Depuis plus de six ans, le café Alchemy s’était fait une place dans la vie sociale, culinaire, communautaire, économique et culturelle de Dawson. En pleine pandémie, le café change de mains, mais l’aventure de son créateur, Florian Boulais, n’a pas fini de créer de la magie dans l’air.
Tel le personnage du livre de Paulo Coelho, Florian Boulais suit les signes du destin, écoute son cœur et surtout, compte bien aller jusqu’au bout de ses rêves. Le trésor qui fonde la raison de son cheminement n’est pas, pour lui non plus, sous une forme matérielle, mais plutôt sur un concept : apporter plus de conscience collective et une voie de résilience pour notre société.
Alchimiste du Grand Nord
L’idée de créer un café à vocation communautaire est née dans la tête de Florian Boulais il y a une quinzaine d’années. Ingénieur de formation et originaire de l’est de la France, il arrive à Dawson en pleine période de remise en question personnelle. Il y découvre un sens de la vie qui le fait réfléchir sur un autre système de fonctionnement de la société.
Il pense dès lors à créer un lieu qui servira la communauté. « Le Nord semble de plus en plus dépendant du Sud. L’espace grandit énormément, j’ai voulu créer un lieu qui permet de recréer un sens de la communauté, de façon fondamentale », explique-t-il.
Il lui faudra quatre ans pour construire de ses propres mains le bâtiment en bois rond qui accueillera le café, mais également un lieu d’hébergement. « La vie, c’est ici et maintenant. Il ne s’agit plus de mettre de côté, comme on nous apprend à l’école, pour plus tard, pour la retraite. J’ai pris tous mes sous et j’ai construit ce qui me semblait essentiel : faire advenir aujourd’hui ce que j’aimerais voir dans le monde », expliquait-il pour un article de l’Aurore boréale en 2015, deux ans après l’ouverture du café où la nourriture saine et l’équilibre de la collectivité étaient primordiaux.
À l’automne 2019, Florian Boulais entame un nouveau projet et met en vente le café de Dawson. Puisque le café Alchemy lui a permis de « connecter » les gens, son objectif devient alors de « connecter » plus de monde, et cette fois, à Whitehorse. Une fois encore, il prévoit de s’investir corps et âme. « Je suis prêt à y mettre de nouveau tout mon temps, toutes mes ressources et tout mon savoir », ajoute-t-il.
La pandémie qui confirme ses réflexions
« Si un économiste avait créé le corps humain, il n’aurait qu’un seul œil, qu’un seul poumon… et tout serait hypothéqué. Au contraire de la sagesse millénaire de la nature, depuis les 50 dernières années notre société s’est basée sur le plus de profit, d’efficacité et le plus de croissance possibles », explique-t-il. « Puisque tous les systèmes sont créés pour encourager ces objectifs, tout ce qui est superflu est éliminé et tout est interconnecté. Somme toute, pas de plan B. C’est ce qui fait la fragilité de notre système. On le voit clairement en ce moment où des milliards de personnes sont en situation précaire. »
L’idée de son concept d’Alchemy se base sur une pensée alternative. « On peut utiliser les systèmes (électricité, Internet et pétrole qui viennent de très loin parfois) qui nous permettent de savourer la vie, mais sans oublier que nos ressources locales sont les plus fiables et que nos petites entreprises et notre communauté sont fondamentales pour notre sécurité et notre bien être. J’ai choisi de m’investir à Whitehorse pour créer plus de conscience, plus de résilience. »
Pour lui, c’est là que l’alchimie s’opère : créer plus que la somme des ingrédients. Un « tout » plus grand, plus collectif et surtout, plus fort.
Pour le moment, le lieu convoité pour un nouvel établissement dans la capitale territoriale n’est pas confirmé. « Nous avons un lieu en vue, mais nous en sommes à l’étude de la faisabilité. » Pour ce projet, son objectif est de créer un lieu qui répondra à un besoin déjà présent. « Les gens sont déjà de plus en plus conscients de l’aspect local. On veut créer un lieu où cette philosophie sera “cool”, en plein centre, et non pas en marge de la société. »
En cette période où les systèmes financiers sont en suspens, la vente même du café de Dawson a pris du retard de plusieurs mois, avec un impact certain sur les projets de l’éco-entrepreneur.
Changement de nom pour le café de Dawson
À Dawson, le café changera bientôt de nom pour devenir Bonton et Company. Repris par des résidents de Dawson, il offrira une gamme de produits plus large qui inclura notamment la vente d’alcool ainsi que des charcuteries fabriquées maison. « Shelby Jordan a été en Europe pour étudier la fabrication des charcuteries, et Denis Dun a une grande expérience en tant que manager à différents endroits à Dawson », explique M. Boulais au sujet des nouveaux propriétaires.
Les concepts d’économie et de production locales resteront donc au cœur de l’établissement, après la transition.
Pour ce qui est d’un café Alchemy à Whitehorse, il faudra rester à l’affût puisqu’en ce moment où la restauration subit beaucoup de contraintes, les termes « patience et longueur de temps » prennent une toute nouvelle ampleur.