le Dimanche 8 décembre 2024
le Jeudi 28 septembre 2023 7:35 Premières Nations

Langues autochtones et réconciliation : « Qui fait le travail? »

Belinda kakiyosēw Daniels fait de la recherche en lien avec les langues autochtones. — Photo : Quin Bay
Belinda kakiyosēw Daniels fait de la recherche en lien avec les langues autochtones.
Photo : Quin Bay
Les langues maternelles autochtones deviennent langues secondes d’un nombre croissant d’Autochtones au Canada. Leur statut demeure toutefois périlleux et malgré des efforts du gouvernement fédéral, il en faudra plus pour garantir leur survie.

Ce texte est suivi d’une capsule « Lecture simple ».

En 2010, un rapport de l’UNESCO identifiait 86 langues autochtones au Canada, selon les données du recensement de 2001. Ces langues se trouvaient soit en situation « vulnérable », « en danger certain », « sérieusement en danger » ou en « situation critique ».

À l’époque, les langues en danger n’étaient parlées que par 10 % des locuteurs, l’autre 90 % ayant comme première langue parlée une langue autochtone viable.

Aujourd’hui, le Canada enregistre un déclin continu du nombre de locuteurs.

Selon le recensement de 2021, environ 237 420 Autochtones déclaraient « pouvoir parler une langue autochtone assez bien pour pouvoir tenir une conversation ». Une baisse de 4,3 % comparativement à 2016.

Le nombre d’Autochtones ayant déclaré une langue autochtone comme la première langue apprise à la maison durant l’enfance a baissé de 7,1 % par rapport à 2016, et une hausse de 6,7 % a été enregistrée pour les langues autochtones comme langue seconde.

Une réappropriation des langues autochtones

Selon Belinda kakiyosēw Daniels, professeure nēhiyaw en éducation autochtone à l’Université de Victoria, en Colombie-Britannique, cette augmentation vient de locuteurs et d’apprenants qui se réapproprient la langue et qui la rapportent à la maison.

Elle constate un développement lent mais certain de programmes de langue seconde, d’immersion et de cours de langues autochtones : « Il y a un intérêt grandissant. »

« Il y a aussi la récente Loi sur les langues autochtones, ça va aider, assure-t-elle. On a aussi un commissaire aux langues autochtones et trois directeurs. Toutefois, on a besoin de politiques à travers le pays ou par province. »

Elle rappelle qu’en 2022, le mi’kmaw est officiellement devenu langue d’origine en Nouvelle-Écosse. Selon la professeure, il faut « plus d’occasions et d’expériences de ce genre dans chaque province ».

« Je ne sais pas pourquoi le gouvernement canadien pense que c’est si compliqué. Si tu vas en Europe, c’est très multilingue. Le Canada peut être de cette façon aussi. »

La Loi sur les langues autochtones a reçu la sanction royale en juin 2019 et découle d’appels à l’action de la Commission de vérité et réconciliation.

Maintenant, « il faut de nouvelles politiques, des provinces, des conseils scolaires, des lois sur l’éducation qui aident à implanter la Loi sur les langues autochtones ». Elle indique également un besoin d’occasions et d’incitations liées à l’emploi où ces langues peuvent être utilisées.

Le pouvoir de la langue

« Si tout le monde parlait sa langue autochtone, nous aurions un sens d’identité et de connexion à la terre, et nous serions capables de nous exercer avec souveraineté. »

Selon Belinda kakiyosēw Daniels, « ça ne serait pas l’intérêt de la Couronne britannique » qui a longtemps tenté d’assimiler les peuples autochtones.

« Il y a une raison pour laquelle nos langues ont été attaquées, pour laquelle nos enfants ont été pris, volés, kidnappés et livrés à la traite des personnes, explique-t-elle. Ça nous a pris un moment pour nous relever et nous réapproprier qui nous sommes, et la langue est la chose la plus importante pour la Nation. »

La chercheuse appelle le gouvernement fédéral, les provinces et les municipalités à davantage mettre en œuvre la Loi sur les langues autochtones afin de les revitaliser, mais doute du travail effectué actuellement.

« La question que je me pose, c’est qui s’en occupe? Qui fait le travail? Parce que de mon expérience et de ce que je vois, de l’endroit où je suis, c’est principalement les Premières Nations qui font le gros du travail quand il s’agit de revitaliser nos langues. »

Le statut des langues autochtones

Les débats entourant le projet de modernisation de la Loi sur les Langues officielles (LLO), adoptée en juin dernier, ont laissé place à une discussion sur la place des langues autochtones dans le préambule de cette loi.

Michèle Audette a prêté serment lors de sa nomination au Sénat en français et en innu-aimun.

Photo : Fournie

La sénatrice Innue-Québécoise, Michèle Audette, a proposé des amendements de reconnaissance des langues autochtones dans la nouvelle Loi sur les langues officielles. Ses propositions d’amendements ont été rejetées, n’ouvrant pas la porte aux langues autochtones vers un statut plus officiel.

« La langue est ce qui nous donne notre identité, notre culture, notre relation à un territoire, nos responsabilités, une histoire, une vie contemporaine et nos aspirations pour demain », a affirmé la sénatrice Audette lors de la troisième lecture de C-13 au Sénat, le 15 juin 2023.

« Je suis convaincue que dans 10 ans, les langues autochtones seront ajoutées comme langues officielles, avait-elle dit. Le fait qu’il y ait la Loi sur les langues autochtones est encourageant, cependant les droits et pouvoirs ne seront pas égaux à ceux que possèdent les langues officielles. »

L’esprit de la langue

Pour Belinda kakiyosēw Daniels, la langue n’est pas juste un moyen de communiquer, mais aussi un moyen de comprendre le monde dont nous faisons partie.

Elle explique que plusieurs termes de langues cries font référence à des éléments de la nature, comme « miskîk » pour les yeux et « kîsik » pour le ciel.

La langue reflète alors le rapport à la nature : « Nous faisons partie de la nature. Les colons croient posséder la nature. »

« Apprends une langue autochtone et tu apprendras une autre vision du monde quand tu vois l’environnement. Tu comprendras que cet arbre, cette montagne, sont des esprits vivants, dit-elle. Apprendre une langue autochtone aide à découvrir cette manière de voir le monde, et d’être connecté à lui. »

LECTURE SIMPLE

Le 30 septembre, une journée pour commémorer l’histoire des Premières Nations

Depuis 2021, le 30 septembre est la Journée nationale de la vérité et de la réconciliation. C’est une journée de congé pour beaucoup de monde, pour pouvoir prendre le temps de penser aux enfants qui ont été dans des écoles résidentielles. C’est aussi un moment pour penser aux enfants qui n’en sont jamais revenus et à la résilience des personnes survivantes des pensionnats autochtones, ainsi qu’à leurs familles et leurs communautés.

C’est aussi l’occasion de découvrir la richesse et la diversité des cultures, des langues, des croyances spirituelles et des histoires des Premières Nations.

Les pensionnats autochtones étaient des écoles religieuses créées dans le but d’éduquer et de convertir les jeunes Autochtones à la société canadienne : ils ne pouvaient plus parler leur langue maternelle ou profiter de leur culture. Les enfants autochtones y ont été placés contre l’accord de leurs parents et y ont subi des violences physiques et psychologiques.

Le 30 septembre est aussi appelée la Journée du chandail orange. C’est la campagne « chaque enfant compte », qui signifie que tous les enfants, incluant les enfants autochtones, ont tous le droit d’exister avec leur propre culture, personnalité ou croyances. 

Cette journée-là, les gens sont invités à porter un vêtement orange pour soutenir cette cause.