Le Yukon pourrait devenir le premier endroit au pays à avoir recours à l’utilisation de bactéries locales pour décontaminer ses vieux sites miniers, grâce aux résultats de la recherche doctorale de Guillaume Nielsen. Cette avancée scientifique suscite l’intérêt un peu partout au pays.
C’est donc le regard serein et le sourire engageant, à quelques jours de sa soutenance de thèse doctorale à l’Institut national de la recherche scientifique, que Guillaume Nielsen partage avec enthousiasme les résultats de sa démarche scientifique.
« C’est très prometteur », confie celui qui a mené sa recherche dans l’un des anciens sites miniers de la région de Keno.
Au cours des dernières années, en collaboration avec le Centre de recherche du Collège du Yukon, la compagnie minière Alexco et la Première Nation Na-Cho Nyak Dun, le doctorant a adapté pour un climat nordique une technique de décontamination impliquant des bactéries vivant sans oxygène. Cette approche est utilisée depuis déjà une dizaine d’années en Amérique du Sud, mais n’avait jamais été testée dans des climats plus froids. Elle offre des avenues de recherche intéressantes pour la décontamination de mines abandonnées, comme c’est le cas au Yukon.
« À l’époque de la Ruée vers l’or, les compagnies abandonnaient les sites une fois l’exploitation terminée et repartaient en laissant les lieux contaminés par l’acide, des métaux lourds et du sulfate », explique le chercheur.
Le drainage minier acide de ces sites abandonnés fait appel traditionnellement à un traitement actif, c’est-à-dire au recours de main-d’œuvre sur place et à l’ajout de produits chimiques, principalement de la chaux, dans les eaux contaminées. Cette méthode permet de jouer avec l’acidité et de précipiter les métaux.
Des petites bactéries qui changent tout
La recherche de Guillaume Nielsen vient changer ce modus operandi. L’échantillonnage de bactéries locales vivant dans un milieu dépourvu d’oxygène a démontré que leur utilisation permet de faire baisser le niveau de métaux de 95 %.
« Elles appartiennent à une famille de bactéries sulfato-réductrices. Pour vivre, elles respirent non pas de l’oxygène, mais du sulfate. En utilisant le sulfate, elles arrivent à digérer les métaux lourds et à les faire ainsi précipiter », explique le chercheur franco-yukonnais. « Ces bactéries peuvent s’adapter à un environnement acide et à des températures plus froides comme dans les eaux souterraines qui se maintiennent à quelques degrés au-dessus de zéro, été comme hiver », poursuit-il.
Les essais pilotes montrent toutefois que les bactéries ont besoin d’un coup de main pour arriver à s’adapter à des températures plus froides comme celles des eaux souterraines du Yukon. « Notre boulot, c’est de garder les bactéries heureuses dans des températures qui ne sont pas optimales. Alors, on doit les nourrir pour les aider à combattre le froid », explique le chercheur.
Les bactéries et le sucre
Pour arriver à s’adapter à un climat plus froid, les bactéries ont besoin de se nourrir de carbone sucré et de méthanol. Au cours de la recherche, différentes sources locales de carbone d’alimentation ont été testées sur les bactéries, comme de la tourbe, des copeaux d’épinette ou de la paille.
Pour l’instant, il semblerait que ce soit la mélasse jumelée au méthanol qui fonctionne le mieux avec ces bactéries qui offrent alors un rendement permettant de réduire de 95 % à 99 % le taux de zinc et de cadmium contenu dans des eaux contaminées. À ce jour, on ignore encore leur effet sur les autres métaux.
« Nous n’en sommes encore qu’au début de la recherche dans ce domaine », explique Guillaume Nielsen qui travaille désormais avec l’organisme yukonnais CH2M à titre de spécialiste en traitement en drainage minier.
Le dépôt de la thèse doctorale de Guillaume Nielsen marque un premier pas dans la façon de décontaminer les mines abandonnées du pays. Si, finalement l’expérience est concluante, d’autres mines abandonnées du Yukon pourront bénéficier de cette approche en l’adaptant à leur contexte respectif.
« Quand on travaille avec du vivant, il est important de faire des essais pilotes pour chaque site, car les conditions de chacun diffèrent. Ainsi, pour travailler sur le site de Faro par exemple, il faudra recommencer tous les essais pilotes », précise-t-il.