L’impact du travail d’une pionnière de l’école Émilie-Tremblay
Comme à chaque année lors des dernières semaines d’activités scolaires, Sylvie Salomon prépare le matériel requis pour la sortie culturelle prévue avec les élèves de l’école francophone du Yukon. L’émotion transmise par les gestes et les confidences de cette enseignante qui participe à l’épanouissement de l’école Émilie-Tremblay depuis 27 ans est toutefois différente. Car, cette fois-ci, c’est pour la dernière fois.

Après 27 ans d’enseignement à l’école Émilie-Tremblay, Sylvie Salomon tire sa révérence pour prendre la route de la retraite.
Photo : Marie-Hélène Comeau
C’est en 1992 que Sylvie Salomon a fait son entrée à l’école Émilie-Tremblay qui avait, à l’époque, pignon sur rue dans le quartier Riverdale depuis 1990. L’école était alors logée dans des locaux préfabriqués de la rue Nisutlin. L’espace y était très limité, mal isolé et dépourvu de gymnase, mais la communauté franco-yukonnaise était heureuse d’avoir enfin son école francophone. « On devait enseigner avec ce qu’on avait et faire preuve de créativité », confie celle qui aura occupé différents postes au fil des ans à l’unique école francophone du Yukon. Elle a ainsi travaillé en francisation et a été orthopédagogue, enseignante d’éducation physique et enseignante à tous les niveaux. « Il n’y a qu’en 4e année je crois que je n’ai pas enseigné », souligne-t-elle en riant.
Originaire du Québec, Sylvie Salomon se destinait d’abord vers une profession en technique policière avant de changer de cap et d’opter pour l’enseignement, principalement par amour des enfants. « Je ne suis pas une enseignante typique, mais les élèves m’apprécient », confie-t-elle. « J’ai toujours cru à l’humour, que j’ai pu incorporer comme outil dans mon enseignement », ajoute Sylvie qui enseigne cette année les compétences pratiques, les technologies, la vie culturelle et les enseignements des Premières Nations de la 7e à la 9e année.
Aujourd’hui, Sylvie Salomon s’émeut lorsque ses anciens élèves devenus adultes font un détour pour aller la voir et lui donner de leurs nouvelles. Certains d’entre eux la croisent à l’école même puisqu’ils y ont inscrit à leur tour leurs jeunes enfants.
Le défi d’enseigner à ses enfants
À son arrivée au Yukon, Sylvie et son conjoint de l’époque, Jean-François, décident d’adopter Maxime, un bébé atteint du syndrome de l’alcoolisme fœtal. Suivra peu de temps après la naissance de leurs fils jumeaux, Alex et Izak.
Le fait que ses enfants fréquentaient la même école que celle où elle travaillait lui aura permis, dit-elle, de les voir évoluer dans un autre contexte que celui de la maison. Puis, cette situation lui a permis également de mieux accompagner le jeune Maxime dans son apprentissage chargé d’embûches dues au syndrome dont il était atteint. D’ailleurs, Maxime a été le premier cas connu de ce syndrome à l’école Émilie-Tremblay. « Il ne pouvait pas avoir meilleure prof que moi », confie-t-elle. « J’étais mieux équipée pour l’accompagner, et puis j’ai pu bénéficier d’une belle collaboration avec les autres enseignants de l’école. Je crois que nous avons tous grandi en accompagnant Maxime. »
L’accompagnement de son fils a changé à jamais son approche pédagogique. « Mon expérience de vie m’a permis de voir autrement les capacités de chacun de mes élèves. C’est plus facile aujourd’hui pour moi de travailler sur les forces de l’enfant et c’est comme ça, je crois, qu’un enseignant finit par évoluer », dit-elle. « Au final, les enfants finissent toujours par nous surprendre », confie Sylvie.
