La fin de saison approche à grands pas pour les ours du Yukon. À la mi-novembre, la panse remplie de baies et d’autres nourritures boréales, grizzlis et ours noirs disparaîtront jusqu’au printemps dans les profondeurs d’une grotte perdue au fin fond de nos montagnes. Trois petites semaines restent donc encore aux plantigrades pour batifoler dans les bois à la recherche de quelques ultimes provisions. Une promenade gourmande, si l’on en croit l’agent de conservation Dave Bakica.
« Tous les gens qui ont eu l’occasion de sortir un peu cette année ont pu remarquer qu’il y avait une quantité incroyable de baies de toutes sortes », affirme M. Bakica. « Je n’ai pas vu énormément de fraises cette année, et les framboises étaient OK, mais les quantités de baies de shépherdie du Canada (soapberries), de camarines noires (mossberries) et de canneberges étaient incroyables. »
L’abondance de baies a cette année permis aux ours de se tenir un peu plus à l’écart de Whitehorse, et seules quelques visites indésirables ont eu lieu cette saison, à Cowley Creek par exemple.
« Un ours venait manger sur une propriété où se trouvait un grand parterre de baies », raconte M. Bakica. « Il accédait donc à une source de nourriture naturelle, mais juste derrière la maison de quelqu’un. »
Une saison plutôt calme
Selon l’agent de conservation, les ours sont susceptibles de se promener partout à Whitehorse, et particulièrement dans les quartiers bordés par une ceinture végétale, comme Copper Ridge, Granger ou encore Golden Horn. Jusqu’à maintenant, la population d’ours a cependant vécu une belle année dans les bois.
« Si l’on compare cette année aux années précédentes, il n’y a eu qu’un petit nombre de conflits ou de problèmes, et je ne vois pas de changement drastique à venir cette saison », explique Dave Bakica.
Bien qu’aucun décompte officiel n’ait encore été effectué par le ministère de l’Environnement, on peut affirmer que pour la seule région de Whitehorse, seuls deux ours ont été abattus cette année, et « trois ou quatre relocalisés », indique l’agent de conservation. Un chiffre plus que raisonnable si l’on considère qu’en 2012, vingt et un ours avaient été abattus à la grandeur du territoire. Cinq d’entre eux avaient notamment été tués par des résidents menacés.
« La raison principale pour laquelle nous abattons un ours, c’est lorsqu’il endommage une propriété ou qu’il représente une menace pour les humains », explique Dave Bakica. « Nous pouvons aussi le relocaliser. On regarde alors, entre autres, l’histoire de cet ours, ce qu’il a fait, l’époque de l’année, la taille de la population et si c’est un mâle, une mère ou un jeune. On regarde aussi si on a un endroit raisonnable où relocaliser l’ours, car ils peuvent marcher des distances énormes pour revenir. »
Manger! Encore!
L’agent de conservation regrette que la plupart des gens ne se soucient pas des bons comportements à adopter pour interagir sagement avec la faune et éviter les mauvaises rencontres. Lorsqu’un problème survient, il est en effet généralement trop tard.
« Énormément de gens pensent que c’est le Grand Nord et qu’ils n’ont pas à se soucier des questions de sécurité ou de la nécessité de prévenir les conflits avec les animaux sauvages, et ils n’y pensent pas jusqu’au moment où survient un problème », lance Dave Bakica. « C’est un grand défi que de faire prendre conscience aux gens de la situation avant même qu’ils ne partent un compost, un élevage de poules ou de cochons, ou qu’ils entreposent des grains ou de la nourriture pour chiens. La vie est très simple pour les ours : c’est tout pour la nourriture! Et toutes ces choses sont susceptibles de les attirer! »
Ainsi, les ours snobent quelquefois la basse-cour pour se rendre directement dans le cabanon abritant la nourriture des poulets. L’année dernière, plusieurs grizzlis ont également compris que là où se trouvaient des équipes de chiens de traîneau, de la nourriture était entreposée quelque part autour.
« Un ours peut bien entendu sentir une équipe de chiens à des kilomètres », affirme Dave Bakica. « Il se rend sur place, les chiens sont enchaînés et ne peuvent rien lui faire. Alors, il trouve le cabanon et mange la nourriture. »
Chasseurs et jardiniers
Alors que les résidents doivent principalement se soucier de leur propriété et de la façon dont ils y entreposent leurs denrées alimentaires et leurs produits attractifs, les visiteurs doivent être guidés par le souci de diminuer les risques de mauvaises rencontres lorsqu’ils sortent dans les bois. À cet effet, l’agencement du campement et le conditionnement des aliments sont des facteurs incontournables. À cette époque de l’année, ce sont cependant les chasseurs qui sont les plus susceptibles d’attirer les ours sur leur propriété.
« Les chasseurs doivent faire très attention aux carcasses qu’ils accrochent dans leur abri. Il faut faire bien attention à la nettoyer correctement et à contenir les odeurs », indique Dave Bakica. « Si des signes montrent qu’un ours est dans le coin, ils doivent alors décrocher leur viande et la sortir de son abri, car ils ne peuvent en aucun cas la laisser là. »
Les jardiniers s’exposent également à des visites inopinées. Afin de réduire les risques d’attirer un ours autour du potager familial, le ministère de l’Environnement conseille ainsi aux Yukonnais de bien conditionner leur compost. Les éleveurs sont quant à eux encouragés à électrifier leurs barrières afin de décourager la faune de s’attaquer au bétail et aux réserves de nourriture.