L’Aurore boréale s’est entretenu le 13 décembre dernier avec le nouveau ministre responsable de la Direction des services en français (DSF). John Streicker prendra la relève d’Elaine Taylor à la tête de la DSF dont le mandat consiste à aider les ministères gouvernementaux et les sociétés d’État à se conformer aux dispositions de la Loi sur les langues du Yukon. À ce titre, M. Streicker aura notamment la responsabilité de poursuivre la mise en œuvre du cadre stratégique 2014-2018 sur les services en français dans les domaines prioritaires de la santé, de l’éducation et de la culture. L’ancien conseiller municipal et député de Mont Lorne-Lacs du Sud a par ailleurs été nommé par le premier ministre Sandy Silver à la tête du ministère des Services aux collectivités et sera également responsable de la Société des alcools du Yukon et de la Commission des loteries.
L’Aurore boréale : Monsieur le Ministre, pouvez-vous nous parler de votre rapport avec la langue française?
John Streicker : J’ai appris le français en Afrique alors que je travaillais au Tchad. Cela fait plus de 20 ans, c’était un endroit où les gens parlaient trois ou cinq dialectes, mais où le français était vraiment la langue d’usage. Ils le parlent doucement et simplement. J’ai donc travaillé là pendant cinq mois et ça m’a aidé à apprendre le français. J’avais aussi suivi un cours à l’université et des cours à l’école secondaire, mais c’est vraiment là-bas que je l’ai appris rapidement.
A.B. : Comment le portefeuille des affaires francophones vous a-t-il été attribué? Avez-vous exprimé un intérêt pour le poste ou s’agit-il de la décision du premier ministre?
J. S. : J’ai toujours été convaincu que la communauté francophone d’ici était active et vibrante. J’ai aussi quelquefois fait du bénévolat à la cabane à sucre et j’ai apprécié mes expériences avec la communauté francophone. Je pense également avoir une compréhension fondamentale de la langue française, donc c’est un bon début, et j’ai exprimé mon intérêt de m’améliorer au premier ministre. Je me souviens avoir observé la ministre Taylor quand elle avait annoncé un programme [d’aide à l’accès aux services bilingue]. Je siégeais alors au conseil municipal et je participais à ce type d’événements. J’ai vu son travail et je pense que c’est pour cela que je me suis vu offrir cette responsabilité par le premier ministre.
A.B. : Vous succédez en effet à la ministre Taylor. Pouvez-vous nous en dire plus sur cette période de transition?
J. S. : J’ai passé quelques appels à la ministre sortante Taylor, mais je n’ai pas encore eu l’occasion de lui parler. J’espère que je pourrai m’entretenir avec elle sous peu. Je suis en effet en poste depuis une semaine et un jour, et nous n’avons donc pas encore eu la chance de discuter [des dossiers de la francophonie yukonnaise], mais la DSF m’a bien sûr informé sur plusieurs des dossiers en cours.
A.B. : La ministre Taylor participait à de nombreux événements et bénéficiait d’une belle popularité auprès des organismes francophones. Pour votre part, comment allez-vous approcher les acteurs et les organismes de la francophonie yukonnaise?
J. S. : J’ai déjà correspondu avec l’AFY, j’ai reçu une lettre d’Angélique [Angélique Bernard, présidente de l’AFY] que j’avais rencontrée plusieurs fois auparavant, et [un courrier] d’Isabelle Salesse [directrice générale de l’AFY]. Ce qui s’est passé auparavant et ce que j’espère pouvoir continuer, c’est que nous ayons des rencontres mensuelles où nous nous asseyons avec l’AFY, mais aussi avec les autres organismes francophones, juste pour rester connecté avec la communauté et pour écouter leurs champs d’intérêt et leurs préoccupations. J’espère pouvoir construire sur ce que Mme Taylor a développé au fil des ans, et je pense que c’est très important d’avoir une connexion personnelle avec la communauté.
