le Mardi 14 janvier 2025
le Mardi 14 avril 2020 20:48 Scène locale

Une victoire marquante pour la communauté franco-yukonnaise

La construction de l’école secondaire francophone a constitué la pierre angulaire de cette nouvelle entente.
Photo fournie
La construction de l’école secondaire francophone a constitué la pierre angulaire de cette nouvelle entente. Photo fournie

Une entente de règlement entre la Commission scolaire francophone du Yukon (CSFY) et le gouvernement territorial marque la fin d’une longue lutte. Cette entente touche l’éducation en français de la programmation scolaire, la gestion du personnel et des bâtiments et les rôles du territoire et de la CSFY.

La construction de l’école secondaire francophone a constitué la pierre angulaire de cette nouvelle entente.
Photo fournie

 

Le chapitre sur les questions demeurées en litige à la suite du procès intenté en 2009 par la CSFY sur les obligations du gouvernement du Yukon, aux termes de l’article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés, vient de prendre fin. Les deux entités se sont entendues pour clarifier les rôles et les responsabilités de chacun en ce qui concerne la gestion de l’éducation en français langue première dans le territoire quant aux droits à l’instruction dans la langue de la minorité. Il s’agit d’une victoire marquante pour la communauté franco-yukonnaise.

« Cette décision crée un précédent pour toutes les petites communautés francophones en milieu minoritaire au Canada », confie maître Roger Lepage qui a représenté la CSFY dans cette affaire. « Ça montre que si les parents et les conseils scolaires s’organisent, bien ils arrivent à avoir un poids important. »

Une négociation à plusieurs volets

La construction d’une école secondaire francophone sur le campus de Riverdale à Whitehorse aura été un des points majeurs des discussions. « C’était une négociation complexe, car il y avait en jeu la construction de la nouvelle école qui constituait la pierre angulaire de cette démarche légale », explique Jean-Sébastien Blais, président de la CSFY. « La construction qu’on ne pouvait pas vraiment retarder est d’ailleurs presque complétée », souligne M. Blais.

Précisons que cet accord permettra aux trois écoles du campus de Riverdale d’optimiser, ensemble, l’utilisation des installations, notamment les espaces extérieurs et l’aile de formation technique.

L’entente comprend également les rôles et les responsabilités des commissaires au conseil de la CSFY. Il touche aussi les ressources humaines, y compris le personnel enseignant dans les écoles francophones du Yukon, ainsi que les rôles et les responsabilités en matière de gestion immobilière des écoles francophones. Finalement, la CSFY pourra désormais jouer un rôle clé dans la façon dont l’enveloppe budgétaire reçue des ententes bilatérales du Programme des langues officielles dans l’enseignement sera dépensée. « Il y aura une reddition des comptes dans cet accord et plus de transparence », précise M. Blais.

Jean-Sébastien Blais, président de la CSFY se réjouit de cette nouvelle entente avec le gouvernement du Yukon.
Photo : fournie

 

 

Les communications avec le gouvernement du Yukon pourront dorénavant se faire en français et le gain d’un poste à temps partiel en ressources humaines permettra de réduire considérablement le temps d’attente des communications entre les deux entités.

Précisons que les écoles et les terrains sur lesquels elles sont situées demeurent la propriété du gouvernement territorial. Ce sera la CSFY qui sera responsable des décisions concernant les rénovations mineures à y apporter.

Le statut du corps enseignant

Ce nouvel accord permettra à la CSFY de jouer également un rôle accru sur le plan de l’embauche du personnel, dans les évaluations ou dans des cas de congédiements. « Pour des questions de logistique, les professeurs vont demeurer des employés du gouvernement du Yukon. Il n’y aura donc pas d’impact sur les conventions collectives », confirme M. Blais.

Un dossier porté par toute une communauté

Il faut rappeler que ce parcours a débuté officiellement en 2002, avec le Partenariat communautaire en éducation (PCE) chapeauté par l’Association franco-yukonnaise (AFY). À cette époque, avec l’appui de maître Lepage, ce regroupement des organismes franco-yukonnais en éducation avait déposé contre le gouvernement du Yukon deux mises en demeure, dont une en éducation. Le PCE demandait alors au gouvernement d’apporter des changements dans la Loi sur l’éducation afin d’obtenir la pleine gestion scolaire de son école francophone.

En 2004, après avoir tenté en vain d’arriver à une entente par la négociation, la communauté franco-yukonnaise passait le flambeau à la CSFY. Cette dernière constatant que le gouvernement persistait à refuser de négocier de bonne foi se tournera alors en 2009 vers les tribunaux.

Le procès qui a eu lieu à Whitehorse en 2010 et en 2011 s’est d’abord soldé par un jugement qui accordait à la CSFY la pleine gestion scolaire. Le gouvernement du Yukon décide ensuite de porter la cause en appel et, en 2014, une décision est rendue invalidant le jugement du procès. Insatisfaite du dénouement de cette affaire, la CSFY choisit alors de se tourner vers le plus haut tribunal au pays, la Cour suprême du Canada qui ordonnera en 2015 la tenue d’un nouveau procès. C’était le retour à la case départ.

« On avait déjà déterminé les dates du nouveau procès et c’est à ce moment-là que le gouvernement du Yukon nous a fait part de son désir de négocier de bonne foi plutôt que de reprendre le procès », précise maître Lepage, qui souligne du même souffle le travail de Marc Champagne, directeur de la CSFY et de Jean-Sébastien Blais tout comme celui de leurs prédécesseurs. « Les élus ont travaillé très fort pour obtenir la gestion scolaire », souligne-t-il.

Lorraine Taillefer, directrice de la CSFY de 2006 à 2013 qui a longtemps défendu ce dossier aux côtés d’André Bourcier, alors président de la CSFY, se souvient des longues heures de travail et le stress vécu. « C’est devenu rapidement le plus gros dossier que j’ai eu à gérer de ma carrière », se rappelle-t-elle « Ça n’a pas été facile, mais ce qu’on défendait avait une grande valeur pour les enfants francophones du Yukon et on connaissait bien notre dossier. C’est un gain communautaire incroyable », se réjouit-elle.

Le même sentiment de soulagement règne du côté de l’AFY qui se réjouit que cette cause importante soit enfin terminée et que la CSFY ait obtenu gain de cause sur plusieurs points. « C’est rassurant de voir que le gouvernement du Yukon reconnaît les lois constitutionnelles », souligne Jeanne Beaudoin, présidente de l’AFY qui a amorcé les premières démarches dans ce dossier alors qu’elle était à l’époque directrice de l’AFY. « Je suis vraiment touchée par tout ce chemin parcouru », confie-t-elle.

Initiative de journalisme local APF – Territoires