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le Vendredi 2 octobre 2015 11:23 Éditorial

À la rencontre du citoyen

En cette fin de semaine, la francophonie était à l’ordre du jour d’une bonne partie de la classe politique yukonnaise. Du forum électoral en français à la célébration du jumelage des villes de Lancieux et Whitehorse, les occasions de briller auprès de la communauté se sont multipliées pour les candidats de tous bords. Des couloirs du High Country Inn à l’esplanade de l’hôtel de ville et sous les charpentes du hangar à tramway, les politiques fédérales, territoriales et municipales se sont ainsi joyeusement mêlées pour fêter la Normandie, la Marseillaise et la francophonie.

Notre petit groupe d’irréductibles aurait-il donc accompli l’union des partis sous la belle bannière bleue de la franco-yukonnie? Au regard de ce tableau idyllique parsemé de petits fours et de verres de vin blanc, la question n’a rien d’illégitime, mais ne rêvons quand même pas trop fort. À trois semaines d’un double scrutin, quoi de plus normal pour nos élus que de ressentir le besoin irrémédiable de s’acoquiner avec l’électorat?

Son hommage à Lancieux à peine terminé, le maire Curtis s’en est ainsi allé servir des canettes au festival de bières qui s’ouvrait au Centre culturel des Kwanlin Dün. Par la force des choses, houblon et politique figuraient tous deux à la carte du grand rendez-vous des brasseurs. Derrière les tables, décapsuleur à la ceinture, le député libéral Sandy Silver, la députée NPD Kate White, le ministre Nixon ou encore l’un des candidats au conseil municipal, Peter Jickling. Une bière fraîche contre une intention de vote, la tentation était grande de faire campagne sur place, l’occasion trop belle pour ne pas la saisir.

En compagnie des francophones, les conseillers municipaux John Streicker, Betty Irwin et Dave Stockdale avaient quant à eux préféré continuer à graviter autour des plateaux de fromages du hangar à tramway. En tête des sondages, le « presque » indéboulonnable Larry Bagnell était aussi de la partie, bien que sa présence aux célébrations de la francophonie soit depuis longtemps devenue un non-événement. Si l’on devait simplement élire notre député fédéral à l’aune de son amitié pour notre communauté, le candidat libéral verrait sa carrière politique toute tracée. Sa rivale néo-démocrate n’avait pas non plus manqué l’occasion de travailler ses relations publiques. Sans réelle expérience politique, Melissa Atkinsona ainsi fait de son mieux pour engager la discussion avec les participants à l’événement.

Bien plus à l’aise à la table des débats, Mme Atkinson a cependant su tirer son épingle du jeu lors du forum électoral en français organisé dès le lendemain matin à l’hôtel High Country Inn. Solidement épaulée par son traducteur, André Bourcier, la candidate a beau s’être exprimée en anglais, ses messages sont passés comme des lettres à la poste. Une stratégie payante dont auraient dû s’inspirer messieurs Bagnell et Leef, trop confiants dans leur niveau de français pour réaliser que la salle tendait l’oreille à s’en décrocher le lobe.

Il va sans dire que l’effort a été unanimement reconnu, mais l’objectif de la rencontre ne visait malheureusement pas à évaluer le niveau de langue des candidats fédéraux. Ryan Leef, qui avait choisi de ne pas recourir à un traducteur, est ainsi passé par de grands moments de solitude et quelques silences gênants seulement interrompus par un retour forcé à l’anglais.

Le public ne s’y est pas trompé : parce qu’elle est la seule à s’être adressée avec clarté à ses interlocuteurs, Melissa Atkinson a bel et bien remporté ce débat en français. Un dénouement probablement peu significatif pour les trois candidats, bien conscients de s’être adressés à une frange marginale de l’électorat yukonnais. Ce qui expliquerait peut-être le manque évident de préparation qui a mené au spectacle un peu pathétique imposé à l’assistance.