Comment être jeune et francophone en situation minoritaire?
Comme l’explique Marguerite Tölgyesi, présidente de la Fédération de la jeunesse canadienne-française (FJCF), l’étude a permis de mettre des mots sur une réalité connue des membres de l’organisation, mais pas toujours bien cernée. « On prône déjà la philosophie du “par et pour”, mais beaucoup de personnes ne la connaissent pas. »
« Le “par et pour” développe la confiance des jeunes en eux-mêmes et en leur réseau. Ils voient aussi les adultes qui en sont sortis. Cela les inspire. C’est circulaire », se réjouit la Franco-Yukonnaise.
Cercle vertueux
Briser l’isolement des jeunes, développer un sentiment d’appartenance ainsi que favoriser l’engagement des jeunes quant aux droits et à la sécurité linguistiques figurent parmi les bienfaits de cette philosophie.
Pour Virginie Saspiturry, gestionnaire Jeunesse par intérim à l’Association franco-yukonnaise, le « par et pour » appliqué au sein de Jeunesse Franco-Yukon (JeFY) vise exactement ces objectifs : « Je peux donner un exemple de la façon dont on l’applique : c’est grâce à un comité JeFY, un comité composé de jeunes de 14 ans à 25 ans. On fait des réunions durant lesquelles on les met au cœur du processus de décision, pour justement qu’ils s’engagent et découvrent la francophonie canadienne. »
Selon elle, la réalité nordique est à prendre en compte : « Nous sommes des jeunes isolés, dans une petite communauté, en plus. En les impliquant dans notre organisme, c’est un moyen de les faire sortir de cet isolement, mais aussi de leur montrer que la francophonie canadienne ne s’arrête pas au Yukon. Notre grande force, c’est de faire partie du réseau jeunesse », explique Virginie Saspiturry.
Elle cite en exemple le nouveau président Vincent Bélanger, qui représentera les jeunes Franco-Yukonnais au Conseil de direction de la FJCF, du 21 au 23 novembre prochain, à Ottawa.
Pour Marguerite Tölgyesi, les jeunes cela donne l’opportunité aux jeunes d’aller à la rencontre du réseau francophone et des dirigeants d’organismes.
Les réseaux francophones s’appuient précisément sur cette philosophie, rappelle Anne Robineau, qui a participé à la réalisation de cette étude. « Quand on est en milieu minoritaire, il faut trouver beaucoup de ressources pour assurer la vitalité et le développement de la communauté. On est obligé d’avoir ce discours sur le “par et pour” afin de s’autogérer et prendre des décisions pour soi-même. »
Pour appuyer ses propos, la chercheuse mentionne d’ailleurs l’exemple des écoles françaises en contexte minoritaire, qui ont aspiré à l’autogestion, c’est-à-dire à une gestion « par et pour » la communauté francophone.
Sortir de l’isolement
La prise de conscience qu’amène la philosophie du « par et pour » permet également de briser un certain isolement.
« Il y a des gens très isolés, qui ne peuvent pas avoir d’activité en français, remarque Anne Robineau. S’impliquer dans le réseau [de la FJCF] leur a permis de participer à des activités à l’extérieur de chez eux, parfois en dehors de leur province et de développer un sentiment d’appartenance à la communauté francophone. »
Des défis à relever
Derrière ces constats positifs, le rapport n’oublie pas d’évoquer les défis que rencontre la FJCF, à commencer par le tokénisme (ou la diversité de façade). Autrement dit, il s’agit pour un groupe ou un organisme de vouloir inclure des personnes des minorités (ici des jeunes) afin de se dire inclusif ou plus inclusif, « pour cocher une case », résume Marguerite Tölgyesi.
« C’est aussi un défi pour les adultes d’imaginer qu’un jeune peut apporter une véritable contribution à la discussion et à la prise de décision. Même à l’intérieur des communautés francophones, il y a parfois une hiérarchie entre les générations », regrette Anne Robineau.
L’environnement et l’inclusion font également partie des préoccupations citées par les participants et participantes à l’étude.
Parmi les autres difficultés soulignées par le rapport, il y a le sentiment que ce sont toujours les mêmes personnes qui sont sollicitées. « Dans certaines petites communautés, on n’a tellement pas assez de monde qui vont s’impliquer que ça va toujours tomber sur le ou la même jeune, car il n’y a personne d’autre. Cette pression peut conduire à une forme d’épuisement », remarque Marguerite Tölgyesi.