« Nous voulons aller au-delà de la connexion culturelle avec le Canada au profit de notre planète et de notre humanité. » – Samwel Nangiria
Le peuple Massaï, qui mène une vie pastorale, est divisé en cinq grands groupes et vit entre le nord de la Tanzanie et le sud-ouest du Kenya. Mark Talash, Samwel Nangiria et Nalaimuta Makeseni sont membres de la communauté Loita de Loliondo, à l’ouest du lac Natron à l’extrême nord de la Tanzanie. Tous les trois sont membres du comité formé de villageois qui gère le Fonds de la forêt Enguserosambu, fondé en 2013.
D’une superficie de 1000 kilomètres carrés, la forêt est fondamentale à la culture Massaï selon M. Talash : « Nous pensons que la forêt est un tout, elle est essentielle pour notre subsistance et nos rituels, elle est notre identité et notre façon de vivre. » Cependant, ils sont en manque de moyens matériels et financiers afin de poursuivre la gestion de la forêt. En effet, le gouvernement de Tanzanie leur a octroyé la possibilité de gérer et d’entretenir cette zone boisée pendant trois ans. Mais à l’issue de cette période, le comité doit être capable de fournir les preuves de ses bonnes pratiques forestières. C’est là que le bât blesse puisqu’aucune technique de documentation du savoir traditionnel n’est mise en place.
Conscients de l’urgence de la situation, ils ont décidé, en partenariat avec le département de géographie de l’Université de Victoria en Colombie-Britannique et le Fonds Kesho, un organisme à but non lucratif basé à Sidney dans cette même province, de faire une collecte de fonds et d’organiser la venue de M. Talash, de M. Nangiria et de Mme Makeseni au Yukon. Ayant également un bureau à Dar es-Salaam, centre économique et ancienne capitale de la Tanzanie, le Fonds Kesho collabore avec le Fonds de la forêt Enguserosambu afin de les soutenir dans la gestion de la forêt en accord avec leurs pratiques et leur savoir traditionnels.
Partage du savoir et des techniques de transmission
Les 6 et 7 mai 2019, ils étaient en visite à Pelly Crossing où la Première Nation de Selkirk les a accueillis pendant deux jours : « Ils tenaient beaucoup à partager leurs connaissances », explique Samwel Nangiria lors d’une soirée de présentation de leur culture et de leur combat à Whitehorse.
Les 9 et 10 mai, c’est avec la Première Nation de Cacross/Tagish que le groupe a partagé son expérience lors de deux jours d’échanges axés sur la collaboration autochtone à l’échelle internationale. « Les Massaï ont présenté leurs propres expériences et luttes pour l’autodétermination par l’intermédiaire du Fonds de la forêt Enguserosambu qu’ils ont établi pour acquérir l’autorité sur leurs terres traditionnelles après de longues négociations avec le gouvernement de Tanzanie. En même temps, les Massaï sont ici pour en apprendre davantage sur la vaste expérience de la Première Nation de Carcross/Tagish en ce qui concerne leur processus de revendications territoriales, leur histoire orale et leurs méthodes de partage des connaissances culturelles. Il s’agit non seulement d’un honneur et d’un privilège, mais ceci représente aussi une nouvelle étape dans l’établissement de relations et de collaborations internationales entre peuples autochtones. Ces affiliations uniques sous-tendent un projet d’éducation et de renforcement des capacités ambitieux, mais fort nécessaire », soutient la Première Nation de Carcross/Tagish dans un communiqué de presse.
Une vision féminine de la forêt
Makeseni est présentée comme une femme de grand savoir. Ne parlant pas anglais et ne maîtrisant pas totalement le swahili, elle est pourtant fondamentale à la dynamique du groupe, car son point de vue féminin apporte une autre dimension à la place que tient la forêt au cœur de sa communauté. Dans la culture Massaï, les femmes ont un rôle central, que ce soit au sein de la famille ou de la communauté en général. En contact permanent avec le milieu forestier pour la collecte de bois ou encore pour récolter les ingrédients nécessaires à la médecine traditionnelle, les femmes Massaï le connaissent parfaitement. Elles y tiennent des événements culturels et y pratiquent même des accouchements : « Nous connaissons la forêt, car nous l’utilisons fréquemment et nous en sommes fières », conclut-elle. Pleine d’espoir quant aux discussions et au transfert du savoir traditionnel avec les Premières Nations yukonnaises, elle estime cependant que « la documentation pour les politiques en Tanzanie doit se faire de façon plus libre pour les générations futures ».