/Danny Joncas (Francopresse)
Au lendemain de l’élection fédérale qui a couronné le Parti libéral de Justin Trudeau, peu d’organismes au sein de la francophonie canadienne ont pleuré la défaite de Stephen Harper, bien que la plupart d’entre eux ont toutefois fait preuve de réserve dans leurs déclarations.
Même s’il n’est pas nécessaire d’être un fin observateur politique pour constater que l’ensemble de la francophonie canadienne penche traditionnellement du côté des libéraux, on souhaite éviter de froisser les mauvaises personnes. En effet, bien qu’un gouvernement libéral majoritaire soit maintenant en poste à Ottawa, les députés et sénateurs d’allégeance conservatrice qui restent pourraient constituer de précieux alliés.
Le retour au pouvoir des libéraux, après presque une décennie d’absence, signifie malgré tout la fin d’une période qui n’aura pas été de tout repos pour la francophonie canadienne.
Ces dix dernières années auront surtout été marquées par un manque de communication entre les communautés francophones et le gouvernement fédéral, un gouvernement à qui l’on a reproché à maintes reprises d’avoir agi sans avoir au préalable consulté les communautés.
Les réactions communautaires
Quand est venu le temps de commenter le résultat des élections du 19 octobre, la plupart des organismes francophones ont ainsi exprimé le souhait d’établir un dialogue constructif avec le nouveau gouvernement.
« L’entrée en fonction d’un nouveau gouvernement signale une approche renouvelée en matière d’appui à la francophonie et aux langues officielles », a prudemment commenté la Fédération des communautés francophones et acadienne (FCFA) du Canada.
Le président de l’Association canadienne-française de l’Alberta (ACFA), Jean Johnson, s’est mouillé davantage, qualifiant « d’excellente nouvelle » l’élection de Justin Trudeau et des libéraux. « Nous avons besoin d’une nouvelle approche en matière de la Loi sur les langues officielles », a-t-il dit.
Par la voix de sa présidente Angélique Bernard, l’Association franco-yukonnaise (AFY) a pour sa part tenu à féliciter le Parti libéral, le premier ministre désigné, Justin Trudeau, et le député du Yukon, Larry Bagnell, « pour leur grande victoire », ainsi que toutes et tous les élus et les candidats qui ont participé à cette campagne. L’AFY a également tenu à remercier le député du Yukon sortant, Ryan Leef, pour son appui à la francophonie yukonnaise durant son mandat.
« Durant leur campagne, les libéraux se sont engagés à développer un plan amélioré pour les langues officielles, et à s’assurer que tous les services gouvernementaux sont offerts en conformité avec la Loi sur les langues officielles », a déclaré la présidente de l’AFY, Angélique Bernard. « Nous espérons que ce vent de changement sera une excellente occasion de bonifier la livraison des programmes sous la Feuille de route pour les langues officielles 2013-2018. Près de trois ans après le lancement de celle-ci, certains des programmes qui y sont prévus n’ont pas encore vu le jour, et d’autres sont mis en œuvre d’une manière qui exclut les organismes comme le nôtre, ce qui est un frein considérable au développement de notre communauté », a-t-elle ajouté.
L’héritage de Harper
Durant ses trois mandats à la tête du pays, Stephen Harper ne se sera pas fait que des amis au sein de la francophonie canadienne. Bien que son gouvernement ait pris des décisions publiquement décriées et même contestées devant les tribunaux, M. Harper était-il vraiment le monstre francophobe que certains ont tenté de dépeindre? Retour sur son bilan en matière d’appui aux communautés francophones.
Dès sa première année au pouvoir, en 2006, Stephen Harper pose quelques gestes significatifs.
Tout d’abord, il nomme l’auteur et journaliste Graham Fraser au poste de commissaire aux langues officielles. Celui-ci succédera à la Franco-Ontarienne Dyane Adam et verra son mandat renouvelé en 2013.
Puis, peu de temps après la nomination initiale de 2006, le gouvernement conservateur s’assurera que le nouveau commissaire ne manque pas de travail en abolissant le Programme de contestation judiciaire (PCJ) sur lequel s’appuyaient les communautés de langue officielle en situation minoritaire pour faire reconnaître leurs droits devant les tribunaux. La FCFA et le commissaire aux langues officielles tenteront en vain de convaincre les conservateurs de revenir sur leur décision, apportant le dossier jusqu’en cour fédérale.
Pendant que la question du PCJ retient l’attention, les communautés commencent à s’inquiéter de la suite qu’entend donner le gouvernement conservateur au Plan d’action pour les langues officielles. Les organismes porte-parole disent ne pas être suffisamment consultés en vue du renouvellement du plan quinquennal qui doit arriver à échéance en 2008. La ministre Josée Verner finira par dévoiler la Feuille de route pour la dualité linguistique.
Au cours de leur deuxième mandat, de l’automne 2008 au printemps 2011, les troupes de Stephen Harper provoqueront encore l’ire de la francophonie canadienne.
On se souvient, entre autres, du refus des conservateurs de soutenir le projet de loi du député néo-démocrate Yvon Godin qui aurait fait du bilinguisme un critère de sélection pour les juges siégeant à la Cour suprême du Canada. De nombreux changements importants ont par ailleurs été apportés au processus de recensement qui permettait de dresser un portrait démographique plutôt juste de la population francophone vivant à l’extérieur du Québec.
Enfin, le dernier mandat de M. Harper aura été celui des rondes de compressions à Radio-Canada et du financement parfois tardif et souvent jugé insuffisant des organismes visant à représenter et à défendre les intérêts des minorités linguistiques.
Il est difficile de prédire si les libéraux afficheront un bilan plus reluisant dans quatre ans. Une chose est cependant certaine : les organismes porte-parole souhaitent trouver dans leur nouveau gouvernement une oreille plus attentive et sensible à leurs besoins.