Le premier ministre, Justin Trudeau, et le premier ministre du Yukon, Sandy Silver, ont annoncé un financement de plus de 360 millions de dollars en vue d’améliorer l’accès routier dans deux régions riches en minéraux : la région des monts Dawson dans le centre du Yukon, et la Nahanni Range Road dans le sud-est du Yukon. L’annonce a été faite le 2 septembre au belvédère du lac Schwatka lors d’une conférence de presse réunissant au pupitre les deux élus libéraux ainsi que le député du Yukon Larry Bagnell.
Dans le cadre du Projet d’accès aux ressources du Yukon (Yukon Resource Gateway Project), Ottawa s’est engagé à verser une contribution de plus de 247 millions de dollars. Après l’élaboration d’ententes liées au projet avec les Premières Nations concernées et au terme de plusieurs examens environnementaux et socioéconomiques, le gouvernement du Yukon affirme qu’il investira pour sa part près de 113 millions de dollars dans le projet.
Selwyn, Coffee et Casino
Le projet contribuera à la mise à niveau de plus de 650 kilomètres de route ainsi qu’à la construction ou au remplacement de plusieurs ponts, ponceaux et traversées de cours d’eau. Ces améliorations doivent encourager la croissance du secteur minier qui pourra accéder à moindre coût aux ressources naturelles du Yukon. Les apports de l’industrie minière devraient en effet se limiter à 108 millions de dollars, soit trois fois moins que le montant de l’investissement public. Les futures grandes mines potentielles que sont Selwyn, Coffee et Casino pourraient notamment profiter de l’aubaine.
« Les infrastructures modernes jouent un rôle essentiel dans le développement et la bonne gestion des incroyables ressources naturelles que nous avons à portée de main. En facilitant l’accès à ces importantes ressources à travers le territoire du Yukon, le Projet d’accès aux ressources du Yukon aidera à créer de bons emplois pour la classe moyenne, à promouvoir la prospérité économique à long terme et à bâtir un Nord plus fort et plus durable », a déclaré le premier ministre Trudeau.
Les travaux devraient débuter dès le début de l’année 2018 et durer huit ans. Les améliorations prévues dans la région des monts Dawson porteront sur la réfection de quatre routes publiques. La Nahanni Range Road bénéficiera quant à elle de travaux de réfection à partir de son intersection avec la route Campbell jusqu’à la frontière entre le Yukon et les Territoires du Nord-Ouest.
« Le Projet d’accès aux ressources est l’un des plus importants jamais entrepris dans ce territoire, et il aura des impacts incroyablement positifs sur l’économie du Yukon », a affirmé le premier ministre Sandy Silver qui promet de travailler avec les Premières Nations pour conclure les ententes liées au projet.
Un danger pour l’eau
Contrastant avec l’optimisme affiché des libéraux de Sandy Silver, plusieurs voix se sont élevées pour dénoncer un investissement perçu comme un soutien financier apporté à des multinationales au détriment des résidents du Yukon. De nombreux citoyens redoutent notamment une fuite des futurs profits réalisés par le secteur minier et notamment par la multinationale chinoise Selwyn Chihong.
La Société de conservation du Yukon s’inquiète par ailleurs des répercussions que cette nouvelle ruée minière pourrait avoir sur les écosystèmes du territoire. Le recours à des bassins de stériles représente en effet une menace considérable pour la santé des eaux du Yukon. Or, les scandales environnementaux liés à l’exploitation chaotique des ressources minérales du Yukon ont durablement marqué les esprits. Aujourd’hui encore, les contribuables canadiens continuent de payer pour les ravages commis par l’industrie sur les sites de Faro, Keno Hill ou encore Mount Nansen.
L’inquiétude est partagée par les représentants des Premières Nations yukonnaises. Les gouvernements autochtones se félicitent des futures retombées économiques des projets miniers auxquels ils souhaitent être associés, mais se disent toutefois attentifs aux impacts que ces projets pourraient avoir sur la faune et la flore de leurs territoires traditionnels.
