Laurie Trottier
Dans la nuit du 13 avril dernier, au moins 151 personnes n’avaient pas de chez-soi, et 85 % de celles-ci étaient autochtones. Des chiffres qui restent fidèles aux résultats obtenus lors des deux derniers dénombrements effectués par la Coalition anti-pauvreté, Safe-at-Home et leurs partenaires.
Le 13 avril dernier, des bénévoles ont arpenté les rues de Whitehorse et les organismes d’aide aux personnes sans-abri pour tenter de chiffrer l’itinérance dans la capitale du Yukon. Appelé « point in time », le dénombrement est réalisé au moyen de sondages, effectués sur une période de 24 heures. Les résultats permettent d’obtenir une sorte de « photographie » de l’état des lieux.
Ce processus, réalisé dans plusieurs autres endroits au Canada, est habituellement mis en place tous les deux ans, mais le dernier dénombrement remonte à 2018 au territoire, pandémie oblige. Cette année-là, 195 répondant.e.s avaient affirmé n’avoir aucun logis. « Ça aide à obtenir un aperçu de combien de personnes, à une date fixe, se retrouvent en situation d’itinérance », explique Kate Mechan, directrice de Safe-at-Home, un organisme qui vise l’élimination et la prévention du sans-abrisme.
Elle et ses partenaires soulignent qu’il faut rester prudent.e.s lorsque l’on compare les données, puisque le contexte évolue rapidement, année après année. De plus, il faut se rappeler que les données « sont plus que des chiffres – ce sont des gens et des familles avec des histoires à raconter et des expériences qui doivent contribuer aux solutions développées pour lutter contre l’itinérance », insiste Maury Fraser, membre du conseil consultatif communautaire de Vers un chez-soi. Il s’agit d’un programme canadien de lutte contre l’itinérance qui alloue des fonds aux communautés éloignées.
Lors du décompte d’avril dernier, 44 % des personnes sondées ayant affirmé être en situation d’itinérance se définissaient comme des femmes, une augmentation de 5 % en comparaison aux chiffres de 2018. « Ça peut être parce que nous réussissons à mieux les approcher, ou parce que les femmes sont de plus en plus enclines à accéder aux services de soutien ou parce qu’il y a tout simplement plus de femmes en situation d’itinérance », évoque Kate Mechan.
L’abordabilité et la discrimination érigent des murs
Sans surprise, le prix des loyers mine le plus souvent l’accès au logement des répondant.e.s au sondage. Or, les méfaits de la discrimination se retrouvent aussi au cœur des expériences de près d’une trentaine de ces personnes, constituant même la deuxième réponse la plus citée : « C’est un rappel constant, selon moi, que nous avons beaucoup de travail à faire au sein de la communauté pour que tout le monde se sente en sécurité et accueilli.e », ajoute la directrice de Safe-at-Home, officiellement créé en novembre 2019.
Un travail d’introspection doit aussi être réalisé par l’ensemble du réseau des services communautaires et sociaux, selon Kate Mechan, pour faire en sorte de mieux desservir la population autochtone : « Il y a encore une séparation. […] Les services sont encore trop souvent à l’occidental et coloniaux, même si certains ne le sont pas intentionnellement. Le système actuel n’est pas construit pour bien répondre aux besoins des Premières Nations. […] Pour moi, cela revient à être plus à l’écoute, prendre un pas de recul et faire de la place aux témoignages des Premières Nations », ajoute-t-elle.
Offrir un hébergement sécuritaire et approprié constitue un des piliers de la stratégie yukonnaise visant à lutter contre la violence faite aux femmes, aux filles et aux personnes bispirituelles+ autochtones, publiée en décembre dernier.
IJL – Réseau.Presse – L’Aurore boréale