Il n’y a pas qu’aux Jeux olympiques que des records ont été battus cet été. En termes d’extrêmes climatiques, la période estivale 2021 aura été tristement célèbre. Inattendu, ce bouleversement? D’après les scientifiques, il s’agirait d’une tendance plus lourde, grandement attribuable aux changements climatiques et à l’activité humaine.
29 juillet 2021 : « jour du dépassement », soit la journée où l’humanité a épuisé ses ressources naturelles annuelles disponibles. Quelques jours plus tard, juillet 2021 devient le mois le plus chaud jamais enregistré sur la planète depuis que de telles données sont compilées, soit depuis 142 ans, selon l’Agence nationale océanique et atmosphérique américaine.
29 juin 2021 : le Canada enregistre sa plus haute température jamais atteinte, soit 49,5 degrés Celsius à Lytton, en Colombie-Britannique, alors que les flammes des feux de forêt ravageaient la province.
Le Yukon n’a pas été épargné. 22 juillet 2021 : la communauté nordique d’Old Crow pulvérise ses records de chaleur, alors que le mercure grimpe à 29,7 degrés Celsius. En date du 20 août 2021, au territoire, 103 134 hectares de forêt ont été brûlés par 112 feux de forêt, selon la Section de gestion des feux de forêt du gouvernement yukonnais. Ce serait sept fois plus d’hectares réduits en cendres que l’été dernier, qui avait été relativement calme à ce niveau-là, en raison de fortes précipitations de pluie.
D’un extrême à l’autre
« Pourtant, l’été 2020 était froid et pluvieux. Nous battions des records de jours sous les 20 degrés Celsius. Nous allons d’un extrême à l’autre », explique Brian Horton, directeur de la recherche sur les changements climatiques du Centre de recherche de l’Université du Yukon. Les propos du chercheur sont sans équivoque : « La chaleur intense est l’un des événements pour lequel les analyses ont montré que cela n’aurait pas pu arriver sans les changements climatiques. »
Benoît Turcotte, professionnel des recherches senior au Centre de recherche de l’Université du Yukon, est du même avis : « La signature des changements climatiques est très distincte. » Pendant que certains cours d’eau étaient à leur plus bas, tels que la rivière Porcupine, d’autres comme les lacs Marsh, Bennett, Tagish et Laberge, soit le bassin versant du fleuve Yukon, ont dépassé les niveaux des inondations de 2007. « On avait eu beaucoup de neige et de pluie et là on a des records en termes de niveaux de l’eau élevés. Ça a été causé par un printemps un peu pluvieux et une fonde rapide de la neige », explique-t-il.
Les deux chercheurs ne sont donc pas surpris de la tournure des événements climatiques de cette année. Aurait-on pu mieux les prévoir? La réponse est mitigée. « Ce que nous savons, c’est que la tendance est à une hausse des températures dans les 20 prochaines années. La projection la plus fiable [à court terme), c’est la variabilité », ajoute Brian Horton. Au printemps dernier, Benoît Turcotte avait énoncé la possibilité d’inondations dans les lacs du Sud. « Pour moi, ce n’était pas une surprise », déclare-t-il. Selon lui, il demeure toutefois important de continuer à adapter les modèles de prévisions pour améliorer leur performance.
L’activité humaine comme responsable
Dans son dernier rapport sur l’ampleur des changements climatiques publié le 9 août dernier, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) va plus loin que jamais : « L’influence de l’activité humaine sur le réchauffement climatique a migré de la théorie à un fait établi. » Il affirme également qu’un « changement climatique généralisé et rapide, d’intensité croissante » est déjà en branle.
Brian Horton se réjouit de voir le GIEC adopter une position de plus en plus ferme. Il évoque l’ampleur des conséquences que les changements climatiques auront dans le Nord : « Le message concernant l’Arctique est très inquiétant. Il est clair que les changements arrivent plus vite ici et que davantage de changements sont prévus pour les régions polaires. Cela nous laisse moins de temps pour nous préparer et comprendre ce qui s’en vient », décrit-il.
L’adaptation au cœur des priorités
Pour Benoît Turcotte, il est clair que les événements comme ceux survenus cet été au Yukon appellent à une meilleure adaptation du territoire : « Il faut un plan B et un plan C, et qu’ils ne soient pas au fond d’un tiroir, mais sur le babillard. »
Le premier rapport de la stratégie Notre avenir propre, développée par le gouvernement du Yukon et ses partenaires pour répondre à l’urgence climatique, a été rendu public quatre jours après la publication du rapport du GIEC.
Selon la directrice du Secrétariat des changements climatiques, Rebecca Turpin, le document va assez loin. Récemment, la barre a été levée au Yukon, pour réduire les gaz à effets de serre de 45 % plutôt que 30 % d’ici 2030 par rapport à leur niveau de 2005.
Deux actions restent toujours à compléter d’ici la fin de 2021, mais Rebecca Turpin demeure confiante. Elle comprend l’urgence d’adapter le territoire : « On est en train de compléter un rapport qui va démontrer tous les risques au Yukon en général. La phase deux sera de découvrir où sont les lacunes et où il faut se concentrer pour que les Yukonnais.e.s soient plus capables de s’adapter aux changements climatiques. » Ce rapport devrait être disponible d’ici la fin de l’année.