Thibaut Rondel
Samedi 22 septembre avait lieu dans la grande salle du Centre culturel des Kwanlin Dün la 36e assemblée générale annuelle de l’Association franco-yukonnaise (AFY).
La rencontre, qui a réuni une soixantaine de personnes, a débuté à 10 h par un brunch et s’est poursuivie avec le mot de bienvenue de la directrice générale de l’organisme, Isabelle Salesse. Le ministre responsable de la Direction des services en français (DSF), John Streicker, est également intervenu quelques minutes pour saluer le travail de la DSF et de la communauté francophone du Yukon. Après s’être dégourdis sur quelques pas de danse traditionnelle, les participants ont été conviés à assister à la réunion d’affaires de l’AFY, qui a été présidée pour l’occasion par le directeur général de la Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada (FCFA), Alain Dupuis, en visite au Yukon.
Un manque de communication pointé
Après la présentation des rapports annuels de la présidence par intérim, assurée par Jeanne Beaudoin, et de la direction générale, des membres de l’association ont souhaité intervenir pour lancer une réflexion sur la façon dont l’Association franco- yukonnaise communique avec sa base et ses bénévoles.
L’artiste franco-yukonnaise Marie-Hélène Comeau, résidente de longue date et collaboratrice régulière de l’Aurore boréale, a ainsi partagé sa crainte de voir l’AFY perdre de vue son rôle social. Bien qu’elle salue les bons chiffres de l’organisme et reconnaisse qu’un « travail incroyable a été fait » dans le domaine des spectacles, les appels aux bénévoles sont devenus, selon elle, « invisibles », et les communications de l’AFY uniquement tournées vers la promotion des événements communautaires.
« En se développant sur le plan politique, il y a peut-être eu un effritement au niveau du lien communautaire », a affirmé Mme Comeau, qui dit se sentir moins utile qu’au début de l’association. « Comme membre, je me sens moins dans le coup […]. On peut s’impliquer au CA, mais il manque quelque chose […] À l’époque, il y avait des comités bénévoles, ça développe un sentiment d’appartenance, ça crée des liens sociaux », a-t-elle cité en exemple.
Philippe Cardinal, porte-parole des aînés francophones, a appuyé ces propos. « Facebook, c’est bien, mais les aînés n’utilisent pas ça », a-t-il affirmé. « C’est un enjeu important pour nous autres et il faudrait s’en occuper, sinon l’AFY va devenir un organisme subventionné qui fait certaines affaires, mais ne donne pas grand-chose aux membres. » M. Cardinal, qui intervient de façon bénévole à l’émission radiophonique francophone Rencontres, a par ailleurs affirmé qu’il avait l’impression de ne parler à personne.
La directrice générale de l’AFY, Isabelle Salesse, a assuré comprendre les préoccupations des intervenants, mais aussi entendre « des choses qui [la] surprennent. »
« Je pense que des fois, on rate nos communications », a concédé Mme Salesse. « Mais en ce qui concerne les bénévoles et les gens qui vont essayer de se démener pour trouver des bénévoles, il n’y a plus autant d’engouement », a-t-elle poursuivi, soulignant que la population avait grandi depuis les débuts de l’association, que son profil avait changé et qu’elle avait acquis depuis ce temps beaucoup de services qu’elle n’avait pas. Selon Mme Salesse, le sentiment d’entraide qui pouvait animer les bénévoles et les bâtisseurs de la communauté aux tout débuts de la création de l’AFY ne serait plus aussi fort, maintenant que s’est développée la franco-yukonnie.
La place de la jeunesse
Jean-Marc Bélanger s’est quant à lui demandé quelle place pouvait occuper la jeunesse franco- yukonnaise dans le développement de la communauté.
« La francophonie est belle », a lancé M. Bélanger. « On est rendus à un point où il y a plus de francophiles que de francophones, mais qu’est-ce qu’on fait pour nos jeunes de 18 à 30 ans? Est-ce qu’on les intègre? », a-t-il demandé.
Roch Nadon, directeur adjoint de l’AFY et directeur des secteurs Arts et Culture + Jeunesse, a reconnu que bien que les plus jeunes, qui étudient dans les écoles yukonnaises, puissent compter sur l’organisme JEFY, le défi est un peu plus grand pour les jeunes adultes de la tranche d’âge 18 à 25 ans.
« Les jeunes vont voyager, étudier ailleurs, car il n’y a pas de postsecondaire ici », a expliqué M. Nadon. « On essaie de garder un contact avec eux, mais pas tous les jeunes sont intéressés, ou alors ils sont moins présents, car ils ont autre chose à vivre. Je ne dis pas que c’est complexe, mais on a des défis pour intéresser ces jeunes-là à participer à nos rencontres. Une AGA, ce n’est pas très sexy pour une jeune de 19 ans », a analysé M. Nadon.
Positionnement et priorités
La rencontre s’est poursuivie avec la présentation de la mise à jour du document de positionnement Agir que l’AFY avait développé en collaboration avec les organismes de la communauté francophone du Yukon, en amont des dernières élections territoriales de 2016. Ce document évolutif, qui présente les priorités de la communauté et compile une trentaine de demandes touchant à des domaines comme l’éducation, la santé, la culture, l’économie ou encore les médias, est principalement destiné à être diffusé auprès des décideurs politiques et des partenaires stratégiques œuvrant en collaboration avec les organismes franco-yukonnais. Le public a ensuite assisté à la présentation des priorités de l’AFY pour 2018-2019, puis à la revue des états financiers de l’organisme qui a présenté des finances équilibrées.
Renouvellement de la gouvernance
À l’issue des élections, la présidente par intérim de l’AFY, Jeanne Beaudoin, a été officiellement élue à la présidence de l’organisme pour un an. Mme Beaudoin avait remplacé M. André Bourcier en cours de mandat. Ce dernier avait en effet accepté un emploi à la DSF et avait donc préféré quitter la présidence de l’AFY pour éviter tout soupçon de conflit d’intérêts.
La directrice générale de l’AFY, Isabelle Salesse, a remercié M. Bourcier, présent dans la salle, pour son implication, ainsi que Mme Marielle Veilleux, administratrice sortante et résidente de Dawson, qui ne pouvait plus se représenter après ses quatre mandats. Les deux élus ont reçu des œuvres de la peintre yukonnaise Nathalie Parenteau.
Jusqu’alors administratrice, Marie-Stéphanie Gasse a été élue pour deux ans à la vice-présidence. Elle était opposée à un candidat francophone originaire du Brésil, Rodolfo Fischer Pimentel, dont la candidature est venue du plancher. Davy Joly a été reconduit pour deux ans à son poste de secrétaire-trésorier, par acclamation.
Déjà administrateur, Stephan Poirier a été réélu à son poste pour un mandat de deux ans. Un nouveau venu, Christophe Ballet, a lui aussi décroché un mandat d’administrateur pour une période de deux ans. Les deux candidats étaient opposés à M. Fischer Pimentel qui a également souhaité poser sa candidature pour l’un de ces deux mandats.
Un francophile du Yukon, Mike Fancie, a été élu comme administrateur pour une période d’un an. Mme Josée Belisle, dont le poste n’était pas en élection, poursuit son mandat d’administratrice.