Ce type de programme existe déjà ailleurs au Canada, mais n’avait jamais encore été donné au territoire. Les huit enseignantes ont donc participé à une semaine de développement professionnel, combinant perfectionnement et activités culturelles.
« On a une semaine intensive où on permet aux participantes de s’exprimer en français et de raffiner leur vocabulaire sur une thématique spécifique afin de pouvoir amener ce lexique dans la salle de classe. L’objectif est de bâtir aussi leur confiance langagière dans un contexte professionnel, mais social entre adultes collaboratifs », explique Émilie Lavoie, coordonnatrice et organisatrice du projet.
« Les activités réalisées au cours de cette semaine peuvent ainsi permettre au corps enseignant d’adapter ces activités et de les amener en salle de classe en fonction du niveau de français des élèves, en fonction des besoins et des approches préconisées dans les classes », poursuit-elle.
Des besoins tangibles
« Ces activités sont la suite d’une série d’entrevues et d’un gros projet de recherche pour savoir quels sont les besoins du personnel scolaire au Yukon en général vis-à-vis de leurs tâches d’enseignement de français langue seconde », précise Émilie Lavoie.
« La tâche d’enseignant et d’enseignante de français langue seconde est particulière. C’est très niché. Je dirais que ce sont des enseignants super héros parce qu’ils ont à la fois l’aspect disciplinaire, l’aspect langagier à travers les matières, l’aspect bâtir la confiance langagière tout en cultivant un intérêt pour la langue française, sa culture et sa communauté », estime-t-elle.
Nafi Touré, une des deux personnes facilitatrices venues de la Colombie-Britannique pour former les professeures, pense qu’« en tant qu’enseignant de langue dans un milieu où on est minoritaire, beaucoup de défis se posent. On est souvent isolé dans notre salle de classe, les ressources sont difficiles à accéder. C’est important d’avoir la chance de collaborer avec d’autres enseignants, d’échanger des idées et d’avoir de nouvelles idées qu’on amène dans la salle de classe. Cet institut permet de faire des connexions, d’échanger, de voir ce qui se passe dans les autres écoles ou au niveau d’autres collègues et de pouvoir avoir ce point de contact. »
Pour deux des huit enseignantes, cette semaine a été l’occasion d’échanger sur les pratiques de l’enseignement et de se faire de nouveaux contacts. Teresa Conkin enseigne le français postintensif de la 5e à la 12e année à l’École Robert-Service à Dawson. Elle raconte qu’il existe peu d’opportunités pour améliorer l’enseignement en français langue seconde. « Il n’y a pas beaucoup de personnes avec qui je peux parler de ce qu’on fait. Je parle avec les autres enseignants de han qui enseignent cette langue et une ancienne enseignante de français langue seconde. »
Chelsea Pacheco est une nouvelle enseignante à Porter Creek. Elle enseigne le français langue seconde et l’anglais de la 9e à la 12e année. Pour elle, il est aussi important de suivre cette formation en tant qu’enseignante, mais aussi pour ses élèves.
Enseigner grâce à l’art
« L’art, qu’on l’aime ou non, fait réagir », affirme Nafi Touré. « Si on veut encourager les professeurs comme les élèves à parler, c’est un bon sujet de départ. Très souvent, on se limite quand on parle d’art à la peinture et au pinceau. C’est important de sortir de ça et de réaliser qu’il y a de l’art tout autour de nous, que ce soit le cinéma, la parole, la cuisine, l’art, le textile, le théâtre. On peut utiliser ces autres formes pour s’exprimer. »
Pierre-Henri Poudré, second facilitateur, s’accorde en ce sens. « L’art est facilement adaptable à tous les niveaux parce qu’on a des enseignements qui peuvent être au primaire, au secondaire, dans différents programmes de langue. L’idée est que tout est adaptable. On part d’une base similaire. »
Pour les deux personnes facilitatrices, le Yukon est un endroit idéal parce que l’art y est valorisé. « Il y a des artistes incroyables sur place. Quand ils [les élèves] sortent de l’école, c’est encore autour d’eux, ils peuvent encore réagir à ça », pense Nafi Touré.
« Parler une langue étrangère est très gênant et stressant pour eux », rapporte Teresa Conkin. « Ils ont peur de dire les mauvaises choses et que les autres élèves se moquent d’eux. Alors l’art, c’est quelque chose que tout le monde peut faire. Les activités artistiques permettent de baisser le niveau de stress et de connecter la langue avec la partie artistique dans leur tête. »
Il s’agit pour l’instant d’un projet-pilote. Pascal St-Laurent, directeur des programmes de français du ministère de l’Éducation, espère que ce type de formation sera « plus accessible pour les gens qui ne peuvent pas se permettre de voyager pendant quelques semaines à l’extérieur [du Yukon]. On espère appuyer plus d’enseignants et on espère développer un partenariat qui est encore plus concret avec l’Association francophone [AFY]. On espère aussi que ça permette aux enseignants de mieux apprendre à découvrir notre communauté francophone au Yukon ainsi que tous les services et opportunités que l’AFY peut leur proposer. »
IJL – Réseau.Presse – L’Aurore boréale