A.B. : L’une des tâches principales de la DSF est de mettre en œuvre le cadre stratégique 2014-2018 sur les services en français. Comment voyez-vous l’avenir de ce cadre stratégique?
J. S. : Nous allons essayer d’offrir plus de support stratégique, spécialement en santé-bien-être et dans le champ de la santé mentale. Nous allons donc regarder pour offrir plus de services en français dans ces domaines, mais aussi dans les domaines des arts et de la culture en français. […] Il y a eu par ailleurs un renouvellement avec le gouvernement fédéral pour l’appui au bilinguisme à travers le pays, et nous négocions aussi [une entente avec le gouvernement fédéral] pour les prochaines années. Je suis sûr que nous aurons une bonne nouvelle bientôt. Aussi, nous ne voulons pas attendre 2018 pour développer le prochain plan. Nous commencerons donc probablement dès l’année prochaine le travail pour [planifier] la prochaine période, peut-être 2018 à 2022, ce qui serait parfait puisque ce sera la période de notre mandat.
A.B. : Les engagements pris par les libéraux envers la communauté francophone se font l’écho de plusieurs demandes formulées par l’Association franco-yukonnaise dans son document de positionnement politique. Sur quelle base le parti libéral en campagne a-t-il été en mesure d’affirmer qu’il mettrait en œuvre ces politiques une fois élu?
J. S. : Je ne pense pas que nous l’avons utilisé [le document de l’AFY] de façon explicite. Nous l’avons reçu et nous avons eu des conversations avec différentes organisations, dont l’AFY en particulier. Dans notre plateforme, nous nous sommes spécifiquement engagés à construire une école francophone. Nous avons aussi parlé d’augmenter l’offre de services en français, notamment dans le secteur de la santé, qui inclut la santé mentale. Nous planifions aussi d’effectuer un examen général avec les groupes culturels communautaires, ce qui inclut la langue française. C’est un groupe très spécifique.
A.B. : La santé et l’éducation sont les deux priorités de la communauté francophone. Comment vous voyez-vous collaborer sur ces priorités avec les ministres Frost et McPhee?
J. S. : La ministre Frost et moi-même avons déjà travaillé ensemble sur plusieurs dossiers, pas seulement sur les questions de santé, parce qu’elle est aussi responsable de l’Environnement et de la Société d’habitation, donc nous nous sommes assis plusieurs fois ensemble. La ministre McPhee m’a invité, mais nous n’avons pas encore eu le temps de discuter. Nous savons en particulier que l’un des dossiers avec lequel nous allons devoir composer sous peu est le dossier de l’école [francophone]. Cela va être un dossier important, non seulement pour la communauté francophone, mais aussi pour tous les Yukonnais. Il y a une réflexion sur la façon dont ce projet va aussi bénéficier à la communauté dans son ensemble, et ce sont donc des questions importantes dont nous discutons.
A.B. : Finalement, comment voyez-vous l’avenir de la francophonie yukonnaise, mettons dans cinq ou dix ans?
J. S. : Ce que je pense de la communauté francophone d’ici, c’est que c’est vraiment un symbole de la nature du Yukon. Je crois que la communauté francophone est déjà très engagée dans les activités de la communauté anglophone, mais ce que j’espère, c’est que nous serons capables de créer cet échange interculturel et de montrer le fait français [aux Yukonnais]. La communauté francophone travaille à maintenir sa culture à travers sa langue. Nous avons d’autres exemples. On veut maintenir notre culture autochtone à travers ses langues. Ce sont des problématiques similaires dont nous nous soucions, pas du point de vue compétitif, mais dans un esprit de coopération. J’espère donc que nous continuerons à travailler dans cet esprit de coopération et d’amélioration des services. Je suis aussi au courant que la communauté francophone d’ici est la troisième plus grande en pourcentage au niveau national. La plupart des Yukonnais ignorent ceci, mais c’est une belle information à diffuser. Il est agréable pour moi d’entendre du français quand je marche dans la rue, ça me donne un vrai sens de ce qui fait la force de la diversité au Yukon.