le Mercredi 11 septembre 2024
le Mercredi 17 Décembre 2014 11:10 Éditorial

Fraude, arnaque et compagnie

Pierre-Luc Lafrance

Lundi matin, je reçois un appel au bureau. On commence par me demander de confirmer l’adresse, le courriel et le numéro de téléphone du journal pour un répertoire en ligne (411 Business Media pour ne pas le nommer). À la fin, la personne me lance vite, vite : « On va vous envoyer une facture! »

Quelle facture? En discutant avec la personne, elle me dit que c’est 899 $ pour être dans le répertoire. En fait non, elle sépare bien le 8 du 99, pour donner l’impression que c’est peut-être 8,99 $. Une fois confirmé qu’on parle bien de presque 1 000 $, je lui dis que je ne suis pas intéressé.

Je reçois quand même une facture le lendemain, expliquant que l’Aurore boréale avait profité du service de ce répertoire l’année dernière. À ce moment, des lumières se sont allumées dans ma tête : l’an dernier, j’étais déjà en poste et je me serais souvenu d’une dépense de ce type. J’ai donc consulté mon ami Google en lançant une recherche avec le nom de l’entreprise + arnaque (dans ce cas-ci, les résultats ont été plus probants avec le terme anglophone scam). Résultat, c’est bien une fraude.

L’entreprise a changé quelques fois de noms (et il y a d’autres joueurs dans ce marché lucratif), toutefois le modus operandi est presque tout le temps le même : quelqu’un appelle pour confirmer les noms de l’entreprise et ses coordonnées. La première chose dont on se rend compte, c’est qu’on a reçu une facture. J’imagine qu’à ce moment, bien des gens paient sans trop savoir pour quel service (en effet, ladite facture, bien que d’allure professionnelle, comporte fort peu de renseignements sur la question). Pour ceux qui ne paient pas, l’étape suivante, c’est qu’une compagnie de recouvrement appelle pour demander le paiement de façon plus musclée en affirmant que de ne pas payer aura un impact sur la cote de crédit de l’entreprise. J’imagine que certains ont peur à ce moment et paient. Cependant, ce qu’il faut savoir, c’est que la fameuse compagnie de recouvrement est la même que celle qui a envoyé la facture initiale. Dans certains cas, il y a même une troisième étape : une lettre d’avocat. Bien sûr, vous me
voyez venir, la fameuse firme n’est qu’une troisième entité reliée à la première.

De mon côté, j’ai répondu que s’il me contactait, j’allais porter plainte à la GRC et je n’en ai plus entendu parler (du moins jusqu’à maintenant). Comme je n’ai rien payé, je n’aurai pas à me battre pour ravoir mon argent. Toutefois, cela m’a amené à réfléchir sur la question des fraudes.

Un domaine en pleine expansion

On a tous l’image du courriel écrit tout croche dans lequel un héritier (ou une veuve, ou…) souvent africain a besoin de votre aide pour récupérer son héritage en échange d’une part du magot. Ou encore, la tombola de Microsoft grâce à laquelle vous avez gagné des millions. Si ces tentatives de fraude peuvent porter à rire, il n’en reste pas moins que si elles continuent de circuler, c’est qu’il y a des poissons qui mordent à l’appât.

Seulement, ce n’est que la pointe de l’iceberg. Qui n’a pas reçu un courriel d’une compagnie bancaire qui explique qu’il y a un problème avec notre compte et qui demande de mettre à jour nos informations en cliquant sur un lien. Souvent, la présentation du message est impeccable et on serait tenté d’y croire (bon, je l’accorde, c’est plus difficile d’être crédule quand ce n’est pas notre institution bancaire, mais quand même). Ce qu’il faut retenir ici, c’est que les banques utilisent d’autres moyens que le courriel pour toucher leur clientèle. S’ils ont à passer par voie électronique, la plupart du temps se sera par leur réseau interne. Donc toutes ses demandes pour mettre vos informations à jour sont des pièges.

Au cours des années, j’ai pu parler avec des policiers de différents cas de fraudes. Plusieurs arnaqueurs s’attaquent directement aux plus démunis, particulièrement aux personnes âgées. Le cas classique : un appel au petit matin pour être sûr que l’interlocuteur soit désorienté. Au bout du fil, c’est un petit-fils. « Grand-maman, je suis dans le trouble. Il faut que tu me transfères 200 $, sinon je vais passer la nuit en prison. Surtout, dis-le pas à papa, il va me tuer. » Certains filous ont fait de nombreuses victimes avec cette astuce.

Mais ce qui m’a le plus dégoûté, c’est ceux qui utilisent les réseaux de rencontres pour flouer des gens en mal d’amour. Imaginez, vous êtes seul et recherchez une personne compatible avec qui vivre une grande passion. Et vous rencontrez cet homme ou cette femme sur un site de rencontres. Il est beau, drôle, attentionné. Il vous écrit plusieurs fois par jour, se montre attentionné, vous écoute. Seul problème, il vit à l’extérieur du pays. N’empêche, c’est le grand amour et il se prépare à venir vous voir. Comble de malchance, le jour de son départ, il lui arrive une malchance (un accident, une mère malade, la perte de son passeport, etc.). Tout pourrait rentrer dans l’ordre seulement… il aurait besoin d’un peu d’argent. Comme c’est le grand amour, vous lui envoyez l’argent. De toute façon, il va vous rembourser, il y a juste un petit problème qui fait en sorte qu’il n’a pas accès à son argent, mais c’est temporaire. Et puis, les malchances s’accumulent et les montants transférés sont de plus en plus élevés jusqu’au jour où vous comprenez que votre amoureux ne viendra jamais vous voir, qu’il vient plutôt de vous avoir.

Certains ont perdu des milliers de dollars par cette fraude. Contrairement à ce que l’on pourrait croire, il n’y a pas de profil type. Des hommes comme des femmes se sont fait flouer, des gens avec des diplômes et de bons salaires, comme d’autres qui vivent de l’aide sociale.

Il y a toutefois quelques conseils de base que l’on peut garder en tête : toujours être méfiant en ligne comme au téléphone, ne jamais communiquer nos renseignements bancaires à des inconnus et, surtout, si ça semble trop beau pour être vrai… c’est sans doute le cas.