Le 17 octobre, le cannabis récréatif est devenu légal au Canada. Ce jour-là, plus de 1 000 Yukonnais ont visité l’unique point de vente du territoire. À l’extérieur du commerce, la file d’attente était visible toute la journée.

Devant le magasin de cannabis du gouvernement du Yukon, la file d’attente était visible toute la journée. Photo : Thibaut Rondel
Il n’aura pas fallu longtemps au gouvernement du Yukon pour engranger les premiers bénéfices tirés de la vente de cannabis légal. En l’espace d’une journée, le chiffre d’affaires total s’est monté à presque 60 000 dollars. Plus de 700 transactions ont été enregistrées au point de vente du 120-B, Industrial Road, selon la Société des alcools du Yukon (SAY) à qui a été confiée la gestion de cette nouvelle branche.
Afin de réguler le flux de curieux, il ne pouvait y avoir que douze personnes à la fois dans le commerce. Les Yukonnais ont dû prendre leur mal en patience, mais tous les clients ont pu effectuer leur premier achat, à condition de ne pas être intoxiqués et de présenter une preuve d’identité valide. Vingt personnes se sont ainsi vu refuser l’entrée du magasin. Pour cette première journée, le montant moyen du panier a été évalué à environ 73 $. En ligne, la dépense moyenne a été de 120 $.
Commander en ligne
Afin de servir les Yukonnais à la grandeur du territoire, la Société des alcools a lancé le site Internet CannabisYukon.org, où les consommateurs peuvent commander leurs produits en ligne et être livrés à domicile. Les mêmes règles de vente s’appliqueront à ce système de distribution, selon la SAY. Ainsi, un livreur de Postes Canada ne pourra pas livrer son colis à une personne si elle est intoxiquée ou mineure. La Société des alcools a indiqué que les employés de Postes Canada possédaient cependant une certaine expérience en la matière, puisque le cannabis thérapeutique transite par courrier depuis déjà plusieurs années.
Bien que le responsable du développement du site Internet avait assuré la veille du lancement que tout était prêt pour un éventuel surplus de connexions, CannabisYukon.org a subi quelques ratées au démarrage avant d’être pleinement opérationnel plus tard dans la journée. Dans les jours qui ont suivi, des opérations de maintenance ont également restreint l’accès au site.
Sélection de 120 produits
Le cannabis pouvant se vendre et se consommer sous différentes formes, une sélection de 30 variétés et plus de 120 produits sont maintenant disponibles au Yukon. À l’heure actuelle, les clients peuvent se procurer du cannabis sous forme de fleur entière, de fleur moulue, de cigarette préroulée, d’huile et de capsule.
La législation actuelle ne permet pas encore de commercialiser d’autres formes de produits, comme des biscuits, des bonbons ou d’autres biens alimentaires. Il se pourrait cependant que ces produits soient autorisés dans le futur, une fois que la production et le contrôle de cette gamme de produits extrêmement variée auront été encadrés.
Pour toutes les bourses
Les tarifs actuels s’échelonnent entre environ 8 $ le gramme, pour les produits d’entrée de gamme, à presque 20 $ le gramme pour les herbes les plus luxueuses. Pour ce prix, on peut par exemple trouver du cannabis biologique, ou des variétés primées ou reconnues lors de concours internationaux, tout cela présenté dans des emballages marketing soigneusement élaborés.
La gamme de prix devrait s’étendre puisque le gouvernement du Yukon a indiqué qu’il avait passé d’autres commandes pour des produits différents. Au premier plan de cette industrie en plein essor, les laboratoires pharmaceutiques et les multinationales du cannabis ont cependant peine à fournir à temps les gouvernements provinciaux et territoriaux. À Yellowknife, par exemple, le magasin de cannabis était en rupture de stock dès la fin de la première journée, puis une nouvelle fois jeudi soir.
La légalisation du cannabis s’est par ailleurs accompagnée de la création de nouvelles marques géographiquement ciblées. Ainsi, seuls les Yukonnais pourront fumer du Yukon Rove, que la société pharmaceutique Tilray a habilement présenté comme une marque « sauvage et libre » s’inspirant de « l’esprit unique du Nord canadien. » Dans la même optique, Tilray, par sa filiale High Park, a lancé la semaine dernière au Québec la marque locale Dubon.
Parmi les grands producteurs de cannabis autorisés par Santé Canada, dont les produits sont actuellement disponibles au Yukon, on trouve aussi par exemple Whistler Cannabis Co, Aurora, Canna Farms Ltd, Canopy Growth ou encore Zenabis.
Derrière le comptoir
Toute une équipe de vente a été embauchée par la SAY afin d’accueillir et de conseiller les clients. Recrutés par le gouvernement du Yukon, les employés du magasin de cannabis ont tous une expérience et une certaine connaissance du produit, qu’elle soit de nature thérapeutique ou récréative. Selon la SAY, le passé de tous les employés a été vérifié et le débat n’a plus lieu d’être maintenant que la légalisation est entrée en vigueur au pays. Les employés ne sont cependant pas habilités à fournir des conseils en matière de santé, mais ils peuvent par exemple informer les clients sur les variétés de cannabis, les teneurs en THC ou encore les modes d’administration.
Malgré la présence d’un panneau bilingue à l’accueil du magasin, aucun employé n’est en mesure de servir les clients en français, a fait savoir le gouvernement. La documentation bilingue ayant notamment trait à la prévention des risques liés au cannabis est par ailleurs extrêmement limitée. Le site de vente en ligne est quant à lui uniquement disponible en anglais. Le gouvernement n’a pas été en mesure d’expliquer pourquoi le volet des services en français n’avait jamais été considéré tout au long du processus de légalisation qui a commencé il y a plus d’un an.
À plus long terme, le gouvernement du Yukon avait déjà indiqué vouloir faire profiter les entreprises privées du commerce du cannabis, une fois que les bases auraient été jetées cet automne. Selon la SAY, il se pourrait que les premiers dossiers pour l’obtention d’un permis de distribution puissent être soumis au printemps prochain. À cette fin, une régie de délivrance des permis devrait être mise sur pied rapidement.