En cette nouvelle année, la Société d’histoire francophone du Yukon souhaite à toutes et tous bonheur, santé et énergie de foncer dans la vie.
Antoinette Lessard (Poulin), décédée le 28 juin 2023, a eu cette force d’aller de l’avant face à ce que la vie présente. Hélène Lapensée acquiesce : « Antoinette en a fait des choses dans sa vie. Elle n’avait pas froid aux yeux. Une vie extraordinaire! ». Antoinette (surnommée Toni) fait partie des gens qui ont vécu cette époque méconnue de la francophonie du Yukon, les années 1950 à 1980, de l’avant-Association franco-yukonnaise.
Antoinette est née à Saint-Cosme-de-Beauce en 1933. En 1954, Bruno Poulin – à qui un collègue de travail avait parlé d’une cousine en Beauce – arrive des usines d’Oshawa. Deux mois plus tard, Antoinette et Bruno se marient. Commence alors le trajet vers l’Ouest que bien des francophones ont suivi. Le couple arrive au Yukon en 1957, alors qu’on marchait encore dans la « bouette jusqu’aux genoux » sur la rue principale de Whitehorse.
Réservée mais pas timide
Antoinette et Bruno ne peuvent échapper à la fièvre de l’or. Ils explorent le Sud du territoire. Les gros travaux associés à la recherche du minerai précieux et à son exploitation ne font pas peur à Antoinette. Dans les années 1980 commence la syndicalisation de la fonction publique territoriale. Antoinette est préposée au nettoyage des écoles. On exige des certifications. Au lieu de perdre son emploi, elle prend le taureau par les cornes et décroche la certification requise : opératrice d’installation thermique, qui lui permettait aussi de s’occuper de machinerie lourde, le couronnement d’une vie pleine de détermination.
Attentionnée
Émanaient d’Antoinette douceur et bonté. Denise Beauchamp appréciait ses visites sur la rue Hanson. « Elle bavardait avec sa grande amie Jessie, la mère de mon conjoint, Vernon Marshall. Vern et moi vivions au sous-sol avec notre bébé, Louis-Philippe [né en 1983]. Antoinette était attentionnée. Elle avait toujours un sourire réconfortant. Bien des années plus tard, elle continuait de demander de nos nouvelles quand on se voyait à la messe. »
Vernon Marshall raconte : « Ma mère, Jessie, et Antoinette étaient des femmes de leur temps. Elles travaillaient dur, se plaignaient peu et faisaient face au quotidien avec bonne humeur et humour. Antoinette et ma mère étaient concierges de nuit à l’école Christ-the-King, aujourd’hui l’école de Wood Street. J’adorais qu’elles me laissent conduire la grosse polisseuse de plancher dans les couloirs. Lors des pauses, elles se racontaient leurs vies. Je les entendais s’esclaffer. Aujourd’hui, je soupçonne qu’elles avaient des étincelles dans les yeux quand qu’elles parlaient de leurs enfants et leurs maris. »
L’âge rattrape
Dans son âge avancé, Antoinette passe ses étés à Beaver Creek. Elle aide sa fille Carmen au gite du passant Buckshot Betty. De retour à Whitehorse, Carol Ann Gingras se souvient : « Pendant 15 ans, Antoinette vivait de l’autre côté de ma rue à Takhini-Est. Elle était une voisine tranquille, gentille, et surtout un exemple de la force de vivre. Je la voyais partir, un bâton de marche à la main. Je l’accompagnais. Chaque fois, je me disais que je voulais être comme Toni en vieillissant. »
Cependant l’âge rattrape, souligne Hélène Lapensée : « Avec les années, elle était devenue frêle. Ça la frustrait énormément car elle n’était plus capable de faire son grand ménage! Accueillante, elle me recevait avec un grand sourire. Nous jasions autour d’un thé. J’ai connu Antoinette et son mari Bruno (décédé en 2013. Voir article de Philippe Cardinal dans l’Aurore boréale du 3 avril 2013), par la communauté francophone catholique. Je la conduisais à la messe. Ses yeux se plissaient de bonheur lorsque les enfants lui faisaient des câlins de retrouvailles hebdomadaires. Antoinette a été très fière de franchir le cap de ses 90 ans avec une vie bien remplie au Yukon. »