Il y a un mois, alors que nous étions confiants et heureux de poursuivre notre découverte du Mexique par les petites routes et à vélo, un accident a balayé en moins de trois secondes tous nos plans. Cette voiture qui roulait trop vite m’a fauchée en pleine descente, me laissant seule et inconsciente sur le bord de la route. Lorsque j’ai repris mes esprits, je ne croyais pas à ce qui venait de m’arriver. Puis la colère s’est pointée, mais elle n’a pas eu le temps de s’installer, car mon esprit était ailleurs, dans une autre dimension, un peu entre le rêve et la réalité. Cet accident aurait pu arriver n’importe où et aux États-Unis, l’éventualité d’un choc avec une automobile me préoccupait tous les jours. Depuis notre entrée au Mexique, je n’y pensais plus vraiment. Transportée par l’intensité des rencontres et des expériences vécues, j’avais des tas de projets. Le cours des événements en aura décidé autrement et ce ne fut pas facile de mettre entre parenthèses mes idées, revoir l’intégralité de notre voyage et surtout, remettre en cause notre façon de voyager.
Nous avions beaucoup entendu de commentaires comme « Faites très attention sur la route ». Et c’est vrai que nous avons toujours fait des choix raisonnés. Mais sous prétexte que nous avons pris la décision de voyager en vélo, nous devrions endosser la responsabilité des automobilistes. Non, je ne peux pas le concevoir. C’est aussi à tout un chacun de prendre ses propres responsabilités et d’assumer ses choix, ses actes et ses conséquences.
Depuis l’accident, j’ai pu remonter sur un vélo, j’ai eu le bonheur de réaliser que je pouvais encore pédaler. Ma quête de liberté peut donc reprendre. Mais j’ai systématiquement une pointe d’angoisse lorsque j’entends un véhicule derrière qui accélère pour me dépasser. Comment puis-je encore avoir confiance dans les autres? Est-il possible de voyager à vélo avec un enfant lorsqu’on imagine le pire à chaque coin de rue?
Je reste confiante, mais avec un soupçon de méfiance quand même. Nous allons donc entamer un nouveau voyage, mais sur des véloroutes françaises et sur des chemins où le trafic routier devrait être moins intense. Nous allons aussi commencer une nouvelle façon de voyager, puisque nous avons décidé d’offrir la charrette qui nous a accompagnés sur plus de 6 000 kilomètres à un ami mexicain. Ainsi, nous repartons sur un bon pied, avec trois vélos et un système d’attache donnant l’impression de voyager en tandem et qui permettra à notre fille de se reposer tout en continuant à nous suivre.
De ce voyage, je retiens la force et la sincérité des instants partagés, des rencontres. De ce voyage, je me souviens d’avoir vécu pleinement et d’avoir été l’actrice de ma propre vie. Enfin, à la question pourquoi partez-vous si longtemps en voyage? je répondrais par la citation de Bernard Delaloye dans son ouvrage La joie du voyage en famille : « La famille est un mélange de moments forts, faits de douceur et de douleur, un entrecroisement de laine et de chanvre qui forme une trame solide (…) Se perdre, éprouver la peur de l’inconnu permet de resserrer les liens du groupe, fonde une expérience, voire une mythologie commune. » Si le cœur vous en dit, vous pourrez continuer de suivre nos pérégrinations sur notre site : une nouvelle destination avec la même philosophie de voyage!