Denis Lord (L’Aquilon) et Maryne Dumaine
Roy Lyster donne une formation aux enseignants d’immersion française du Yukon.
En réponse à la demande répétée de plusieurs enseignants et à une recommandation du comité consultatif des programmes de français langue seconde, le ministère de l’Éducation du Yukon offrait pour une première fois, le 8 novembre dernier, une journée pédagogique axée sur l’immersion linguistique.
« C’était agréable », de dire Nicole Doré, qui enseigne à l’École élémentaire Selkirk à Whitehorse. « Les enseignants d’immersion n’ont jamais l’occasion de se rencontrer, déplore-t-elle. La journée pédagogique leur permet de faire du réseautage, de planifier des activités avec d’autres professeurs […]. Cela va donner la chance à nos élèves de parler en français à d’autres élèves, et de voir comment ils peuvent se débrouiller ensemble. »
Natasha Nancekivell, qui enseigne à l’École élémentaire de Whitehorse, voit également l’initiative de manière positive. « Nous pouvons collaborer pour les ressources, créer du matériel pédagogique », note-t-elle. Elle apprécie grandement de rencontrer les enseignants de l’École secondaire F.-H. Collins, où iront les élèves qui poursuivront leurs études en immersion.
L’approche intégrée
Pour cette journée, ceux qui enseignent l’immersion au Yukon ont eu l’occasion de rencontrer Roy Lyster, un professeur émérite de l’Université McGill, connu pour sa recherche sur la pédagogie des langues secondes et auteur du livre Vers une approche intégrée en immersion. Tous les enseignants concernés avaient d’ailleurs reçu une copie de cet ouvrage avant la formation.
« M. Lyster nous a raconté qu’il a lui-même été un élève d’immersion, rappelle Mme Nancekivell. Quand il a fini sa 12e année, il pouvait accorder des verbes, mais il n’avait pas de vocabulaire et avait de la misère à converser. »
Toutefois, la pédagogie spécifique à l’immersion a considérablement évolué durant les deux dernières décennies et ce professeur émérite est reconnu pour y avoir contribué.
Le terme « intégré » présent dans le titre de l’ouvrage réfère à la problématique bien connue de jumeler adéquatement l’apprentissage d’une nouvelle langue à l’acquisition du corpus d’une discipline donnée dans cette même langue.
Grâce à une approche pro- active, explique Nicole Doré, les enseignants apprennent à mieux planifier leur enseignement en tenant compte du langage. Pour un cours d’histoire, par exemple, on peut mettre l’accent sur l’utilisation des verbes au passé composé.
« C’est une approche nouvelle, explique Mme Doré. J’avais feuilleté le livre et j’avais vraiment hâte à la formation. »
Ateliers pratiques
La formation des professeurs en immersion s’est prolongée au-delà de la journée pédagogique. Les 12 et 13 novembre, sous la supervision de M. Lyster, les enseignants intéressés ont pu mettre en pratique l’approche intégrée dans leur planification de cours et discuter du sujet entre collègues. Nicole Doré et Natasha Nancekivell ont participé à ces ateliers.
L’immersion française au Yukon
La demande pour des programmes d’immersion au Yukon ne cesse de s’accroître.
Pour les plus jeunes, le programme d’immersion précoce a commencé à l’École élémentaire de Whitehorse.
Une classe de maternelle a été créée en 2015 à l’École élémentaire Selkirk en réponse à la demande croissante pour ce programme. Depuis, un niveau a été ajouté tous les ans : en 2016 une classe de 1re année a été ajoutée, une de 2e année en 2017, etc. Pour l’année scolaire 2019-2020, le ministère de l’Éducation a également ajouté une deuxième classe de maternelle en immersion à l’École élémentaire Selkirk.
Un programme d’immersion tardive à compter de la 6e année est offert à l’École élémentaire de Whitehorse et pour les adolescents, il existe un programme d’immersion française à l’École secondaire F.-H. Collins.
Pourtant, en raison de la croissance du nombre d’inscriptions d’élèves aux programmes d’immersion durant les dernières années, les places sont tirées au sort et il y a une liste d’attente.
En ce moment, le Yukon compte 76 éducateurs (incluant les enseignants, aides-enseignants et conseillers) en immersion française.
Bilan positif
« Les personnes qui ont participé à la journée du 8 novembre étaient satisfaites, selon les évaluations consultatives que nous avons reçues », a déclaré M. Yann Herry, coordonnateur des programmes en français au ministère de l’Éducation du Yukon.
Il ajoute également que les gens ont mentionné dans les commentaires qu’ils « veulent que ce type de réflexion commune, spécifique à l’immersion, se reproduise dans le futur ». Le format resterait encore à déterminer.
Il est désormais justifié de se demander si une approche pédagogique intégrée pour l’ensemble de l’enseignement du français au Yukon est prévue.
À ce sujet, M. Herry mentionne que « les approches pédagogiques sont différentes pour l’enseignement du français langue première et langue seconde » tout en ajoutant que les journées pédagogiques sont déjà bien remplies, et que pour les maximiser, les organisateurs misent plutôt sur des enjeux propres à chacune de ces spécialités. M. Herry reste cependant ouvert à cette éventualité « si notre comité consultatif faisait la demande d’avoir des liens plus étroits entre les deux communautés ».