La Société pour la nature et les parcs du Canada (SNAP, ou CPAWS en anglais) vient de publier son rapport annuel sur les progrès accomplis par le Canada dans le cadre de son engagement à protéger au moins 17 % de ses zones terrestres et de ses eaux intérieures d’ici 2020. En 2010 à Nagoya, au Japon, le Canada s’était joint à la communauté internationale afin d’adopter un plan stratégique décennal sous l’égide de la Convention sur la diversité biologique des Nations Unies.
À mi-chemin du plan stratégique, la SNAP s’est ainsi penchée sur l’évaluation des progrès accomplis par le Canada et ses juridictions dans l’atteinte de ses objectifs. Alors que la moyenne mondiale est actuellement de 15 %, et que la moitié des pays signataires ont déjà atteint la cible de 17 %, le Canada n’a lui protégé pour le moment que 10 % de son territoire. Selon la SNAP, le chiffre n’est pas à la hauteur du potentiel du Canada en matière de biodiversité.
« Au niveau international, nous sommes plutôt derrière les autres pays, certains d’entre eux ayant déjà atteint leurs objectifs », explique Amber Church, responsable des programmes de la SNAP pour le Yukon. « Au niveau national, le Yukon se situe à peu près à 10 % (NDLR 11,8 %), mais depuis la signature de nos engagements, il y a cinq ans, nous n’avons ajouté aucune nouvelle zone à notre territoire. Le Yukon a donc stagné à 10 % tout au long de cette période. »
La Peel en souffrance, Kusawa en exemple
Le niveau de protection varie considérablement d’une juridiction à l’autre et notre territoire n’est pas la seule juridiction canadienne à n’avoir pris aucun engagement depuis 2010. D’autres provinces comme le Québec ou l’Ontario, qui a annoncé vouloir protéger la moitié de sa forêt boréale avant 2020, font certainement partie des bons élèves au niveau national.
Au Yukon, les deux tiers des aires protégées relèvent par ailleurs du gouvernement fédéral par l’entremise des parcs nationaux, notamment. À ce jour, le gouvernement yukonnais n’aurait ainsi protégé que 4 % de son territoire.
Des progrès notables pourraient cependant être accomplis, grâce notamment au plan d’aménagement du bassin hydrographique de la rivière Peel, mais cela dépend d’une certaine volonté politique. À ce chapitre, la SNAP invite d’ailleurs le gouvernement à s’inspirer du projet d’aire protégée du parc Kusawa. Une collaboration réussie entre le ministère de l’Environnement et les représentants de trois communautés des Premières nations a débouché sur la finalisation d’un plan d’aménagement valorisant l’intégrité écologique et le respect des terres ancestrales des Premières nations.
« Je ne pense pas que l’on ne puisse créer aucune nouvelle zone protégée au Yukon sans une collaboration très étroite avec les Premières nations. Kusawa, par exemple, a fait l’objet d’une coopération à tous les niveaux entre le gouvernement et les Premières nations impliquées, ce qui constitue un succès encourageant pour le futur », affirme Amber Church. « Je pense donc que le Yukon peut atteindre ses objectifs, mais il a besoin d’aller de l’avant pour les accomplir. Si le gouvernement protégeait la Peel, l’objectif serait quasiment accompli. Mais comme nous le savons, l’affaire se joue en ce moment devant les tribunaux et nous ne pouvons pas encore savoir si ça se fera ou non. »
Rappelons que le gouvernement territorial n’a pas souhaité adopter les recommandations des Premières nations et de la Commission du bassin versant de la rivière Peel qui recommandaient que 80 % de ce territoire de 68 000 km2 situé au nord du Yukon soit protégé, les 20 % restant demeurant ouverts à un développement contrôlé (notamment minier). Jugée en juillet 2014, l’affaire a été portée en appel par le gouvernement. La prochaine comparution au tribunal aura lieu à la fin de ce mois.
« Je ne pense pas qu’il y ait d’amélioration avant que la décision de la cour ne soit rendue, d’autant plus que le gouvernement a annoncé publiquement que le processus d’aménagement des terres ne serait pas relancé jusqu’à ce que la situation de la Peel soit réglée », poursuit Mme Church. « Et il s’agit justement de l’une des structures dont nous avons besoin pour mettre en place la protection de nouveaux espaces. »
En quête de ressources
Selon la SNAP, une augmentation des ressources devrait par ailleurs être rapidement décidée pour donner des moyens de travail décents aux services concernés. Au chapitre des aires déjà protégées, le parc Tombstone, fleuron de Parcs Yukon, n’a par exemple pas de budget pour mettre en œuvre son plan d’aménagement, pourtant approuvé il y a six ans, et un grand nombre de zones identifiées pour protection selon les réclamations territoriales ne sont par ailleurs pas encore légalement soustraites aux activités comme le jalonnement minier.
« Il y a un certain nombre d’éléments hors de contrôle en ce moment, en terme de processus d’aménagement des terres, de stratégie globale de conservation et de ressources financières », affirme Amber Church. « Encore une fois, nous aurions réellement besoin que soit lancé un processus d’aménagement du territoire et que le gouvernement équipe ses départements de façon adéquate, afin que ceux-ci puissent composer avec leurs nouvelles responsabilités et travailler à de nouveaux projets de protection. »
Le rapport du SNAP recommande ainsi au gouvernement territorial de soustraire immédiatement les zones d’Aga Mene et de la rivière Summit Lake-Bell du jalonnement minier afin de les établir en aires protégées territoriales. La SNAP conseille également au territoire de relancer le processus de planification de l’aménagement régional du territoire et de développer une stratégie globale de conservation pour tout le Yukon afin d’identifier les zones les plus importantes à protéger.
Le développement d’une stratégie de financement à long terme visant à soutenir l’établissement et la gestion efficace des parcs du territoire serait également un point à considérer, selon le rapport.