Le conseil municipal de la Ville de Whitehorse s’est finalement prononcé en faveur de la révision de sa politique sur le financement de l’art public. Ce texte datant de 1999 stipule que la Ville se doit d’investir dans les arts un minimum d’un pourcent du budget alloué à la construction d’un nouvel édifice municipal. Habituellement choyées par les fonds publics, les forces vives de la culture yukonnaise ont cette fois l’impression d’être tombées sur un os. Malgré la promesse du conseil municipal de ne pas saisir cette occasion pour revoir à la baisse le financement des arts publics, l’émoi s’est tout de même répandu au sein de notre communauté artistique qui s’est empressée de jeter l’opprobre sur un début de débat inoffensif. Alors que plus de 350 000 dollars d’art devront prochainement être dépensés de façon responsable dans le cadre de la construction d’une nouvelle infrastructure industrielle, la moindre des politesses démocratiques devrait pourtant consister à laisser au conseil municipal le droit de sourciller sur une politique aux contours sincèrement nébuleux.
Ainsi bien que les Yukonnais aiment à louer l’ouverture d’esprit de leur communauté des artistes – n’est-elle pas après tout au fondement de la création culturelle yukonnaise et à l’origine de bon nombre d’œuvres des plus inspirées (et inspirantes) ? – on peut désormais penser que celle-ci s’arrête là où commencent les coutures du portefeuille. Soyons clair : la sphère culturelle n’est de loin pas la seule à défendre son bout de gras et il va de soi que la prudence est de mise dans un contexte politique où les restrictions budgétaires sont devenues monnaie courante.
Cependant, lorsque le Centre des arts du Yukon refuse en bloc la perspective d’un dialogue poli et nécessaire axé sur les politiques culturelles publiques, s’avoue « consterné » par cette éventualité et réclame haut et fort le statu quo, on devient naturellement hésitant à conforter l’institution dans le rôle de « modèle de développement des arts dans le Nord » qu’elle s’est attribué dans l’objectif de stimuler l’expansion culturelle d’un « territoire vibrant et créatif ».
Convaincu de la première heure qu’un débat sur la question pourrait être préjudiciable au climat culturel de Whitehorse, l’institution nous a donc cette fois surpris en faisant preuve d’un immobilisme si contraire aux valeurs de la création artistique. Pour le bien et la pérennité de la communauté des artistes yukonnais, promet-t-elle. À trop pleurer avant d’être battus, les réfractaires au changement risquent désormais peut-être même de semer le doute quant à la confiance qu’ils affichent en la capacité et la légitimité des arts à renforcer l’environnement social et culturel de nos communautés.
Si la Ville de Whitehorse est un tant soi peu visionnaire et responsable, elle devra pour sa part saisir l’opportunité de ce travail de révision pour non seulement préciser les enjeux et les finalités de sa politique culturelle, mais surtout pour renforcer la place des arts dans l’espace public en les assurant d’un solide soutien financier et en oeuvrant à leur visibilité.