En février 2016, le Français Sébastien Dos Santos Borges a pris le départ de la course internationale Yukon Quest avec ses quatorze chiens. Après avoir complété ses courses de qualification, la Copper Basin et la Two Rivers, il se rappelle : « Tout s’était passé à merveille. J’étais comme sur un petit nuage avec les chiens, c’était extraordinaire. »
Au point de contrôle de Carmacks, après que les vétérinaires ont eu contrôlé les chiens et déclaré son équipe canine en super forme, il repart vers sa prochaine destination, Braeburn. Un kilomètre plus loin, son chien Polar tombe, mort.
« Cette histoire s’est arrêtée brusquement à Carmacks. Polar est tombé et pour moi, ça a été la fin du monde. Je ne comprenais pas ce qui se passait. Je faisais tellement attention à mes chiens, pour moi ce n’était pas logique, c’était même injuste », nous raconte le musheur.

Sébastien Dos Santos Borges pose fièrement avec Diomède, l’une des membres de sa famille à quatre pattes. Photo: fournie
Alors que les vétérinaires, le juge et tous les membres de l’organisation l’encourageaient à continuer la course, il s’en sentait incapable.
La cause du décès de Polar s’avère un phénomène très rare. Une bactérie présente naturellement dans l’estomac de tous les chiens s’est développée de façon foudroyante, en 72 heures. L’estomac est devenu poreux, absorbait le sang et le chien se vidait de son sang par l’intérieur.
Bien que le décès de son chien était imprévisible, Sébastien se sent coupable. « J’aurais dû m’en occuper mieux. Peut-être que de le mettre en avant était trop dur pour lui. Je culpabilise à 3 000 %. C’est pour cela que je n’ai pas encore fait mon deuil », nous confie Sébastien. « Il n’y a pas une journée qui passe sans que je pense à Polar. Pour moi, c’est vraiment difficile. Ça fait presque un an et c’est toujours dans ma tête. »
Pour connaître la fin de l’histoire
Les chiens qui composent l’attelage de Sébastien Dos Santos Borges proviennent de différents milieux. « Ce ne sont pas des athlètes de haut niveau. Je les ai récupérés parmi des chiens délaissés à droite et à gauche. Pour moi, ce sont des chiens de compagnie. C’est toute ma famille. »
Cette aventure qui s’apparentait à une randonnée familiale pour Sébastien n’a pu trouver sa fin. « Mon deuil n’est pas fait et j’ai vraiment envie de terminer cette histoire. J’insiste là-dessus, ce n’est pas forcément le fait de finir la Quest que je veux, mais de me retrouver dans cette aventure, toujours avec Polar et avec cette famille, car ce sont les mêmes chiens. Je veux retrouver cette piste de la Quest, cette sensation d’osmose avec mes chiens et peut-être qu’à l’arrivée, aurai-je découvert autre chose, fait mon deuil. »
Décision difficile
Financièrement parlant, cette aventure coûte très cher. Sébastien tente de ramasser des sous à droite et à gauche. Mais s’il voulait terminer son histoire avec sa famille à quatre pattes, il se devait de revenir cette année. Pour certains chiens, ce sera leur dernière course parce qu’ils sont trop âgés. « C’était maintenant ou jamais », conclut le musheur.
« Mon but n’est pas forcément de finir [la Yukon Quest]. C’est de prendre du plaisir, d’être à l’écoute de mes chiens, de la nature. Je pensais qu’on ne faisait qu’un, mais je me suis rendu compte avec la perte de Polar que ce n’était pas le cas. J’ai besoin d’avoir le fin mot de cette histoire. Je me trouve devant une page blanche et je ne suis pas loin d’arriver à la fin de mon livre. Le but est de trouver ce quelque chose qui manque, mais je n’ai pas forcément besoin de terminer la course pour cela. »
C’est ainsi que le 4 février 2017, Sébastien Dos Santos Borges se tiendra de nouveau sur la ligne de départ de la Yukon Quest avec son attelage composé des mêmes chiens que l’an dernier, plus Mr. Brown qui prendra la place de Polar. « Je pars avec quatorze chiens, mais je serai peut-être plus avantagé que les autres parce qu’en réalité, je vais partir avec quinze chiens. Polar sera avec nous. On profitera de 1 600 km, peut-être moins, peu importe, pour vraiment dialoguer ensemble. »