « Je n’ai pas eu besoin de radiothérapie, mais si ça avait été le cas, il aurait fallu que je reste plusieurs semaines, voire plusieurs mois à Victoria, pour 15 minutes de traitement par jour », se souvient Emma Praprotnik.

Pour économiser des trajets, certains rendez-vous avec le personnel d’oncologie de la C.-B. peuvent se faire par téléphone. Les traitements de chimiothérapie sont quant à eux administrés pour la plus grande majorité à Whitehorse.

Changements de personnel et services en français

Au territoire, les spécialistes se limitent aux médecins de famille formés en soins oncologiques, au personnel en pharmacie ayant reçu une formation supplémentaire en soins oncologiques et aux équipes infirmières spécialisées en chimiothérapie. Si le personnel a toujours été bienveillant et d’un soutien infaillible, le taux de renouvellement est problématique, selon Emma Praprotnik.

« J’ai eu quatre rondes de chimiothérapie et quatre médecins de famille oncologistes différents… C’est déstabilisant, on me reposait les mêmes questions, je devais remettre en contexte à chaque fois […] Je n’avais pas besoin de ça à ce moment-là », se remémore-t-elle.

Sans rétention du personnel, la patientèle a des difficultés à accéder à des services en français. Si sa première médecin de famille oncologiste parlait français, Mme Praprotnik se souvient que la communication était plus difficile avec ses trois autres médecins. « Après le choc de l’annonce, nous n’avons même pas pensé à demander le service en français. Nous savions que ça serait plus rapide en anglais, et l’important était d’aller à travers le parcours de soins, sans perdre de temps pour trouver une personne bilingue », confie son mari, Philippe Praprotnik.

« Je n’ai plus de cancer »

Ablation d’un sein en avril 2021, début de la chimiothérapie en juin 2021, Emma Praprotnik n’a plus de cancer depuis août 2021. Sous traitement hormonal jusqu’à l’été 2022, elle ne prend aujourd’hui plus aucun médicament, mais doit passer des examens médicaux chaque année.

Elle conclut son témoignage en rappelant l’importance de se palper régulièrement, mais aussi d’être à l’écoute de son corps : « L’année qui a précédé mon diagnostic, j’ai été très fatiguée et je perdais du poids alors que tout le monde en prenait pendant la pandémie. Je me trouvais des excuses — je travaille trop, je saute des repas — alors que c’étaient des signes précurseurs ».

Les bons gestes de palpations pour dépister un éventuel cancer du sein peuvent être enseignés par un ou une médecin de famille généraliste ou par une personne de la Clinique yukonnaise de santé sexuelle.

Emma Praprotnik a tenté de voir le positif à chaque étape de la maladie. Elle s’amusait notamment avec le détecteur de veines de l’Hôpital de Whitehorse, un appareil permettant au personnel médical de visualiser toutes les veines avant chaque séance de chimiothérapie.

Photo : Fournie

Si octobre est le Mois de la sensibilisation au cancer du sein, au Yukon, la mobilisation s’organise le jour de la fête des Mères avec l’événement Run for Mum, une levée de fonds pour soutenir une meilleure santé du sein pour les Yukonnaises. Tout l’argent collecté est réinvesti localement.

Depuis sa création en 1997, l’organisme Run for Mum a contribué à l’achat d’équipement médical comme les trois derniers appareils de mammographie de l’Hôpital de Whitehorse, ou encore des meubles et fauteuils confortables pour créer une atmosphère chaleureuse dans la salle de mammographie.

La prochaine édition de Run for Mum aura lieu le 14 mai prochain.