/ Thibaut Rondel
Malgré l’ouverture du premier ministre Silver, il y a quelques mois, à l’idée qu’un membre de la communauté francophone proposé par l’Association franco-yukonnaise (AFY) puisse se voir garantir un siège au conseil d’administration de la Régie des hôpitaux du Yukon, tout a changé cet automne.
Avant que l’amendement proposé en ce sens par la député néo-démocrate Kate White (Takhini- Kopper King) soit finalement définitivement rejeté lundi dernier, les débats portant sur le projet de loi numéro 12 visant à modifier la Loi sur les hôpitaux ont été marqués par le flou des motivations et des arguments avancés par la ministre de la Santé et des Affaires sociales, Pauline Frost, pour s’opposer à cette modification visant à reconnaître l’importance de la francophonie yukonnaise et à mieux refléter la diversité culturelle des résidents du Yukon.
L’incompréhension des partis d’opposition –NPD en tête – quant à la position de la ministre Frost n’a fait que se renforcer après que plusieurs de ses interventions ont laissé entendre que les critères de compétences pour le poste pourraient empêcher un francophone de siéger.
« […] La prise de décision basée sur les compétences est essentielle dans ce monde complexe dans lequel nous travaillons et vivons », a-t-elle notamment répondu à une question de l’opposition.
Au fil des réponses redondantes faites aux élues de l’opposition néo-démocrate, la ministre Frost a dit vouloir encourager les francophones du Yukon à soumettre leur candidature lorsque des postes seront à pourvoir au sein du conseil d’administration. Des postes réservés aux citoyens proposés par le grand public et non pas par des organismes. La sélection se fera à partir des connaissances, des compétences et des aptitudes pour gérer les opérations complexes de la Régie.
Un enjeu important
Afin d’avoir accès à des services en français de qualité dans le domaine de la santé, la communauté francophone du Yukon demandait depuis longtemps au ministère du Conseil exécutif de garantir un siège à la Régie des hôpitaux à un membre de la communauté francophone. Plus précisément, elle demandait qu’un représentant soit choisi parmi les personnes dont la candidature est proposée par l’AFY pour représenter les francophones du Yukon.
« Nous voulons participer à la gouvernance qui gère des services qui nous concernent. Nous sommes capables de faire valoir nos points et de participer à la gouvernance », soulignait le président de l’AFY, André Bourcier, avant d’apprendre la décision. « Et nous estimons qu’il y a des gens compétents dans la communauté pour occuper ce poste. On a donc été surpris de la réponse de Mme Frost », expliquait déjà M. Bourcier.
Cette présence francophone au sein du conseil d’administration de la Régie des hôpitaux fait figure de pratique courante en milieu minoritaire, comme à Thunder Bay en Ontario, afin que les représentants choisis s’assurent que les défis auxquels font face la population francophone dans le domaine de la santé se retrouvent dans la culture de l’hôpital. Sans cette cohérence, rappelle Sandra St-Laurent, directrice du Partenariat communauté en santé, la population est plus vulnérable.
« Lorsque cette partie de gouvernance francophone est absente en santé, c’est un échec. On demeure vulnérable, car si le conseil d’administration change d’orientation, les programmes qui ont été mis en place pour répondre aux besoins des francophones en santé, même s’ils sont efficaces, risquent de disparaître. Ça a été le cas à l’Île-du-Prince-Édouard qui a perdu en quelques années son Centre de santé Évangéline, suite à un tel scénario », rappelle-t-elle.
Une position indéfendable
En mars dernier, l’AFY avait fait parvenir une lettre au gouvernement du Yukon l’informant de l’importance d’avoir un représentant francophone au sein du conseil d’administration de la Régie des hôpitaux du Yukon. Dès le mois suivant, le gouvernement du Yukon avait pris note de cette requête. Le territoire avait cependant indiqué à l’AFY qu’il ne prévoyait pas dans un avenir immédiat de procéder à la modification de la Loi sur les hôpitaux, ce qui aurait pu permettre d’accéder à cette requête de la communauté francophone.
L’ouverture était toujours présente lors d’une rencontre qui avait notamment réuni au mois d’août dernier le premier ministre Silver, le ministre Streicker et plusieurs responsables de l’AFY.
À la surprise générale, la communauté francophone apprenait toutefois dans un communiqué de presse publié le mois dernier que le gouvernement du Yukon venait de déposer un projet de loi visant à modifier la Loi sur les hôpitaux et à notamment réduire la taille du conseil d’administration de la Régie des hôpitaux du Yukon.
En conséquence, le nombre de membres du conseil d’administration devait passer de quinze à neuf, les futurs membres étant choisis en fonction de leurs compétences et de leur expérience.
Le conseil devait se composer ainsi : trois membres proposés par les Premières Nations du Yukon ou par le Conseil des Premières nations du Yukon; un membre proposé par le personnel médical de la Régie; quatre membres choisis parmi les citoyens; un membre choisi parmi les fonctionnaires du Yukon.
L’AFY a ainsi pu constater à la publication du communiqué qu’aucun siège officiel n’avait été désigné pour être occupé par un représentant de la communauté francophone.
«Il y a des gens qui représenteront les Premières Nations, je ne vois donc pas pourquoi il n’y en aurait pas un qui serait désigné pour représenter les francophones », avait alors déclaré André Bourcier.
« Les modifications à la Loi permettront à la Régie des hôpitaux du Yukon de faire face aux défis et aux nouvelles réalités qui se présenteront à elle, tout en offrant aux Yukonnais des soins sûrs, accessibles et à la fine pointe de la technologie. La loi modifiée nous permettra également de veiller à ce que les membres du conseil d’administration reflètent la diversité culturelle et sexuelle de la population du Yukon », avait pourtant spécifié Pauline Frost à l’annonce de la modification de la Loi sur les hôpitaux.