Alors qu’aucun des trois grands projets miniers susceptibles de bénéficier de ces nouvelles infrastructures routières — Coffee, Selwyn et Casino — n’a pour l’heure complété avec succès le processus d’évaluation environnementale et socioéconomique du Yukon, l’organisation citoyenne le Conseil des Canadiens condamne ce financement et s’interroge lui aussi sur les risques de contamination des eaux.
« Le gouvernement Trudeau dépense un quart de milliard de dollars pour construire des routes malgré l’absence d’approbation réglementaire pour ces mines et la menace qu’elles représentent pour les cours d’eau », s’insurge le groupe d’activistes environnementaux. « Le Conseil des Canadiens appelle à de nouvelles garanties pour protéger les voies navigables au Canada. Nous rejetons l’utilisation des fonds d’infrastructure fédéraux qui aggravent les changements climatiques et mettent en danger l’eau douce dans ce pays. »
La Société de conservation du Yukon craint par ailleurs que la décision du gouvernement d’investir dès aujourd’hui plusieurs centaines de millions de dollars au profit du secteur minier entrave sa capacité future à geler la construction d’une nouvelle mine, dans l’hypothèse où celle-ci ne satisferait pas aux attentes de l’Office d’évaluation environnementale et socioéconomique du Yukon.
Les conservateurs satisfaits
Du côté de l’opposition officielle, la nouvelle n’a pas manqué de faire réagir les députés du Parti du Yukon qui se sont déclarés heureux de voir le gouvernement fédéral s’engager dans cette voie. Le Projet d’accès aux ressources du Yukon était considéré comme une priorité par le gouvernement conservateur de Darrell Pasloski, au pouvoir jusqu’à l’automne 2016.
« Lorsque nous étions au gouvernement, nous avions fait de ce projet une priorité majeure dans toutes nos discussions avec le gouvernement fédéral, puisque celui-ci devrait directement stimuler l’activité minière tout en apportant des bénéfices économiques et des emplois aux Yukonnais », a déclaré Scott Kent, le critique de l’opposition officielle pour les questions liées à l’exploitation minière.
Même son de cloche du côté de la Chambre des mines du Yukon qui a salué l’investissement des libéraux.
« L’industrie minière moderne et responsable a historiquement guidé le développement du Yukon au bénéfice des collectivités rurales du Yukon et des Canadiens et espère poursuivre ce leadership dans le futur », a déclaré le président de la Chambre des mines, Mike Burke.
La Chambre de commerce du Yukon et son Comité pour les transports et les infrastructures ont eux aussi accueilli favorablement cette annonce qu’ils considèrent comme « une énorme victoire pour le milieu des affaires du Yukon et le territoire dans son ensemble ».
Justin Trudeau s’exprime sur le soutien aux langues officielles
Par ailleurs, le 2 septembre dernier, l’Aurore boréale a profité d’une séance de questions pour interpeller le premier ministre Justin Trudeau sur la mise en œuvre du futur plan d’action pour les langues officielles. M. Trudeau s’est dit heureux de voir grandir et s’épanouir les communautés francophones les plus au nord et a assuré que le dossier continuait d’être une priorité pour son gouvernement.
« Notre gouvernement prend très au sérieux la responsabilité de défendre le bilinguisme et de défendre les communautés linguistiques en situation minoritaire à travers le pays » a-t-il affirmé. « Quand nous allons présenter notre plan d’action l’année prochaine, nous allons écouter les différentes communautés […]. Pour nous, [il s’agit] de créer des opportunités pour les gens en situation minoritaire; de ne pas juste protéger leur langue mais de la voir s’épanouir; de voir leurs enfants jouir d’avantages et d’opportunités, par cet appui, par cette défense de nos deux belles langues officielles […]. Nous allons continuer d’écouter les préoccupations et d’agir en conséquence. »
Patrimoine canadien avait organisé l’an passé une grande tournée de consultation dans les communautés minoritaires du Canada et un nouveau plan d’action pour les langues officielles devrait être dévoilé en 2018 par la ministre Mélanie Joly.