Le 20 janvier 2021, jour de son investiture, le président des États-Unis Joe Biden et sa nouvelle administration ont mis en place un moratoire temporaire sur l’exploitation pétrolière et gazière dans le Refuge arctique. Au cœur d’un long conflit entre le peuple gwich’in et la précédente administration Trump qui avait autorisé l’ouverture de cette zone au développement pétrolier, le devenir de l’Arctic National Wildlife Refuge (ANWR) est pour le moment en suspens.

Le 20 janvier 2021, jour de son investiture, le président des États-Unis Joe Biden et sa nouvelle administration ont mis en place un moratoire temporaire sur l’exploitation pétrolière et gazière dans le Refuge arctique. Au cœur d’un long conflit entre le peuple gwich’in et la précédente administration Trump qui avait autorisé l’ouverture de cette zone au développement pétrolier, le devenir de l’Arctic National Wildlife Refuge (ANWR) est pour le moment en suspens. Photo fournie.
Le secrétaire à l’Intérieur a donc imposé une évaluation de toutes les activités du gouvernement fédéral relatives à la mise en œuvre du programme de location de pétrole et de gaz des plaines côtières dans l’ANWR pour une durée de 60 jours.
Cette décision a été saluée unanimement par le peuple gwich’in d’Alaska et du Canada. Le chef de la Première Nation des Gwitchin Vuntut au Yukon, Dana Tizya-Tramm, voit dans cette prise de position un soutien envers son peuple. Cependant, il indique, dans un communiqué de presse du 20 janvier 2021, qu’il y a encore du travail à accomplir et qu’il se poursuivra « tant que nos terres sacrées ne seront pas protégées de façon permanente ».
Grand chef du Conseil tribal gwich’in, Ken Smith estime que Joe Biden a entendu leurs revendications et c’est, selon lui, la chose la plus importante. La partie n’est pas gagnée pour autant, ajoute-t-il, et le moratoire lui apporte seulement un sentiment de soulagement : « Cela fait 30 ans que nous nous battons et nous nous battrons 30 ans de plus s’il le faut. »
Pour la coordinatrice des programmes arctiques au Centre environnemental du nord de l’Alaska (NAEC), Emily Sullivan, la mise en place de ce moratoire était très attendue : « Cette administration a maintenant l’occasion de promulguer des politiques durables qui honorent les droits de la personne, le rôle de gardien du territoire des peuples autochtones, l’intégrité scientifique et un avenir énergétique juste et durable. Nous espérons que cette décision n’est que le début [d’un nouveau processus]. »
Par voie de communiqué de presse du 22 janvier 2021, Pauline Frost, ministre de l’Environnement au sein du gouvernement du Yukon et membre de la Première Nation des Gwitchin Vuntut, reconnait que l’imposition du moratoire est un pas dans la bonne direction pour la protection de la réserve faunique nationale de l’Arctique.
Opposé au projet de développement depuis plusieurs années, le gouvernement avait présenté ses propres analyses scientifiques qui démontreraient la vulnérabilité du Refuge arctique. « Avec les autres parties à l’Entente sur la gestion de la harde de caribous de la Porcupine, nous sommes intervenus et avons décrié le manque d’attention consacrée aux effets sur l’environnement prouvés scientifiquement chaque fois que nous en avons eu l’occasion tout au long du processus réglementaire, dit-elle. Ce décret présidentiel, qui envoie un signal qui correspond à nos valeurs et à notre volonté de prendre des décisions informées et basées sur la science, insuffle optimisme et enthousiasme à nos efforts. »
L’Alaska opposé à l’administration Biden
Lors de la vente virtuelle de baux, le 6 janvier 2021, la majorité des offres ont émané de l’Autorité de développement industriel et d’exportation de l’Alaska, une société publique de l’État de l’Alaska. Le moratoire qui impose une suspension de toutes les activités dans la région représente un sérieux revers pour cet état républicain.
Pour la directrice du centre d’études des politiques arctiques à l’université d’Alaska à Fairbanks, Amy Lauren Lovecraft, « il va y avoir de nombreuses discussions entre le gouverneur de l’Alaska, le représentant au Congrès et les sénateurs pour l’Alaska d’un côté et le bureau du Président de l’autre. Pour l’état de l’Alaska, ce moratoire est un énorme problème. »
Le jour de l’investiture de Joe Biden, le sénateur Dan Sullivan a déclaré sur Twitter qu’il était prêt à travailler avec la nouvelle administration, mais qu’il était inquiet : « Les décrets qu’il a signés visant l’Alaska me préoccupent beaucoup. J’espère que le président Biden finira par comprendre que l’Amérique ne lui a pas donné le mandat de supprimer les emplois bien rémunérés et de blesser les familles qui travaillent dur à travers notre pays. »
Si le moratoire a permis la suspension de toute activité dans le Refuge arctique, il ne crée cependant pas de nouvelle occasion pour le peuple gwich’in de faire entendre ses griefs. En revanche, de nouvelles avenues pourraient être demandées par les membres du Congrès ralliés à la cause des Gwich’in. « Je pense que certains des membres du Congrès vont solliciter des audiences publiques et de nouveaux témoignages afin que les peuples autochtones gwich’in et inupiat s’expriment. Ce sont des possibilités que l’on peut envisager », analyse Mme Lovecraft.
L’impuissance des Nations Unies
Le 7 août 2020, le Haut-Commissariat aux droits de l’homme des Nations Unies avait été informé, par le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale, que le peuple gwich’in d’Alaska n’avait pas été consulté et n’avait donc pas pu donner son consentement préalable, libre et éclairé à l’exploration pétrolière. Ce signalement aura peu d’impact selon Mme Lovecraft, car les Nations Unies n’ont pas la capacité de changer les choses. À l’heure actuelle, l’avenir du Refuge arctique est incertain et personne ne sait vraiment si une entente sera trouvée entre Washington et l’Alaska.
Articles de l’Arctique est une collaboration des cinq médias francophones des territoires : les journaux L’Aquilon, l’Aurore boréale, et Le Nunavoix ainsi que les radios CFRT et Radio Taïga