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le Mardi 31 mars 2020 19:45 Scène locale

Familles sans frontière : accueillir des ados pour un an

Tout quitter en plein cœur de l’adolescence pour vivre une année complète en sol yukonnais est le pari risqué de Rebecca Colle et Myrtille Charret, mais aussi celui de leur famille d’hébergement.

Photo de famille Patera-Marchand avec Rebecca Colle lors d’une sortie en randonnée. Photo : fournie

Ouvrir les portes de son foyer et de son intimité est le cadeau unique proposé par les familles d’hébergement de Marie-Stéphanie Gasse et Rob Horne ainsi que de Stella Patera et Pierre Marchand à deux adolescentes européennes pour leur permettre de vivre une année en sol yukonnais.

Bien que leurs projets ne soient aucunement reliés, les parcours sont similaires. D’un bout à l’autre de la planète, les familles biologiques et d’hébergement ont travaillé en étroite collaboration afin d’assurer l’arrivée des jeunes filles en août dernier. Les démarches pour acquérir les visas et l’inscription à l’école ont été entreprises de manière personnelle, et ce, sans l’entremise de programmes particuliers.

Par exemple, pour assurer le succès de cette entreprise, Marie-Stéphanie Gasse a dû entreprendre des mesures afin d’être reconnue comme que tutrice légale. « C’est un peu bizarre quand on y pense », souligne-t-elle le sourire en coin. « Mais c’était nécessaire pour inscrire Myrtille à F.-H-Collins ou pour les assurances », fait-elle valoir.

Une tâche parsemée de petites embûches administratives, mais nécessaires. Myrtille Charret se remémore les multiples va-et-vient de son père pour décrocher son visa et ainsi permettre son inscription à l’année scolaire. « Mon premier visa a été refusé », commente-t-elle pour démontrer les efforts reliés à cette épopée.

Un coup de tête

Comme le raconte la famille Gasse-Horne, la décision d’accueillir Myrtille au sein de leur foyer s’explique presque par un coup de foudre. Une simple rencontre née du service de canapé d’hôte (Couch surfing) chez les parents biologiques de Myrtille, à Bourg Saint-Maurice près des Alpes en France, a mené à un voyage entre les deux familles en Écosse, puis à l’arrivée de Myrtille chez eux au Yukon un an plus tard. « C’était une vraie connexion, c’est particulier de savoir que cette aventure est née du hasard », affirme Rob Horne, désormais tuteur de l’adolescente de 15 ans. Enivrés par la folie de cette initiative, Rob Horne et Marie-Stéphanie Gasse admettent avoir accepté la demande de Myrtille sans avoir pensé aux implications de celles-ci. « On ne s’est même pas posé la question, on a dit oui tout de suite », se souvient Mme Gasse.

Myrtille (au centre) accompagnée de sa famille biologique, à gauche, et d’hébergement, à droite. Photo : fournie

L’hébergement de Rebecca Colle provient également de l’amitié. « Ma mère d’hébergement [Stella] est la meilleure amie de ma tante », indique l’Italienne. L’occasion de venir vivre un an au Canada est arrivée « spontanément, à travers une discussion lors d’une réunion de famille ». Tout s’est ensuite mis en branle un an après pour planifier l’arrivée de Rebecca au pays de l’unifolié.

La confiance avant tout

Pour arriver à un tel niveau de confiance et assurer son rôle de tutrice légale adéquatement pour la famille biologique, Marie-Stéphanie Gasse rappelle l’importance de préserver les valeurs familiales des parents biologiques. « On a fait un appel Skype pour en discuter […] par exemple, pour savoir comment agir avec la discipline, la drogue ou les chums », illustre-t-elle. Bien entendu, les deux familles partagent implicitement la même idéologie éducative, malgré une période d’adaptation. « J’ai dû m’habituer à leur façon de vivre », convient Myrtille Charret. « Mais ils [Marie-Stéphanie Gasse et Rob Horne] ont un style de vie très semblable à celui de mes parents », confirme la Française de 15 ans.

L’apport de leur famille d’accueil dans leur processus d’intégration au mode de vie yukonnais est crucial selon les adolescentes. « On fait beaucoup d’activités, comme des sorties ou des randonnées », expose Rebecca Colle. « C’est très important pour eux de passer du temps de qualité en famille », fait-elle remarquer. Ce constat l’a même incitée à reconsidérer la relation qu’elle entretient avec sa famille en Italie. « Je leur en ai déjà parlé. C’est une chose que je veux ramener avec moi à la maison », insiste-t-elle.

Pour Myrtille Charret, l’incorporation à la cellule familiale des Horne-Gasse s’est faite « de manière organique », commente Marie-Stéphanie Gasse. « C’est ma fille, sans être ma fille […] quand on partage une relation comme ça, ça nous fait réfléchir sur notre façon d’être en tant que parent », indique-t-elle. Selon Mme Gasse, la complicité entre la famille de Myrtille et la sienne a rendu cette harmonie possible. « Ils ont la même façon d’entrevoir la vie que nous », ajoute celle-ci.

« L’investissement en vaut la peine »

Rejoindre ce nouveau noyau ne s’est pourtant pas fait sans accroche, reconnaissent toutes deux les jeunes filles. Celles-ci admettent avoir vécu une certaine période d’acclimatation dans leur rôle de grande sœur « adoptive ». « Je ne savais pas que les jeunes avaient autant d’énergie! », commente en riant Rebecca Colle en lien avec sa nouvelle cohabitation avec deux jeunes enfants. Certes, elle reconnaît avoir eu quelques difficultés au début, mais tout comme Myrtille Charret, leur arrivée apporte une nouvelle énergie à la maisonnée. Marie-Stéphanie Gasse observe les impacts de ce phénomène auprès de son fils River-Gabriel, âgé de douze ans. « C’est un enfant unique […], mais ils partagent une relation proche », avance-t-elle. « Quand elle n’est pas à la maison, il a hâte qu’elle arrive et nous aussi », soutient Mme Gasse.

Rob Horne rappelle « l’immense confiance placée envers notre famille, par la nature même de cette expérience » pour rendre cette entreprise possible. Certes, les embûches reliées à l’accueil et l’hébergement existent, mais Marie-Stéphanie Gasse assure que « l’investissement en vaut la peine » pour tous les partis confondus.

En dépit de la « courte » durée du séjour de Myrtille dans leur maisonnée, Rob Horne confirme qu’avoir partagé son quotidien avec la jeune fille a sans aucun doute créé des liens dépassant le cadre de simple tuteur ou « d’ami de la famille ». « Un monde nous sépare, mais nous allons toujours partager une relation unique entre nous », expose-t-il avec certitude.

À quelques mois de la fin de leur récit yukonnais, Myrtille Charret et Rebecca Colle constatent déjà les bienfaits de ce séjour. Chacune dénote des leçons uniques qui leur seront utiles pour toute la vie.