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le Jeudi 25 mars 2021 1:21 Scène locale

La fin des frais de garderie inabordables

Céline Yergeau est la propriétaire de la garderie en milieu familial Les petits anges de Céline. Selon elle, ce financement est « une bonne nouvelle sur toute la ligne ». Photo : Laurie Trottier
Céline Yergeau est la propriétaire de la garderie en milieu familial Les petits anges de Céline. Selon elle, ce financement est « une bonne nouvelle sur toute la ligne ». Photo : Laurie Trottier

Après des années de consultation, le gouvernement du Yukon avance vers un programme de garderie universelle au territoire. Dès le 1er avril, le financement prévu permettra aux parents d’économiser jusqu’à 700 $ par enfant et aux garderies d’augmenter le salaire de leurs éducatrices et éducateurs.

Céline Yergeau est la propriétaire de la garderie en milieu familial Les petits anges de Céline. Selon elle, ce financement est « une bonne nouvelle sur toute la ligne ». Photo : Laurie Trottier

 

Pour tout enfant inscrit à temps plein dans une garderie ayant adhéré à ce nouveau programme de financement, les parents pourront économiser jusqu’à 700 $ par mois, un investissement d’environ 15 millions de dollars annoncé par le gouvernement du Yukon au début du mois de mars. L’exemple simplifié du gouvernement annoncé dans le communiqué de presse permet de saisir les grandes lignes du financement : si une famille payait 850 $ par mois pour une place en garderie, elle pourrait désormais s’attendre à débourser environ 150 $. Le montant réel dépendra cependant des nouveaux frais propres à chaque garderie, ajustés en fonction de la hausse salariale des employé.es.

Les ajustements, voilà d’ailleurs un des défis pour les établissements de garderies : en pleine fin d’année fiscale, elles doivent vite retourner à la planche à dessin. « Tout doit être prêt pour le 1er avril, alors c’est très essoufflant. Il a fallu qu’on refasse notre budget, nos ajustements dans le système informatique et nos prévisions d’entrée d’enfants pour le mois d’août. C’est beaucoup de travail, mais en même temps, on ne pouvait pas laisser ça passer », souligne Jocelyne Isabelle, directrice de la Garderie du petit cheval blanc, qui n’a pas hésité à adhérer au programme.

Un financement qui répond aux attentes

« Financièrement, c’est une bonne nouvelle sur toute la ligne », affirme Céline Yergeau, propriétaire de garderie en milieu familial Les petits anges de Céline. En plus du tarif réduit aux parents, le financement lui permet d’offrir un troisième quart de travail à son assistante en milieu de travail.

« C’est une excellente nouvelle : les parents vont payer des frais de garde beaucoup moins élevés tout en gardant l’excellence des services qu’on offre », se réjouit Jocelyne Isabelle. Pour ses éducatrices de niveau 3, on parle d’une augmentation de 5 $ de l’heure. Si le financement ne vise pas à engager du personnel, il pourra en revanche contribuer à le retenir, selon la directrice : « Souvent, nos éducatrices partent en cours de route puisqu’elles se trouvent un endroit plus payant, par exemple dans une école. »

Pour Ketsia Houde-McLennan, présidente de la Garderie du petit cheval blanc, cette annonce est la concrétisation d’efforts conjoints des garderies depuis plusieurs années : « Bravo à ceux et celles qui luttent, je suis vraiment contente de voir la subvention des salaires qui va permettre d’avoir des éducatrices qualifiées et compétentes à un bon salaire. »

À partir du 1er avril, la section de la garde des jeunes enfants, qui jusqu’alors était sous le ministère de la Santé et des Affaires sociales, migrera vers le ministère de l’Éducation. Pour Mme Houde-McLennan, c’est aussi une manière de souligner l’apport du travail des éducatrices : « C’est une reconnaissance que le service qui est offert, c’est de l’éducation, et non du gardiennage », ajoute-t-elle.

Augmentation de la demande à prévoir

Mme Houde-McLennan, également directrice de la maison de transition pour femmes de Whitehorse, établit aussi le parallèle entre les tarifs en garderie plus bas et l’accessibilité des familles, en particulier des femmes, au marché du travail. Puisque les services de garderie seront accessibles à un plus grand nombre, Céline Yergeau et Jocelyne Isabelle s’attendent toutes les deux à voir une augmentation du nombre d’enfants à temps plein. « Le temps plein devient plus rentable pour les familles, et ça va faciliter la gestion des garderies aussi », explique Céline Yergeau, éducatrice à la petite enfance au territoire depuis 2003. Plus encore, les directrices des deux garderies francophones s’accordent à dire que ce financement amènera de nouveaux clients pour les garderies, déjà combles. Dans une lettre adressée à différentes personnes responsables, le 16 mars dernier, Céline Yergeau déplore le fait que « les demandes pour une place en garderie sont saturées », et ajoute qu’il deviendra important de « trouver une stratégie ».

Cette possible hausse de la demande a été envisagée par le gouvernement : « On est au courant qu’il va y avoir une augmentation de la demande, donc on va travailler très rapidement sur l’accessibilité des places et sur la qualité, en plus de revoir les certifications et le soutien qu’on veut mettre en place », explique Julie Ménard, analyste des communications au ministère de la Santé et des Affaires sociales du Yukon.

La reconnaissance des diplômes comme cheval de bataille

La nécessité de reconnaitre les diplômes des éducatrices de la petite enfance est une demande qui a été adressée à maintes reprises par les garderies et services de garde du territoire : « Présentement, on y va au cas par cas, ce n’est pas bien fait et ce n’est pas fait de façon juste. Ça fait que les éducatrices ne sont pas payées au niveau qu’elles méritent. C’est le morceau qui manque », soutient Ketsia Houde-McLennan. La Garderie du petit cheval blanc, qui compte d’ailleurs beaucoup sur l’embauche à l’international, fait régulièrement face à ce défi.

Au niveau national, Céline Yergeau explique avoir déjà formulé la demande d’unifier la formation en petite enfance à travers le Canada pour faciliter la reconnaissance des acquis. Jocelyne Isabelle aimerait qu’ une offre de formation en français au Yukon soit disponible : « En ce moment, il n’y en a pas, mais on sait que ça s’en vient. » Elle se dit satisfaite des échanges avec le gouvernement et des consultations qui ont mené au financement, même si le mois de mars ne sera pas de tout repos.