« Il est crucial que nous parlions de cette situation comme d’une crise et d’une urgence sanitaire », a annoncé d’entrée de jeu Tracy-Anne McPhee en conférence de presse, le 20 janvier. À ce moment, le bureau de la coroner en chef confirmait quatre décès par surdose, dont trois liés au fentanyl.
Depuis la conférence, le bilan s’est alourdi. Le 24 janvier, la coroner en chef du Yukon Heather Jones confirmait trois autres décès liés aux substances illicites et indiquait qu’un autre, survenu à Carcross, faisait l’objet d’une enquête.
La crise ne cesse de s’envenimer depuis les cinq dernières années et rien ne laisse croire qu’elle a atteint son paroxysme. « C’est en avril 2016 que les Yukonnais ont commencé à mourir en lien avec la consommation de drogues illicites. C’était il y a 64 décès […] Chacun de ces décès était évitable. C’est inacceptable »,a déploré la Dre Jones, le 20 janvier.
Consommation risquée
« Tous les consommateurs s’exposent à un plus grand risque de surdose accidentelle, de blessures graves, de maladies ou de décès », a martelé la médecin hygiéniste en chef par intérim Catherine Elliot, en faisant référence à la haute toxicité des opioïdes qui circulent présentement au Yukon.
« Il est donc plus important que jamais de ne pas consommer seul, d’avoir de la naloxone à portée de main et d’aller chercher de l’aide auprès des programmes de traitement de la dépendance et de santé mentale offerts partout au territoire », a indiqué la Dre Elliot par voie de communiqué.
C’est la Première Nation Carcross/Tagish qui a sonné l’alarme en premier, le 12 janvier dernier. Par communiqué, la cheffe Lynda Dickson avait alors appelé les autres Premières Nations et le gouvernement à faire de même.
L’état d’urgence est donc l’annonce d’un « engagement à travailler ensemble, à redoubler d’efforts pour adresser cette crise et à se concentrer sur les solutions », a précisé la ministre Tracy-Anne Mcphee. Quelques jours plus tôt, des veillées aux flambeaux ont été organisées un peu partout au territoire, pour honorer les victimes.
L’urgence de travailler ensemble
La ministre McPhee a précisé que cette déclaration n’octroie pas au gouvernement de pouvoirs qu’il n’aurait pas autrement. Il s’agit plutôt « d’exprimer notre engagement et d’appeler à l’action [et] de reconnaître la situation comme une urgence sanitaire », a-t-elle ajouté.
Plusieurs mesures de réduction des méfaits ont été annoncées, comme une collaboration avec l’organisation Blood Ties Four Directions (BTFD) pour prolonger les heures de son service mobile, davantage de services au site de consommation supervisée du centre-ville de Whitehorse et l’augmentation des services d’analyse de drogues et d’approvisionnement sûr dans la capitale et dans les localités rurales.
En novembre dernier, la directrice de BTFD Bronte Renwick-Shields avait d’ailleurs affirmé que l’offre d’approvisionnement plus sécuritaire tardait à atteindre les communautés plus éloignées.
La déclaration de l’état d’urgence était déjà sur la table à ce moment. Cependant, lors de l’Assemblée législative du 30 novembre dernier, la ministre McPhee avait affirmé qu’elle ne serait déclarée que si cela permettait « de fournir davantage d’outils pour protéger les Yukonnais et Yukonnaises ».
Un sommet sur la santé mentale en février
En février, le gouvernement yukonnais et les Premières Nations tiendront la première phase du sommet sur la santé mentale au territoire, en virtuel. Ce sera aussi l’occasion de se rassembler pour discuter ensemble des orientations du prochain plan sur la crise des opioïdes, qui est échu depuis décembre 2020.
« L’intention a toujours été de tenir un sommet sur la santé mentale, de trouver des solutions et de renouveler le plan sur la crise des opioïdes », selon Tracy-Anne McPhee.
S’il y a un élément judiciaire et criminel à la question des opioïdes, ce n’est pas la partie la plus importante, soutient le gouvernement. À ce sujet, le surintendant principal Scott Sheppard, commandant de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) au Yukon, a ajouté en conférence de presse qu’il s’agissait aussi d’un enjeu de logement, de santé mentale et de pauvreté, tout en étant aussi un enjeu policier.
Si vous avez besoin d’aide lors de la consommation de drogue, le Service national d’intervention en cas de surdose est disponible en tout temps, au 1-888-688-6677.
La crise des opioïdes en bref
– Depuis 2016, 67 Yukonnais et Yukonnaises ont perdu la vie en lien avec la consommation de substances illicites ;
– En 2021, 23 Yukonnais et Yukonnaises ont perdu la vie, propulsant le Yukon au sommet du triste palmarès du plus haut taux de décès dus aux opioïdes par personne au pays, devançant la Colombie-Britannique. Le taux au Yukon était de 48,4 décès pour 100 000 personnes en 2021 ;
– La Colombie-Britannique entame sa sixième année d’état d’urgence sur la crise des opioïdes. Cependant, le nombre de victimes aurait doublé dans la province depuis 2016, selon les chiffres de Radio-Canada ;
– La plupart des décès impliquent du fentanyl, une substance extrêmement puissante de la taille la présence d’un grain de sel.
IJL – Réseau.Presse
L’Aurore boréale