Gérard Lévesque, avocat et notaire, [email protected]
« Il n’est pas opportun pour les gouvernements provinciaux ou territoriaux de soulever des questions liées aux considérations pratiques ou aux coûts dans le cadre de l’analyse de l’équivalence factuelle entre les écoles de la minorité linguistique et celles de la majorité linguistique. »
Cette remontrance fait partie du jugement rendu le 24 avril dernier par la Cour suprême du Canada dans le dossier Association des parents de l’école Rose des vents c. Colombie Britannique (Éducation), 2015 CSC 21. Écrite par la juge Andromache Karakatsanis avec l’accord de la juge en chef McLachlin et des juges Abella, Rothstein, Moldaver, Wagner et Gascon, la décision unanime met en lumière une nouvelle génération de questions liées aux droits à l’instruction dans la langue de la minorité.
Au cours des trente dernières années, les litiges scolaires ont traité du droit d’un groupe à des services d’enseignement dans la langue de la minorité. Maintenant, il s’agit de savoir comment un tribunal peut décider si un groupe reçoit, dans les faits, les services auxquels il a droit.
Dans ce dossier, les parents d’enfants qui fréquentent une école primaire de langue française ont poursuivi leur conseil scolaire et leur gouvernement provincial et ont sollicité un jugement déclarant que les services d’enseignement n’étaient pas équivalents à ceux dispensés par les écoles de langue anglaise du secteur. Le plus haut tribunal du pays a décidé que les parents avaient droit à ce jugement déclaratoire.
La Colombie-Britannique nie que les installations sont inadéquates. Pour donner effet aux droits garantis par l’article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés, la Cour déclare que l’accent doit être mis sur l’équivalence réelle plutôt que sur les coûts par personne et les autres indicateurs d’équivalence de forme. Selon la Cour, « ce qui est primordial, c’est que l’expérience éducative des enfants de titulaires des droits garantis par l’article 23… soit de qualité réellement semblable à l’expérience éducative des élèves de la majorité linguistique. »
En rejetant la méthode d’évaluation de l’équivalence proposée par la province, la Cour indique qu’il s’agit d’un critère inutilement complexe et rigide. À la suite de la parution de ce jugement, le procureur général de la Colombie-Britannique doit réviser positivement et généreusement son interprétation des droits scolaires constitutionnels. Le Yukon et les autres autorités législatives (l’Alberta, la Saskatchewan et les Territoires du Nord-Ouest) qui sont intervenus en appui de la Colombie-Britannique doivent en faire autant.
Compte tenu de leurs positions erronées sur les droits scolaires qui font l’objet d’une disposition spécifique de la Charte, les procureurs généraux de ces provinces et territoires devraient en profiter pour faire un examen de conscience au sujet des autres services en français qu’ils doivent offrir à leur communauté minoritaire de langue officielle. N’est-ce pas un temps opportun pour ces procureurs généraux, responsables d’une application égale et équitable du droit, de mettre en œuvre le paragraphe 16(3) de la Charte canadienne des droits et libertés en prenant des initiatives favorisant la progression vers l’égalité de statut ou d’usage du français et de l’anglais?
Texte de la décision de la Cour suprême du Canada www.canlii.org/fr/ca/csc/