le Dimanche 8 septembre 2024
le Mardi 31 mars 2015 10:01 Sports - Loisirs

Iditarod : Petit exploit en Alaska pour Marcelle Fressineau

Marcelle bien concentrée quelques jours avant le départ. Photo : fournie.
Marcelle bien concentrée quelques jours avant le départ. Photo : fournie.

Thierry Guenez

Marcelle Fressineau a terminé, en douze jours, la course de l’Iditarod pour la seconde fois de sa carrière, à soixante ans. Seize chiens au départ, neuf à l’arrivée, elle fait mieux que l’année précédente où elle avait terminé dernière et soufflé la lanterne rouge, comme le veut la tradition.

Marcelle bien concentrée quelques jours avant le départ. Photo : fournie.

Marcelle bien concentrée quelques jours avant le départ. Photo : fournie.

Cette année, Marcelle partait avec l’ambition de terminer cette course à nouveau. Ce qui est déjà un exploit en soi car, sur les 78 concurrents au départ, douze cette année n’ont pas été jusqu’au bout.

« La dernière grande course » : environ 1 600 km de défi

Les entraînements ainsi que sa participation à la Yukon Quest 300 ont permis de démontrer que les chiens de Marcelle étaient prêts pour cette odyssée. Il a fallu mettre ces seize athlètes dans un camion et conduire de Whitehorse à Fairbanks en gardant à l’esprit que, si elle se rendait au départ de la course la plus prestigieuse au monde, celle-ci était aussi l’une des plus difficiles.

Le manque de neige a forcé les organisateurs à modifier le tracé et, une fois n’est pas coutume, les participants se sont cette année élancés de Fairbanks, au lieu d’Anchorage. Un trajet sinueux à travers bois, difficile à manœuvrer avec un équipage aussi nombreux. Viennent ensuite de longues distances sur le fleuve Yukon et ses solitudes glacées.

Marcelle doit très vite abandonner des chiens, c’est-à-dire les déposer aux points de contrôle prévus à cet effet. « Je n’ai pas pu les entraîner à courir à seize. Le rythme qu’ils prennent ainsi ne convient pas à certains, qui doivent alors forcer l’allure », analyse-t-elle. À Ruby, quatrième point de contrôle après Fairbanks – soit environ un tiers du parcours, le traîneau de Marcelle ne compte déjà plus que neuf chiens, ceux avec qui elle passera la ligne d’arrivée. Mais ça, elle ne le sait pas encore.

« Je pensais que je ne pourrais pas terminer » se souvient-elle. Elle prend alors la meilleure décision possible, celle de tempérer les ardeurs de ses protégés, de leur faire prendre un rythme qui leur permette de tenir sur la distance. Les autres coureurs, disposant de plus de chiens, la rattrapent alors et elle perd un peu de cette belle avance, gagnée grâce à un départ en trombe de sa jeune, mais robuste équipe.

Le rêve de tout musheur

Et Marcelle enchaîne les kilomètres. Elle glisse de nuit sous les étoiles, bercée par le pas des chiens, leurs petits halètements et la manière dont la nuit les transforme. Dans le ciel, les aurores lui font signe et elle ne donnerait sa place pour rien au monde. Depuis des mois, chaque journée ne s’est écoulée que dans le but de faire advenir cet instant, voici l’accomplissement d’une année d’efforts.
Elle prend successivement ses pauses obligatoires (une de huit heures, une autre de vingt-quatre), se maintient au classement, prend du temps – comme les autres meneurs de traîneaux du reste – pour masser ses compères, les nourrir, leur préparer leur lit de paille, leur enlever ou remettre leurs bottines. Des gestes essentiels qui ont pour effet d’empiéter sur son sommeil à elle. La piste met à l’essai l’endurance des bêtes et des hommes… et celle des femmes.

Au cœur du monde hostile

Le thermomètre indique moins cinquante. Le vent cingle et la banquise approche. Prise dans une tempête, elle cherche sa parka et ne la trouve nulle part. Et pour cause : elle la porte déjà sur elle. Mais le froid brûle comme si elle ne portait rien.

Plus loin, elle perd la piste et ses essentielles balises. Le blizzard sur la banquise rend tous les musheurs aveugles. Plus rien d’autre que le blanc sans fin ne se distingue. Et les vrais héros de la course se manifestent. Son leader, Monsieur X, « le meilleur chien que j’aie jamais eu », retrouve le chemin et mène toute une équipe jusqu’au terme du voyage, à Nome.

Le repos du guerrier et le rêve de demain

De cette aventure, ici trop vite résumée, Marcelle porte les traces d’une grande confiance et d’une certaine fatigue aussi. D’une envie inavouée de repartir l’année prochaine, pour une nouvelle communion secrète avec sa meute. D’une envie d’écrire un nouveau livre sans doute… C’est tout le mal que l’on peut lui souhaiter.

Marcelle a retrouvé son équipe au ranch d’Alayuk qui a suivi de près son parcours. Jade, son assistante sur la course, s’est bien occupée des chiens laissés aux étapes et ces derniers retrouvent leurs amis restés au chenil. Marcelle goûte un repos mérité et s’endort au soir, rassasiée d’émotions, en laissant courir dans sa mémoire sa meute fidèle, dans le silence blanc de la nuit d’Alaska.