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le Mercredi 23 Décembre 2015 13:17 Éditorial

Attention, cet homme est une blague

Plus connu pour ses dérives mégalomanes que pour la finesse de ses analyses politiques, Donald Trump n’en finit plus de distancer ses rivaux dans la course à l’investiture républicaine. Selon les dernières données publiées par le site Internet RearClearPolitics, le milliardaire s’envolerait dans les sondages avec près de 35 % des intentions de vote au sein de l’électorat républicain. Deuxième au classement, le sénateur du Texas Ted Cruz en compterait moitié moins.

Donald Trump peut bien se perdre dans les diatribes populistes et misogynes dont lui seul a le secret, ses électeurs n’en démordent pas. Les déclarations du magnat des affaires résonnent en eux comme une voix sacrée. Peu leur importe que les discours du candidat soient émaillés de vérités approximatives, voire de purs mensonges. La stratégie de campagne du milliardaire se résume en ces mots : plus c’est gros, plus ça passe. Au grand dam de ses concurrents, le roi de la téléréalité en donne donc à voir et à entendre, et l’Amérique du grand spectacle aime ça.

Anti-musulman, anti-média, anti-avortement, anti-femme, antitout, Donald Trump tristement inspire, au point d’incarner à lui seul cette dérive idéologique qui frappe aujourd’hui une bonne partie de l’électorat républicain. Mais en jouant son va-tout sur les peurs et les frustrations de ses concitoyens, l’irresponsable ne fait en réalité que renforcer encore un peu plus le sentiment d’hostilité qu’entretiennent à l’égard de l’Amérique des populations des plus en plus nombreuses.

La Chine n’est pas son amie, affirme-t-il, le Moyen-Orient non plus. Quant au voisin mexicain, il faut s’en prémunir. Pour ce faire, Trump, qui reproche aux démocrates de laisser transiter à la frontière des contingents entiers de criminels et de trafiquants de drogues, souhaite y ériger un mur de 3 200 km. Charge au Mexique de payer la note, a cependant ajouté le milliardaire. Mais c’est en proposant le mois dernier de stopper l’immigration musulmane et de ficher les croyants que l’homme d’affaires a franchi le Rubicon. La suggestion a choqué, tant elle rappelle les heures les plus sombres de l’histoire du XXe siècle. Ces grands projets sont bien sûr utopiques, démagogiques et irréalisables, mais la classe ouvrière y croit, alors Trump persiste et signe.

Loin d’être un idiot, il parie sur l’excentricité et la provocation pour se démarquer, attise la haine aussi, et encourage les divisions et le rejet de l’autre. Aveuglé par le pouvoir et la richesse, il y a d’ailleurs bien longtemps que Donald Trump ne vit plus pour les autres, mais bien pour lui-même. Et c’est avec la bénédiction d’un électorat dopé au rêve américain que le milliardaire poursuit sa descente dans les méandres de l’ignorance, entraînant malheureusement avec lui les consciences les plus naïves. Sa course à l’ego n’en finit plus de se prolonger. Ne reste alors que le culte de l’argent, qu’une société sage et éclairée considérerait comme futile et égoïste, mais que l’Occident persiste à vénérer.

Cela dit, la course à l’investiture n’est-elle pas l’apanage des plus riches? La communication électorale est une machine de guerre qui brasse des milliards, et plus l’on est riche, plus l’on touche son auditoire. Plus fort et répétitif est le message aussi, et qu’importe son contenu : les politiciens se sont donné les moyens d’être écoutés, et voilà le principal. Même la législation sur le financement des campagnes électorales s’assouplit en leur faveur, afin de les autoriser à quémander quelques millions supplémentaires auprès des milieux d’affaires. Il est donc parfaitement illusoire de croire que quiconque voudrait sincèrement réguler la finance a la moindre chance de se hisser jusqu’à de hautes fonctions politiques. Mais à ce chapitre, Donald Trump a les mains libres, puisque sa fortune lui permet de financer lui-même sa campagne. En cas de défaite aux élections primaires du parti républicain, il n’exclut d’ailleurs pas de se présenter comme candidat libre au scrutin de 2016.

Pour incarner la fonction présidentielle, l’on doit cependant posséder des valeurs autrement plus nobles que le culte de l’ego. Pourtant, sur les 320 millions de personnes que compte l’Amérique, Donald Trump semble être aujourd’hui le seul homme capable au pays, si l’on se fie aux sondages. Mais difficile de discerner ne serait-ce qu’une once de sagesse dans la personnalité et la manière de faire du milliardaire. L’impossible accession de Donald Trump à la Maison blanche marquerait donc un tournant dans l’histoire de la politique moderne. On pourrait alors se dire sans trop se tromper que l’Amérique est folle, et que l’humanité va droit dans le mur. Mais que les Yukonnais se rassurent. Entre deux immondices, Donald a affirmé qu’il adorait le Canada, et a même promis qu’il ne construirait pas de mur entre les deux pays. Merci de nous l’avoir précisé Donald, et joyeux Noël!