Le théâtre à l’école francophone
En 1998, les EssentiElles montentla pièce de théâtre Les belles-sœurs de l’écrivain Michel Tremblay. Sylvie Salomon décide de répondre à l’appel de l’organisme qui cherche des femmes pour participer à cette aventure. C’est pour elle un coup de foudre pour le théâtre amateur. Son expérience la transporte à un point tel qu’elle décide d’introduire le théâtre dans les classes du primaire de l’école Émilie-Tremblay, tandis que l’enseignante France Robert fait de même pour le niveau secondaire.
« Le théâtre permet de découvrir la valeur des mots. Il permet aux élèves de vivre le français autrement et c’est précieux », explique celle qui a monté un nombre incalculable de présentations théâtrales à l’école francophone et qui espère que ce programme survivra à son départ. Car rien n’est certain pour le moment.
« J’ai beaucoup hésité à prendre la décision de me retirer de l’éducation, car j’aurais aimé enseigner le théâtre dans la nouvelle école secondaire qui est en construction. Et puis, ça m’aurait permis de revivre l’effervescence de préparer une nouvelle école comme j’ai pu le vivre en 1996 lorsque l’école Émilie-Tremblay a été construite sur la rue Falcon », confie celle qui, toutefois, se dit heureuse de sa décision en avouant prendre plaisir à faire ses plans de voyage et d’exploration, qui pourront commencer une fois l’année scolaire terminée.
Les « au revoir » de madame Loulou
La psychoéducatrice de l’école Émilie-Tremblay, Louise Gagné, appelée affectueusement par les élèves madame Loulou, prendra la route de la retraite dans quelques jours. Avant de quitter ses fonctions, madame Loulou se remémore ses années passées à l’école franco-yukonnaise peuplées de souvenirs mémorables.

Louise Gagné, psychoéducatrice à l’école Émilie-Tremblay, prend sa retraite et part entreprendre de nouveaux projets. Photo : marie-Hélène Comeau
Le bureau de madame Loulou est à la fois invitant et convivial. Il déborde de vie, de couleurs et d’une foule d’objets intrigants. En un mot, son lieu de travail est à l’image de celle qui accueille depuis 2012 les enfants qui ont besoin de soutien psychologique, que ce soit parce qu’ils vivent des périodes difficiles, des défis sociaux ou des troubles de l’attention par exemple.
Elle accueille les enfants, les écoute, et les accompagne afin de leur insuffler le plaisir d’être à l’école. « Il y a tellement de chemins qui peuvent être empruntés pour atteindre les enfants, mais pour y arriver, c’est important d’être à l’écoute et d’être créatif », explique Louise Gagné. « Les humains sont fascinants et les gens qui résistent sont ceux que je trouve les plus intéressants », confie celle qui à l’âge de sept ans savait déjà qu’elle voulait aider les gens tristes à voir la beauté dans toute chose.
L’importance de trouver des solutions créatives
Son passage à l’école Émilie-Tremblay s’est inscrit dans ce désir d’aider les élèves à travers, par exemple, l’utilisation de différentes techniques de jeu ou de méditation afin de faciliter l’adaptation de l’élève à l’école. C’est d’ailleurs dans cet ordre d’idée qu’elle a pu amener son chien Pixie à l’école afin de pouvoir l’utiliser dans ses interventions avec les élèves. Il s’agit d’un chien d’assistance, qui a été dressé spécifiquement pour ce travail.
« J’ai pu développer au fil des ans des techniques de méditation pour les élèves en utilisant le chien. Les élèves pouvaient par exemple se coucher à ses côtés et l’envelopper avec leurs bras en se concentrant sur les battements du cœur du chien. Ça leur permettait alors de vivre un moment de calme », explique-t-elle.
L’an prochain, l’enseignante Annie Cloutier prendra la relève en occupant le poste laissé vacant par le départ de madame Loulou. « L’équipe de travail de l’école Émilie-Tremblay est dévouée, généreuse et très compétente. C’était la première fois que je travaillais dans un milieu francophone minoritaire, et j’ai adoré l’expérience grâce précisément à ce milieu de travail stimulant », conclut-elle.