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le Jeudi 3 juin 2021 5:43 Scène locale

Gel des loyers : des avis partagés

Selon Félix Robitaille, la mesure pourrait « nuire aux gens à faible revenu parce qu’ils auront plus de chances de se faire évincer par les propriétaires », puisque ceux-ci seront tentés de relouer leurs unités à un prix plus élevé. Photo : Laurie Trottier
Selon Félix Robitaille, la mesure pourrait « nuire aux gens à faible revenu parce qu’ils auront plus de chances de se faire évincer par les propriétaires », puisque ceux-ci seront tentés de relouer leurs unités à un prix plus élevé. Photo : Laurie Trottier

Le 15 mai dernier, l’augmentation des loyers résidentiels a été indexée sur l’inflation. Adoptée sans consultation, la mesure est un soulagement pour certain.e.s et un casse-tête pour d’autres.

Selon Félix Robitaille, la mesure pourrait « nuire aux gens à faible revenu parce qu’ils auront plus de chances de se faire évincer par les propriétaires », puisque ceux-ci seront tentés de relouer leurs unités à un prix plus élevé. Photo : Laurie Trottier

 

Dorénavant, le loyer d’un logement ne pourra être augmenté au-delà du taux d’indexation, selon la nouvelle mesure temporaire mise en place par le Parti libéral. L’augmentation annuelle maximale sera calculée par le Bureau des statistiques du Yukon et correspondra à l’indice des prix à la consommation (IPC). Pour l’instant, cela équivaut à une hausse maximale de 1 %, jusqu’en mai 2022. Cette modification réglementaire s’inscrivait au cœur de la plateforme électorale du Nouveau parti démocratique du Yukon (NPD) et a été incluse dans l’entente signée avec les libéraux. Ce genre de mesure existe ailleurs au pays, notamment au Québec et en Ontario, mais son arrivée au territoire ne fait pas l’unanimité.

« Ce n’est pas une mesure éthique », déplore Félix Robitaille, en secouant la tête. Celui qui est à la fois agent immobilier et propriétaire d’unités de logement estime que la politique est un « bric-à-brac » et qu’elle manque de clarté. Une critique que le Parti du Yukon a aussi adressée au Parti libéral du Yukon. Le chef Currie Dixon a souligné le manque de consultation et l’absence de réel débat sur la question, et a lancé son propre processus de consultation territoriale qui se conclura le 4 juin. Pour Kate White, leader du NPD, cette indexation amènera « une mesure de prévisibilité pour les locateurs et locataires », en plus de permettre à ces derniers de souffler, avant la construction de logements abordables.

Que faire si la règle est enfreinte?

« Avant cela, il n’y avait aucune limite à l’augmentation des loyers », souligne Jaime Mellott, du Bureau de la location résidentielle. L’organisation offrant des renseignements sur les droits des locataires, en plus de servir d’instance de règlement des différends, a ajouté une foule d’informations sur le sujet sur son site Internet.

On suggère aux locataires qui voient leur loyer bondir au-delà du taux d’indexation de présenter une demande afin de contester la hausse « dans les dix jours suivant le début de la nouvelle convention de location ». Selon Julie Croquison, agente de projets justice et formation à l’Association franco-yukonnaise, il est aussi possible de téléphoner au Barreau du Yukon afin de demander l’aide d’un.e avocat.e. Une liste de professionnel.le.s francophones est disponible.

Malgré les inquiétudes qui règnent, les locataires ne choisissent pas toujours de contester les agissements de leurs propriétaires. Une personne qui préfère garder l’anonymat a mentionné à l’Aurore boréale son choix de garder le silence après avoir vu son loyer augmenter après le 15 mai. Cette personne est pourtant en accord avec la nouvelle mesure. « On se trouve dans une situation délicate parce qu’on sait que notre propriétaire fait quelque chose d’illégal, mais on fait profil bas parce qu’on n’a pas envie de chercher un autre appartement, explique cette personne. Avec la crise du logement à Whitehorse, ce n’est pas une décision que tu prends à la légère. »

Selon Félix Robitaille, agent immobilier depuis six ans au Yukon, ce sera une réalité : les propriétaires malhonnêtes « vont toujours trouver des façons de court-circuiter le système ».

Vers des logements plus abordables?

Pour le ministre des Services aux collectivités Richard Mostyn, cette indexation fait écho au désir du gouvernement d’assurer la stabilité et l’abordabilité du logement au territoire. Mais selon Félix Robitaille, « on ne règle pas une crise du logement en s’en prenant à des propriétaires privés qui essaient seulement de gagner leur croûte. » S’il reconnaît que l’objectif de la mesure est noble, il tient à mentionner que le marché locatif est une « pieuvre » et qu’un changement a des conséquences sur plusieurs autres composantes.

Sur la page Facebook du NPD, on assure que plusieurs locateurs sont d’accord avec ce gel, et que celui-ci vise principalement à empêcher les augmentations de loyer qui seraient abusives. D’autres mesures pour pallier la crise du logement seront annoncées dans les prochains mois. À ce sujet, le Fonds pour les initiatives a annoncé le 26 mai dernier le financement de la construction de 102 nouveaux logements à prix abordable à Dawson, Teslin, Watson Lake, Lac Laberge et Whitehorse.

IJL – Réseau.Presse l’Aurore boréale