Il y a un an, une partie de l’âme de la municipalité de Keno était la proie des flammes. Dans la soirée du 11 décembre 2020, l’hôtel de Keno a été réduit en cendres et les rêves du propriétaire Léo Martel se sont envolés en fumée. Un an après, le choc est encore brutal.
« Pour moi, c’était comme mourir et voir qui vient à ton enterrement. » Au téléphone, la voix de Léo Martel est triste, résignée. Le 11 décembre 2020, l’hôtel dans lequel il a investi près de 15 ans de sa vie a été ravagé par les flammes.
Un an après, tout ce qui reste de ce mythique hôtel mis sur pied dans les années 1920 est un petit chemin en planches de bois et quelques tables hautes calcinées.
« Depuis le feu, tous les jours, c’est difficile, affirme Léo Martel en soupirant. Ça a été une année extrêmement difficile. Ce jour-là, j’ai perdu mes rêves en plus de tout perdre financièrement. »
L’homme de 70 ans a déménagé depuis et réside désormais à Mayo, à une soixantaine de kilomètres au sud. Continuer de vivre à Keno et de voir quotidiennement le terrain sur lequel sa plus grande fierté a été réduite en cendres était trop difficile : « C’est comme un trou dans mon cœur », explique-t-il.
La cause de l’incendie fait toujours l’objet d’une enquête. Reconstruire la bâtisse n’a jamais été une option pour Léo Martel, qui affirme que les coûts d’un tel projet seraient astronomiques. « J’espère qu’un jour je vais être capable de me relever de ça. Pour le moment, c’est trop récent pour passer à travers », soutient l’ancien propriétaire.
« Je n’aurais pas pu survivre sans ça »
Bonnie Lynch marche tous les jours devant l’hôtel de Keno, une façon pour elle de faire son deuil. Celle qui était gérante de l’hôtel depuis l’arrivée de Léo Martel en 2007 est désormais à la retraite. Elle affirme que l’appui de la communauté lui a apporté la force nécessaire pour se relever.
En effet, le tragique événement a fortement ébranlé la communauté composée d’une vingtaine de personnes, qui s’est sitôt serré les coudes. Une collecte de fonds GoFundMe a permis d’amasser plus de 27 000 dollars et les messages de condoléances affluaient sur la page Facebook de l’hôtel dans les jours suivant l’incendie.
Si Léo Martel a été surpris par la vague de soutien, celle-ci l’a aussi rendu fier : « C’est en plein ce que je voulais, que le monde qui venait à l’hôtel se sente bien et ait du plaisir. Maintenant, ça nous revient. Je veux remercier tout le monde du fond du cœur pour tout le soutien que j’ai reçu. Je n’aurais pas pu survivre sans ça », ajoute-t-il.
Faire vivre l’hôtel par les arts
Les hommages à l’établissement où il faisait bon manger, danser et dormir ne tarissent pas, même un an après la fermeture. L’auteur-compositeur-interprète Gordie Tentrees était de passage à l’hôtel chaque année depuis qu’il y a organisé sa réception de mariage, et il n’a pas dérogé à son habitude en 2021.
Cet été, il est venu chanter quelques chansons devant une vingtaine de personnes sur le chemin en planches de bois. « Même sans l’hôtel, ce fut un de nos week-ends préférés à vie. Nous sommes si reconnaissants d’avoir cet endroit spécial », a-t-il écrit sur Instagram la journée du concert. Un événement touchant et unique qui capturait bien l’esprit de l’hôtel de Keno, se remémore Bonnie Lynch.
Gordie Tentrees a également consacré la pochette de son plus récent album Mean Old World, sorti en septembre 2021, à l’hôtel de Keno. On y voit la fameuse devanture rouge de la bâtisse sur l’illustration réalisée par Monika Melnychuk.
Pour leur part, Scott Maynard et Sam Gallagher ont composé une chanson en hommage à l’établissement de Léo Martel. Le duo devait interpréter la chanson le 15 décembre prochain, mais le concert a été remis en 2022.
« L’édifice n’est plus, seuls restent les souvenirs vécus », chante d’ailleurs Sam Gallagher. Et par les arts et la mémoire collective d’une communauté tissée serrée, ces souvenirs ne seront pas oubliés de sitôt.