Les 20 et 21 août derniers, les juges de la Cour d’appel du Yukon ont entendu le recours porté par le gouvernement du Yukon dans l’affaire de la Peel. Au cœur du procès, le droit du gouvernement à passer outre les recommandations émises à l’issue de sept ans de travail par la Commission d’aménagement du bassin de la rivière Peel.
En désaccord avec le plan soumis par cette commission d’experts, le gouvernement avait en effet choisi d’élaborer son propre plan d’aménagement de la région. Une série de consultations avait par la suite été menée, mais uniquement sur la base de ce nouveau plan. Une décision inacceptable pour la coalition formée par plusieurs Premières nations et groupes environnementaux.
Selon l’avocat de la coalition, Thomas Berger, le gouvernement n’a pas respecté le processus d’aménagement du territoire tel que défini dans les ententes territoriales autochtones du Yukon. Partisan du jugement de première instance, Me Berger soutient que les modifications apportées sur le plan de la commission auraient dû être présentées en détail bien avant la phase de consultation publique. Il réclame ainsi qu’une nouvelle période de consultation soit mise en œuvre en bonne et due forme.
Pour l’avocat du gouvernement, le Torontois John Laskin, son client a au contraire mené le processus d’aménagement du territoire dans le respect des ententes territoriales du Yukon. La proposition du gouvernement de réduire le taux de protection de la région de 80 % à 30 % constitue selon lui une modification sur le plan de la commission, et non un nouveau plan à part entière. Il affirme par ailleurs que le gouvernement devrait dans tous les cas avoir le dernier mot sur la gestion des terres publiques. Si le jugement de première instance venait à être validé à l’issue de cette procédure d’appel, Me Laskin craint en effet que le gouvernement ne se retrouve à devoir mener une consultation sur un plan d’aménagement qu’il désapprouve.
Pour l’avocat du conseil de bande Gwich’In, Jeff Langlois, l’affrontement qui a lieu pourrait mener à une détérioration générale des relations entre les gouvernements et les Autochtones. Me Langlois a notamment souligné que les ententes territoriales doivent s’inscrire dans le processus de réconciliation initié entre ces différents acteurs. Selon lui, ce processus pourrait être mis à mal si un doute subsiste quant à la volonté de collaboration des gouvernements provinciaux et territoriaux. Établi dans les Territoires du Nord-Ouest, le Conseil de bande Gwich’In, contrairement à toutes les Premières nations du Yukon, n’a jamais signé l’accord-cadre définitif quant aux ententes sur les revendications territoriales. Trois pour cent des terres visées dans le bassin de la Peel appartiennent à cette Première nation, les 97 % restants étant des terres publiques.
Quelle que soit la décision de la Cour d’appel, l’affaire pourra encore être portée devant la Cour suprême du Canada. L’obtention d’une telle audience devant la plus haute instance canadienne n’est cependant pas garantie, puisque seulement 10 % des requêtes sont entendues. Pour être acceptée, une telle demande doit souvent être porteuse d’un enjeu national.